L’agitateur islamiste, se trouvant derrière tous les coups fourrés ciblant le «Tunisian way of life», son cauchemar absolu, est un génie qui mérite d’être mieux connu.
Par Karim Ben Slimane
Adel Almi est le président de «Jamiyat An Nahiouo Ala Monker wa Almrou Belmarouf», une excroissance du parti Ennahdha. L’étoile de cet honorable cheikh autoproclamé brille de plus en plus fort dans le ciel de la médiocrité ambiante de l’après-révolution.
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt le cheikh Adel Almi lors de son passage au talk-show «Labes» de la chaîne Attounissia. Bien que je ne sois pas un inconditionnel de ce genre d’émission, la curiosité de connaître davantage le cheikh Adel Almi était plus forte que mes a priori.
L’homme qui pourchasse les péchés majeurs
In fine je ne regrette pas les trente minutes passées devant le poste de télé alors que j’étais assailli par les coups de fil très laconiques du genre «Ti winnek?» de mes compagnons de jeux attablés depuis un moment au café du quartier. J’ai invoqué un empêchement pour une raison majeure au point de les inquiéter tout en leur promettant de leur livrer le scoop de la soirée et en cultivant le suspense jusqu’au bout en leur affirmant qu’ils n’allaient jamais me croire.
J’arrive au café dans un climat particulier où mes compagnons de jeu piaffant d’impatience ne cachent pas leur effort de contenir les remontrances à cause de mon retard et feignant l’inquiétude. Je m’assieds à la table et dans une indifférence qui ajoute de la gravité à la situation je crie: «Chicha toffah ya Chokri!» et je me tourne enfin vers mes amis pour leur livrer le scoop censé expliquer mon retard. «J’ai découvert un Tunisien qui pourrait prétendre à au moins trois prix Nobel», dis-je devant leurs mines interloquées.
Le silence de confusion et d’incompréhension qui suit l’annonce me donne l’occasion d’embrayer sur une tirade de quelques minutes pour étayer mes arguments.
Eh oui car après avoir écouté l’honorable cheikh Adel Almi, je suis arrivé à la conclusion qu’il mérite de cumuler le Nobel de physique, de médecine et d’économie, surpassant ainsi Albert Einstein ou encore Marie-Curie sur l’échelle de l’intelligence humaine. Je m’explique, l’honorable cheikh s’est donné pour mission avec son association de pourchasser les péchés majeurs («al Kabaer») dans la société et plus particulièrement dans le domaine public.
Adel Almi a été un acteur majeur dans la triste affaire de l’exposition à El Abdellia et l’instigateur des troubles qui s’en ont suivis. Sa dernière saillie a été de rendre obligatoire une tenue chaste à toutes les femmes visitant la Tunisie. L’honorable cheikh résume sa sagesse dans un principe simple: «Je vous respecte et je vous oblige à me respecter», bien évidement il revient au cheikh de déterminer comment il aimerait se faire respecter et choisir les moyens pour y parvenir.
Catastrophes naturelles et grands péchés de la société
Adel Almi affirme que son entreprise de chasse aux péchés majeurs a des retombées positives sur la société. C’est ce lien de causalité qui m’amène à proposer Adel Almi au Nobel de physique, de médecine et d’économie. Le premier théorème en physique de Almi est le suivant : les catastrophes naturelles ont pour cause la débauche et les péchés majeurs dans la société. Avis à ceux qui travaillent sur les mouvements des plaques et sur les points chauds : brûlez vos livres, on vous a bourré le crâne avec des sottises.
Adel Almi sur Attounissia.
Ainsi en me fondant sur le théorème Almi en physique, je suis en mesure de proposer de tester l’hypothèse suivante: plus les femmes se dénudent plus le risque d’être foudroyé par un tsunami augmente. L’explication de la catastrophe de Fukushima tient donc dans les cuisses trop dénudées des Japonaises. En m’appuyant encore sur le théorème de Almi, le Bengladesh serait le pays le plus pervers du monde.
L’honorable cheikh qui, semble-t-il, a un vrai problème avec les cuisses des femmes, étend cette fois les limites de sa sagesse aux portes de la médecine en trouvant aussi une explication aux grandes épidémies. Les péchés majeurs augmentent le risque de pandémies et d’épidémies. Bientôt, le médecin ne prescrira plus que des médicaments mais conseillera de porter la burqa ou d’épouser sa maîtresse en deuxième noce.
Moins de péchés majeurs, plus de croissance économique
Ma préférence va pour les théories économiques de Adel Almi. Il se trouve que je m’intéresse un peu à cette discipline et que j’y ai consacré quelques années d’étude que j’aurais pu d’ailleurs écourter en m’abreuvant à la source de Adel Almi.
Le secret de la croissance économique tient dans une recette simple: plus de piété et moins de péchés majeurs. En me basant sur la théorie économique d’Adel Almi, je propose que la banque centrale n’émette plus que de la monnaie mais qu’elle se transforme aussi en imprimerie du Coran.
Avec Adel Almi, nous entrons dans l’histoire avec le premier postulant à trois prix Nobel, notre feuilleton «Tunisia’s got talent» continue, en espérant dénicher encore plus de pépites de la trempe de notre honorable cheik dans ce climat de dégénérescence de l’intelligence.
*Spectateur engagé dans la vie politique tunisienne.
Articles du même auteur dans Kapitalis:
Docteur Moncef et mister Marzouki: intello ou politicien?
Tunisie. Si Allah n’y est pour rien, pourquoi les islamistes sont-ils là?
Le projet moderniste à la croisée des chemins
Tunisie. Monseigneur Ghannouchi, bénissez-nous!
C’était mieux en Tunisie sous Ben Ali!
L’incroyable résilience algérienne face à la brise révolutionnaire tunisienne
Tunisie. Le match Qaradhaoui/Seddik comme si vous y étiez
La Tunisie et la tyrannie de l'élite inquisitoriale montante