La gauche ne doit pas mettre Caïd Essebsi et Nidaa Tounes dans la situation de devoir faire des concessions aux islamistes pour pouvoir gouverner.
Par Mohamed Hafayedh*
Ce n'est pas une critique, un reproche, une humeur, c'est le sens de notre vote et des réalités. Ce n'est pas une mauvaise chose de mon point de vue.
Un vote personnalisé
Les Tunisiens ont voté dans l'urgence, pour un homme providentiel, dans le temps additionnel et dans les prolongations d'une longue carrière politique, pour la personne de Béji Caïd Essebsi (BCE), appelé ainsi au chevet d'une nation qui risque de rendre l'âme avant d'accoucher de la démocratie.
C'est ce nouveau président qui jouera aussi le premier rôle dans le domaine économique, grâce à son aura internationale. Ce ne sont pas les compétences et experts VRP du nouveau gouvernement ou un excellent programme économique qui vont résoudre les problèmes de la relance des investissements, c'est le nouveau statut international de la Tunisie qu'offre l'étoffe présidentielle de BCE et la confiance de nos voisins et de la communauté internationale qui fera de la Tunisie la Mecque du nouveau monde arabe et de l'Afrique. Il devient ridicule et contreproductif de faire le VRP par l'intermédiaire des quémandeurs, de l'agitation diplomatique, quand les grands de ce monde se prosternent devant la crédibilité du modèle tunisien.
Restons chez nous, ils viendront
L'islam politique a assez humilié la nation tunisienne et sa révolution et dégradé l'image d'un peuple valeureux. Ce peuple avait voté en 2011 pour des «gens pieux», qui se sont avérés des rapaces, avides de privilèges et de prébendes, sans scrupules et sans dignité.
Relevons donc la tête et soyons fiers, c'est le désordre dans le monde qui a besoin du génie tunisien. Restons dignement chez nous; construisons nos institutions; consolidons notre modèle né d'une expérience de dimension universelle; réformons notre système éducatif et libérons les énergies artistiques..., les grands de ce monde, les investisseurs, les touristes viendront.
Bourguiba a fait un peuple solide, BCE doit léguer à ses successeurs des institutions démocratiques qui ont consolidé l'œuvre historique du père de la nation.
C'est le chantier le plus urgent. Le monde nous observe; il n'attend pas la visite de découvrir les cartes de visite de nos compétences pour faire connaissance avec la Tunisie. Ceux qui sont émerveillés par notre modèle, comme ceux qui craignent la césure provoquée par la révolution tunisienne dans un monde occidental, viendront, par curiosité, par intérêt ou par admiration.
Nous verrons les ballets, comme au premier temps de la révolution dont nous avons lamentablement échoué à créditer le génie pacifique.
Logiquement, le chef du gouvernement sera un proche du Président, un homme pondéré et de raison, comme feu Bahi Ladgham, et ce ne sera pas une mauvaise chose pour la Tunisie et son salut, au moins lors de la première année de la législature.
L'idéal serait que la gauche cesse les surenchères autour des programmes économiques, d'autant que l'UGTT va jouer pleinement son rôle social. Elle doit se concentrer sur son avenir après le mandat de Beji Caïd Essbsi, en collaborant notamment avec Nida Tounes et les autres formations démocratiques, en vue de bâtir des institutions solides préservant le modèle moderniste démocratique. En d'autres termes, la gauche ne doit pas mettre le nouveau président et son parti dans la situation de faire des concessions aux islamistes.
* Avocat à la Cour de Paris.
Illustration: Hamma Hammami recevant Béji Caïd Essebsi au siège du Front populaire avant le 2e tour de la présidentielle..
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