La Tunisie a perdu son élan né de la révolution et au lieu de continuer à marcher sur ses pieds vers un avenir meilleur, elle marche sur la tête et supporte tous les maux de ce renversement.
Par Dr Fadhel Harzalli*
Peu après le 14 janvier 2011, il y a eu en Tunisie un renversement général de la situation qui a fait que notre pays est actuellement en train de marcher sur sa tête.
Politiquement, nous avions, avant cette date, un grand parti (le RCD) et quelques autres petits partis. Aujourd'hui, il en existe environ 170: il y a eu un foisonnement de partis et groupuscules politiques à tel point que le citoyen est réellement désorienté et incapable de distinguer leurs noms.
Les bouches étaient muselées: absence des libertés individuelles, absence de la liberté d'expression, répression de l'opposition, intolérance des différences des points de vue. Aujourd'hui, tout le monde peut parler, s'exprimer librement.
Au plan sécuritaire, le calme et la quiétude régnaient dans le pays. Actuellement, le terrorisme s'est installé dans les montagnes du nord-ouest, les campagnes et les villes. La Tunisie a connu les attentats politiques, les tentatives d'attentats à l'explosif dans les zones urbaines, et même le drapeau national a été souillé à plusieurs reprises comme si la négation de notre histoire a effectivement commencé.
L'œuvre de Bourguiba, le code du statut personnel, les grandes dates de notre histoire, les symboles de notre patrimoine culturel, tels que les mausolées, sont remis en cause comme si on veut ôter une partie de notre mémoire et de notre identité tunisienne. Notre mode de vie est menacé par le retour à un passéisme tombé en désuétude.
Au plan socio-économique, la classe moyenne était un pilier de notre société. Aujourd'hui, cette classe s'appauvrit et se «prolétarise» de plus en plus. Le pouvoir d'achat des Tunisiens a connu une dégradation sans mesure suite à une flambée vertigineuse des prix et une inflation sans cesse accrue. Notre balance de payement est très déficitaire, notre économie agonise : diminution et réticence des investissements intérieurs et extérieurs à cause, entre autres, du climat d'insécurité et du manque de confiance. Notre dette extérieure a frôlé la moitié de notre produit intérieur brut.
Au plan diplomatique et des relations internationales, la Tunisie est de plus en plus isolée; son image ternit après une phase d'euphorie et d'applaudissement juste après le 14 janvier. Aujourd'hui, certains de nos «amis» d'hier nous regardent d'un mauvais œil et n'ont plus confiance en notre transition démocratique. Le doute plane sur notre avenir et celui des nos futures générations.
Bref, la Tunisie, bien ancrée dans les annales de l'histoire depuis l'époque «capsienne», est menacée par la perte de son identité et de son riche patrimoine. Son bilan est devenu très négatif à plus d'un égard. Elle a perdu son élan et au lieu de continuer à marcher sur ses pieds vers un avenir meilleur, elle marche sur la tête et supporte tous les maux de ce renversement. Espérons que cette situation paradoxale, en contradiction avec les apports logiques et positifs de la «révolution», ne sera pas irréversible.
* Universitaire.