En comparaison avec Lilia Lâbidi, féministe farouche et irréductible, son prédécesseur au poste, la nomination de Mme Badi à la tête du ministère de la Femme ressemble de plus en plus à une régression.
Par Imed Sahli*
La ministre des Affaires de la Femme et de la Famille vient de porter plainte contre un magazine pour enfants, ‘‘Qaous Qouzah’’ (Arc- en-ciel) qui, dans son numéro de septembre, expliquait la méthode de fabrication du cocktail Molotov. Elle annonce, tout aussi fièrement, son intention de poursuivre en justice les publicitaires qui ont réalisé le spot d’une marque de fromage contenant le slogan «Ta7li Jben». Selon la ministre, ce slogan est utilisé par les consommateurs de drogue pour désigner le manque! Elle oublie, au passage, que des milliers de Tunisiens emploient l’expression «Ta7li soker» (baisse de glycémie), terme médicalement reconnu et Mme la ministre est médecin, non?
Une «hyperactivité » bien douteuse
Comment expliquer cette brusque «hyperactivité» d’un ministère en hibernation totale depuis plusieurs mois et réduit à un simple centre de coût.
L’affaire de la jeune fille violée, volée, violentée et humiliée a secoué la planète entière et a mobilisé des millions d’individus et d’institutions, mais seul le ministère de la Femme a pu résister au «tsunami» pendant des semaines, ne consentant à condamner les agresseurs que des bouts des lèvres et qu’une fois le feu vert lui a été donné.
Pourtant, Mme Badi n’a cessé d’annoncer et de ré-annoncer l’ouverture de centres pour femme agressées mais retient tout soutien concret (psychologue, judiciaire…) à la jeune fille violée, qui plus est par des policiers.
Bizarrement, la ministre, qui a la gâchette facile en matière de saisine de la justice, n’a pas jugé bon de soutenir la victime ce qui illustre, preuve à l’appui, le fossé séparant plus que jamais ce ministère, véritable coquille vide, de la société dont il a la charge.
Après la prolifération inquiétante des jardins d’enfants coraniques aussi bien dans les quartiers populaires que dans les quartiers chics (les frais de scolarité dans ces écoles d’un autre âge se montent à 130 dinars à El Manar contre 25 dinars seulement à Ettadhamen), la ministre de la Femme a publié un communiqué menaçant à l’encontre de ces établissements, mais qui est resté lettre morte depuis.
Sihem Badi la ministre à la pause facile.
Et les jardins d’enfants coraniques Mme la ministre ?
D’aucuns auraient pu penser que Sihem Badi allait enfin s’occuper du dossier brûlant des jardins d’enfants coraniques dans lesquelles on procède à un endoctrinement sectaire, véritable bombe à retardement. Mais, contre toute attente, elle ouvre le feu contre un magazine, sans doute à raison, mais on lui reproche néanmoins de bien sélectionner les contrevenants, en ménageant les islamistes, ses vrais patrons, à tel point qu’on la considère de plus en plus comme la plus nahdaouie des ministres du gouvernement Jebali.
Mme Badi, à force de ne pas vouloir insulter l’avenir, on risque de perdre son âme ou ce qui en reste.
En comparaison avec Lilia Lâbidi, féministe farouche et irréductible, son prédécesseur au poste, la nomination de Mme Badi ressemble de plus en plus à un retour en arrière, voir une régression. La même impression résulte de la comparaison des ministres de la «troïka», la coalition actuelle au pouvoir, avec leurs prédécesseurs du gouvernement Béji Caïd Essebsi. Franchement on regrette de plus en plus MM Aydi, Ayed, Zouari, Baccouche… et un certain Béji Caïd Essebsi.
* Universitaire.