La révolution tunisienne a précédé, d’environ un mois, celle des Egyptiens. Malgré les nombreuses différences entre les deux pays, leurs mouvements révolutionnaires ont observé beaucoup de similitudes ayants traits à leur nature, finalité et processus.

Par Hatem Mliki


 

Durant ces derniers mois, on ne pouvait s’empêcher, à chaque phase, de comparer, par curiosité, rivalité et pour des besoins d’analyse, l’avancement des deux processus.

Les élections présidentielles égyptiennes, dont la première phase vient d’être achevée, constitue certainement un événement majeur. A cause de ce que nous pouvons appeler la faiblesse du modèle électoral qui n’autorise que la compétition des deux premiers candidats, le deuxième tour de l’élection présidentielle égyptienne, qui sera tenu les 16 et 17 juin prochain, opposera le candidat des islamistes, déjà majoritaires au parlement, à celui des non islamistes et des non révolutionnaires, le général Ahmed Chafik.

Deux forces rétrogrades à l’assaut de la révolution

Quel que soit le résultat de ces élections, l’Egypte vient de devancer sa petite sœur, la Tunisie, en dévoilant très clairement le dilemme du printemps arabe. Les malheureux jeunes de la place Tahrir, tout comme leurs homologues de l’avenue Bourguiba et de la Kasbah, sont surpris, scandalisés et révoltés. La même question est posée à Tunis et au Caire: est-ce qu’on a fait la révolution pour se retrouver en face de deux forces rétrogrades dont le seul souci est de voler la révolution, mettre la main sur le pays et arrêter le processus démocratique?

Loin de décevoir les jeunes des deux pays, déjà déprimés, il faut avouer qu’il s’agit là d’une réalité prévisible qui vient de ramener sur terre les plus ambitieux parmi nous qui croyaient que le monde arabe a finalement rompu avec la dictature et le totalitarisme et ouvert définitivement la voie de la liberté et la démocratie. Et alors que la Tunisie a choisit la logique de l’autruche, en écartant par décret les Rcdistes de la compétition électorale, l’Egypte a eu le mérite de poser sur la table le vrai problème de nos sociétés.

L'Egypte élit son président.

Une lutte pour le pouvoir et non pour la liberté

Ceux de ma génération, ayant vécu les combats acharnés des années 80 entre islamistes et pouvoirs en place, savaient pertinemment qu’il s’agissait d’une lutte pour le pouvoir et non pas pour la liberté et la démocratie. Il faut tout de même avouer que, dans notre cas aussi, on avaient espéré qu’après tant d’années les dictateurs, des deux côtés, ont finit par comprendre la nécessité d’accepter la cohabitation démocratique comme unique issue vers l’amélioration des conditions de vie de dizaines de millions de citoyens écrasés par la souffrance et l’oppression et dont le seul tort est d’être nés sous ces cieux.

Les scenarios égyptien et tunisien sont aussi identiques au niveau du processus. Au lendemain de la révolution des jeunes, les partis islamistes des deux pays, Ennahdha et les Frères musulmans devenu Parti de la Liberté et la Justice, se sont positionnés sur la scène politique avec des discours modernes et rassurants plaidant pour les objectifs de la révolution et défendant les libertés et la démocratie pour se faire accepter d’une part et barrer le chemin devant les forces révolutionnaires et démocratiques de l’autre.

Tous les deux n’ont pas soutenus ces jeunes révolutionnaires pendant la première phase postrévolutionnaire. Ennahdha, tout comme les Frères musulmans, étaient pris à l’époque par la préparation du terrain pour une victoire électorale: collecte de fonds, manipulation de la rue, propagande médiatique, déviation du débat politique…

Il a suffi de quelques mois d’exercice du pouvoir absolu en Tunisie et parlementaire en Egypte pour que naisse au grand jour l’identité réelle des partis islamistes et pour se rendre compte que, malheureusement pour la jeunesse de nos pays, cette nouvelle étape du processus n’est que la deuxième mi-temps du match opposant les deux prétendants de la dictature.

Pour ne pas contrarier encore plus nos jeunes, on va finir sur un aspect positif que l’expérience électorale égyptienne nous offre. Après leur victoire aux législatifs, les islamistes égyptiens ont boycotté les manifestations des jeunes révolutionnaires mobilisés contre la mainmise des militaires. Aujourd’hui, ils sont prêts à mendier le soutien de ces jeunes révolutionnaires pour battre leur rival. Le malheur étant qu’avant même l’annonce officiel des résultats et une fois qu’ils étaient sûrs d’affronter le candidat des militaires au deuxième tour, le comité des sages des Frères musulmans s’est réuni autour de leur guide pour appeler par la suite, lors d’une conférence de presse tenu le soir même de la deuxième journée, à réunir toutes les forces révolutionnaires autour de leur candidat et «sauver la révolution» menacée par les anciens dictateurs. Quel culot!!

La Tunisie élit son président.

Des dictatures qui n’en finissent pas

Pour éviter ce scenario, les islamistes tunisiens multiplient les efforts pour éviter cette situation. Une partie qui soutient publiquement, sur les journaux et les réseaux sociaux, un nouveau projet d’exclusion des Rcdistes des prochaines élections alors que d’autres procèdent à une magouille encore plus vicieuse: récupérer ces maudits Rcdistes au sein des structures d’Ennahdha. Une différence de forme dans le coaching des deux équipes avec une même attitude de fond: les Frères musulmans cherchent à corrompre l’arbitre pour gagner alors que les islamistes d’Ennahdha préfèrent corrompre directement l’équipe adverse.

Enfin, et dans un autre monde, j’aurais proposé qu’on décrète une loi interdisant tout simplement aux islamistes et Rcdistes toute activité politique au moins le temps que ces jeunes puissent profiter pleinement de leur pays et passer à autre chose que de lutter continuellement contre des dictatures qui n’en finissent pas.

*- Consultant en développement.

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