A cause du changement climatique, les précipitations extrêmes pourraient augmenter de 25% à l’horizon 2030, causant des inondations de plus d’un mètre de hauteur dans certains secteurs de Tunis.


«Ezzahra et Hammam-Lif ouest, deux zones urbanisées et industrielles de la basse ville de Tunis, sont vulnérables à la submersion marine en cas de certaines tempêtes. Selon les scénarios généralement admis du changement climatique, les précipitations extrêmes pourraient augmenter de 25% à l’horizon 2030, causant des inondations de plus d’un mètre de hauteur dans certains secteurs de Tunis», c’est ce qui ressort une étude régionale élaborée par la Banque Mondiale (2009-2011).

Cette étude, dont les résultats viennent d’être présentés, à Tunis, vise à évaluer les vulnérabilités de quatre sites: Alexandrie (Egypte), Tunis, Casablanca et la Vallée du Bouregreg (Maroc), face aux impacts potentiels du changement climatique et des risques naturels à l’horizon 2030.

Des pertes évaluées à 8% de la production économique

Selon ce document de référence, «la valeur actuelle nette du cumul des pertes économiques potentielles, englobant tous les risques naturels, est estimée à 1,05 milliard de dollars, soit 8% de la production économique de la capitale de la Tunisie».

«Environ 59% des pertes potentielles sont liées aux risques de submersion, tandis que 26% sont dues aux risques sismiques et 14% aux tempêtes. On estime à 25% les pertes potentielles attribuables au changement climatique, d’ici 2030, dont la plupart seraient associées aux inondations».

La capitale «pourrait faire face à des précipitations extrêmes, avec une période de retour de 50 ans, alors qu’elles ne se produisaient précédemment qu’une fois tous les cent ans. De même, la période de récurrence de pluies torrentielles qui était de 50 ans, serait réduite à 20 ans dans l’avenir proche».

Inondations, érosion côtière, submersion marine, séismes…

Selon les conclusions de l’étude intitulée ‘‘La vulnérabilité des villes côtières d’Afrique du nord’’, «les résidents de Tunis s’attendent à des étés chauds et secs, suivis d’hivers doux et pluvieux. Mais ils doivent, également, anticiper des phénomènes extrêmes».

Il s’agit, en particulier, des inondations, de l’érosion côtière, de la submersion marine, des séismes et de l’instabilité des sols, ainsi que de la pénurie d’eau.

D’après l’étude, «certains bassins versants seront exposés à de forts risques d’inondation, aggravés par des systèmes de drainage inefficaces et un taux élevé d’urbanisation». «La subsidence de terrains (affaissement lent d’une partie de l’écorce terrestre), accompagne les risques d’inondation dans la basse ville de Tunis, économiquement importante, multipliant les impacts potentiels».

La croissance démographique prévue pour Tunis, de 2,2 millions d’habitants actuellement, à 3 millions de personnes en 2030 (+33%), constitue un facteur majeur dans l’évaluation des risques.

S’agissant de l’érosion côtière, l’étude a relevé que «le recul du littoral dans le golfe de Tunis est un phénomène constant depuis un demi-siècle. Dans certains secteurs, la ligne de côte peut reculer jusqu’à 10 mètres par an, ce qui signifie qu’une superficie de 27 km du littoral urbanisé, sera considérée à haut risque d’érosion, d’ici 2030 (contre 16 km en 2010). Finalement, il faut envisager une érosion majeure du littoral entre Kalaât Landalous et la plage de Raoued, à l’horizon 2030».

Un recul des plages jusqu’à 15 mètres d’ici 2030

De même, l’élévation du niveau de la mer à cause du changement climatique ferait progresser l’érosion côtière, entraînant un recul des plages, pouvant atteindre 15 mètres d’ici 2030.

Les experts de la BM, partant de l’hypothèse d’une élévation de 20 cm du niveau de la mer d’ici 2030, ont estimé qu’une bande plus importante du littoral sera exposée à un risque «élevé» de submersion à l’horizon 2030, dans des régions telles que Douar Amor Ben Hamda et celle de Radès Mellaha et ce pendant des tempêtes exceptionnelles de retour centennal.

Concernant les séismes et l’instabilité des sols, l’étude a souligné qu’en raison de la mauvaise qualité géotechnique des sols de la ville de Tunis, les risques de tremblement de terres pourraient augmenter considérablement.

Aussi, le phénomène de subsidence dans le centre ville pose des défis spécifiques pour les quartiers construits sur les terres gagnées sur le lac de Tunis, pendant la colonisation française, dont la richesse architecturale fait partie du patrimoine culturel de la ville.

Quant au risque de pénurie d’eau, considéré faible en 2010, il devient un risque moyen en 2030, en raison d’une demande urbaine en augmentation constante.

Des mesures d’adaptation aux changements climatiques

Afin de faire face à ces risques, la BM a proposé dans son étude, une série de mesures d’adaptation et de résilience aux changements climatiques.

De prime abord, elle a préconisé d’améliorer les systèmes de drainage dans les zones basses de la ville exposées aux inondations, avant de permettre de nouveaux développements urbains.

Il est aussi, «impératif de contenir la progression de l’habitat anarchique dans la périphérie urbaine, et de concevoir un zonage judicieux, avec des zones réservées aux espaces verts, tout en tenant compte des phénomènes de subsidence qui réduisent la capacité de Tunis à résister aux tempêtes, aux risques sismiques et aux extrêmes climatiques».

«Les extensions urbaines futures doivent être conçues de manière à minimiser la charge supplémentaire de ruissellement, en prévoyant, notamment, des toitures vertes et des réservoirs pour absorber les eaux de pluie».

Côté investissements en infrastructures, l’étude a recommandé d’optimiser les systèmes d’assainissement et de drainage de la capitale, en soulignant que «la ville a besoin de matériel plus performant pour gérer le niveau des eaux du lac et du port. Dans certaines zones, il faudra construire des digues», et ce, afin de parvenir à gérer des épisodes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents.

Il y a, aussi, nécessité de concevoir un plan spécifique pour pallier à l’érosion constatée à proximité de Radès et dans d’autres secteurs.

Sur le plan institutionnel, la BM a recommandé de mettre en place un système de surveillance et d’alerte précoce, accompagné de plans de communication pour alerter les populations et les entreprises, en cas de risque, outre l’élaboration d’un cadre juridique pour la gestion de zones côtières.

Aussi, la ville de Tunis devrait évaluer, avec précision, la vulnérabilité des bâtiments existants aux différents risques, de façon à adopter des mesures adéquates pour renforcer leur résilience.

Pour la BM, «la pression exercée sur les ressources en eau rend indispensable la mise en place d’un système pour optimiser les usages de l’eau et mieux gérer sa consommation (révisions des politiques tarifaires)».

Source: Tap.