«J’ai pour ce gosse une tendresse et une fibre des plus maternelles», écrit l’auteure à propos de Ramzi Bettibi, journaliste de Nawaat, en grève de la faim, en pensant à leur combat commun, celui des «blessés de la révolution».
Par Dr Lilia Bouguira
J’ai rendu encore visite @winston smith ou Ramzi Bettibi mais c’est sous le premier pseudo que je l’affectionne plus. J’avais même écrit un texte ‘‘Les pensées criminelles’’ reprenant les allusions à ce choix et le combat du personnage vrai.
Etendu sur son lit d’occasion, une couverture sur les jambes, il avait froid par cette journée de juin. Le jeûne et le manque d’hydratation ont du secouer ses réserves, son métabolisme commence certainement à rouler en mode veille. Je lui prends sa tension et son pouls. Ses constantes sont encore stables mais assez faibles, ses jambes ne le portent plus longuement, lui le géant.
Je reste avec lui papotant comme j’aime le faire de tout et rien. Il me sourit et m’embrasse sur le front.
Je le lui rends comme une maman car j’ai pour ce gosse une tendresse et une fibre des plus maternelles depuis le jour où je l’avais connu en janvier 2011 sur ce même facebook qui fait délirer beaucoup de gens. Oui précisément sur ce facebook où il m’avait invitée de part ma profession en étant l’un des premiers investigateurs de cet énorme dossier des «blessés de la révolution» puis en m’ouvrant un compte d’auteur sur Nawaat.
Il avait eu de la suite dans les idées pour pousser ses recherches au-delà des youyous des femmes heureuses de se débarrasser du führer. Je l’ai suivi dans ce juste combat et nous avons avec une grappe de citoyens éparpillés sur la toile partout dans le monde fait avancer ce dossier chacun de part ses compétences et ses possibilités.
Nous continuons à le faire chacun à sa manière mais bien vite nous avons vu les problèmes se corser, les embuches se tendre.
Ramzi ou Winston Smith continue à filmer et à immortaliser en photo les instants de vérité ou de corruption. Cela devient des plus dérangeants, tout en sachant que le pays est en profond remaniement et que, dans toute transition, les coups sont durs, la guerre aux couteaux des plus sauvages.
Pourtant, cela n’empêchera pas la vérité d’éclater un jour ni la justice de s’étaler. Je la vois pointer d’ici en dépit de toutes les contrariétés, en dépit de tous nos amalgames et en dépit de toutes nos divergences.
En effet, j’ai vu ces mêmes conflits cet après-midi nous réunir au chevet de Ramzi en donnant une accolade chaleureuse à des hommes et des femmes de droite et de gauche, des hommes laïques d’autres religieux, des hommes du ministère de Droits de l’homme dont notre ami @ Sadkaoui Faouzi.
Des hommes, des femmes de ma Tunisie profonde qui ne se connaissaient ni d’Adam ni d’Eve mais que seul un rêve de justice et de liberté unissait.