altN’est-ce pas le président Marzouki lui-même qui, devant les parlementaires français, il y a quelques semaines, a cru bon plaider que l’islamisme d’Ennahdha était démocrate. A-t-il déjà changé d’avis?

Par Moncef Dhambri*


Vendredi, lors de la séance d’ouverture du congrès du Congrès pour la République (CpR), le président Moncef Marzouki aurait créé la surprise, bien plus, le buzz…. Devant un parterre nombreux, le locataire du Palais de Carthage aurait d’un seul coup et définitivement décidé de régler ses comptes avec ses partenaires d’Ennahdha, d’appeler les loups nahdhaouis par leur nom et de se soulager ainsi d’un lourd fardeau qui semble lui avoir pesé depuis quelque temps déjà.

Le piège mortel d’Ennahdha

L’observateur candide devrait ainsi comprendre que M. Marzouki a enfin compris – pour reprendre le facile «Je vous ai compris» de De Gaulle et de Ben Ali – et qu’il avoue avoir été abusé par les disciples de Rached Ghannouchi –nous croyions, là également, entendre le lamentable «On m’a enduit en erreur» du président déchu!

Le grand militant des droits de l’Homme se serait subitement rendu compte du piège mortel qu’Ennahdha lui a tendu, des dégâts que ce troc «Palais de Carthage-silence» a causés au CpR et à sa crédibilité en tant que personne, et des efforts titanesques que cette formation politique (deuxième aux élections du 23 octobre dernier, avec 29 sièges à l’Assemblée nationale constituante, Anc) et son président devront déployer au prochain scrutin pour sauver leur mise électorale et enregistrer un score honorable.

Un petit coup de pub et puis s’en vont

Alors, on comprend que les responsables du CpR puissent paniquer et qu’ils se soient mis d’accord pour orchestrer, à un prix modique, une petite mise en scène, un petit coup de pub, un petit tour de magie qui, pour ma modeste part, ne m’a pas trompé.

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Ouverture du congrès du CpR, ici Sihem Badi et Hedi Ben Abbes.

Le coup d’éclat, le coup de communication de M. Marzouki n’avait nullement pour but de clarifier toutes les ambiguïtés qui ont brouillé toutes les cartes de l’alliance tripartite qui gouverne le pays depuis près de neuf mois et fait payer à la Tunisie tant de retards, ou de dessiner avec des traits nets toutes les distances qui séparent naturellement et objectivement le CpR de son allié «islamo-démocrate».

Rappelons, à cette occasion, que c’est bien le Président Marzouki lui-même qui, devant les parlementaires français, a cru bon plaider que l’islamisme d’Ennahdha était démocrate.

Où en sommes-nous aujourd’hui?

Nous en sommes à six, sept ou quelques mois des prochaines élections. Et la direction du CpR doit dresser le bilan de cette expérience de gouvernement qui lui a rapporté quelques strapontins ministériels, quelques petites prérogatives présidentielles, quelques petits rôles de figuration, quelques voyages officiels et quelques rencontres internationales avec les grands décideurs du monde.

Hormis ces petits honneurs, hormis la une des médias et les quelques gros titres qui, de temps à autres, voulaient rappeler à notre attention l’existence du CpR et le passé d’activiste de son président, la moisson CpRiste est maigre, bien trop maigre, voire néfaste.

Sans vouloir trop remuer le couteau dans les plaies du CpR, nous ne citerons pas tous ces déboires.

Trois ou quatre échecs ou pertes suffiraient pour que M. Marzouki et son parti comprennent l’étendue de dommages dont ils ont souffert en raison de leur association avec Ennahdha.

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Les congressistes du CpR: beaucoup de têtes manquent, de nouveaux-venus cherchent une place sous le soleil.

L’illusion de faire l’Histoire

L’on se souvient de la déconvenue de Mohamed Abbou, le ministre CpR qui a préféré quitter sur la pointe des pieds le gouvernement Hamadi Jebali car, a-t-il admis, il ne pouvait rien entreprendre dans son département. Il y a eu également l’affaire Baghdadi Mahmoudi, l’ex-Premier ministre de Kadhafi qui a filé entre les doigts de M. Marzouki sans qu’il ne se rende compte.

Il y a aussi le cas de cet ancien conseiller du président de la république provisoire, Ayoub Massaoudi, aujourd’hui traduit en justice… Il y a le cas du turbulent Tahar Hamila, mis à l’écart pour n’avoir pas mâché ses mots, etc.

Nos lecteurs complèteront et rallongeront indéfiniment cette liste des insuccès Cpristes.

En dernière analyse donc, le CpR et Moncef Marzouki voudraient faire accepter auprès des adhérents de ce parti l’idée selon laquelle leur coup d’essai gouvernemental n’a certes pas été une totale réussite, mais que l’identité et les principes de leur mouvement sont intacts, sains et saufs. Et qu’ils ne se laisseront plus jamais faire.

Je crois entendre le Titi tunisois leur répliquer: «Pincez-moi!» (Oqrosni!).

La réaction de Samir Dilou, qui assistait, vendredi, à l’ouverture du congrès du CpR, a quitté la salle avant la fin de la séance et s’est jeté devant le premier micro et le premier journaliste pour crier sa colère et sommer le président du CpR de choisir entre «être au pouvoir ou dans l’opposition».

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Rached Ghannouchi et Moncef Marzouki- est-ce la fin de la lune de miel.

Tout cela, pour notre modeste observation, n’est que poudre aux yeux. Tout cela n’est qu’une petite scénette d’un soap-opera de quat’ sous qui nous inspire ce titre de quat’ sous: «Le je t’aime moi non plus du couple CpR-Ennahdha».

Serait-ce le début de la fin finale du parti de Moncef Marzouki? En tout cas, tout porte à croire que plus rien ne sera comme avant pour le CpR: il va certainement payer très cher le chèque en blanc que lui a accordé la foule immense qui s’est déplacée à l’aéroport pour accueillir le militant Marzouki, lors de son de retour d’exil en janvier 2011; il paiera également très cher le prêt qu’il a contracté  auprès des électeurs lors des élections pour la Constituante.

Oui, la crédibilité a un prix. Oui, la légitimité se donne de bonne foi, et se retire lorsqu’une mission n’est pas accomplie.

Tout cela, pour quelques strapontins et l’illusion de faire l’Histoire.

* Universitaire et journaliste.