Grâce au culte naissant du saint-homme, les chômeurs des quatre coins de la Tunisie pourront devenir des vendeurs de petites statuettes à l’effigie de Monseigneur Ghannouchi. Fini le chômage, les grèves et les les sit-in!
Par Karim Ben Slimane
A l’occasion de redémarrage des enseignements à la Zeitouna, un des cheikhs de la prestigieuse université, très laudateur, n’a pas tari d’éloges à l’endroit de son nouveau bienfaiteur Rached Ghannouchi. J’ai entendu par vox populi que c’est au cheikh Ghannouchi que revient le mérite d’avoir redonné à la vieille université son lustre d’antan après que Bourguiba l’ait enterrée.
Le cheikh Ghannouchi a été bien récompensé de ce geste courageux et magnanime puis qu’il a désormais rejoint le cénacle des compagnons du prophète Muhammad. C’est officiel : désormais, il faudra faire montre de révérence envers le cheikh Ghannouchi en le gratifiant des propos rituels «Radhia Allahou Anhou» (Dieu l’agrée).
Je trouve cet hommage non seulement mérité par Monseigneur Rached Ghannouchi, lui qui a souffert le martyre et a payé de sa chair pour nous délivrer du joug de la dictature de Ben Ali alias Abu Jahl (l’un des anciens pourfendeurs du prophète Muhammed, Ndlr), mais aussi très opportun.
Oui il est mérité, car Monseigneur Ghannouchi n’a rien à envier aux compagnons du Prophète. Le cheikh zeitounien, dans son éloge, a même fait l’analogie avec Bilal. Il est donc légitime pour un uléma, un grand savant, un érudit en «fiqh» (jurisprudence islamique) et aussi le nouveau «combattant suprême» contre la dictature de Ben Ali que de prétendre à son nouveau rang.
L’élévation de Monseigneur Ghannouchi à ce rang est aussi très opportune car elle tombe à point nommé pour redresser l’économie tunisienne. Les experts de Standard & Poor n’ont qu’à bien se tenir, nous avons touché le jackpot. Je m’explique. On peut s’attendre à la création d’une nouvelle industrie autour de la personne de Monseigneur Ghannouchi.
Les chômeurs des quatre coins de la Tunisie pourront en effet devenir des vendeurs de petites statuettes à l’effigie de Monseigneur Ghannouchi à l’instar de leurs compatriotes qui officient à la place St-Pierre à Rome mais pour une autre filière concurrente. Imaginez que maintenant que nous avons, nous Tunisiens, un Ghannouchi («radhia allahou ânhou») parmi nous, chacun d’entre nous doit avoir sa petite statuette chez lui. Pour ma part, zélé comme je suis, j’en aurai trois, une chez-moi, une au bureau et une dans la voiture, modèle avec ventouse, en édition limitée.
Les millions de statuettes qui seront mises sur le marché seront une bouffée d’oxygène pour l’économie et une source de milliers d’emplois. Le gouverneur de la Banque centrale pourra dormir tranquille: Ennahdha a sorti la grande artillerie.
Enfin, les idées de l’exploitation de cet heureux évènement sont nombreuses. Je pense déjà à un musée sur la vie de Monseigneur Ghannouchi, une collection de livres, un album Panini avec tous les amis «nahdaouis» de Monseigneur Ghannouchi et puis pourquoi pas des DVD et j’oublie les opportunités pour l’export.
Finis les sit-in, les contestations, les revendications des chômeurs, nous serons tous des vendeurs de statuettes à l’effigie de Monseigneur Ghannouchi. Comme ça, on sera récompensé sur terre et, surtout, dans le ciel, inchallah.
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