Kilani Bennasr* – La révolution du 14 Janvier a mis à l’évidence la faillite du régime de Ben Ali. La Tunisie est à la recherche d’une politique garantissant égalité, liberté et démocratie au peuple et stabilité et souveraineté à l’Etat.
Il s’avère après étude des solutions alternatives que le modèle de régime parlementaire turc serait celui qui répondrait au mieux aux aspirations du peuple tunisien. L’armée tunisienne aurait un droit de regard sur le gouvernement.
La Tunisie et la Turquie partagent plus d’un lien commun. La ressemblance des deux drapeaux témoigne de l’affinité historique entre les deux pays durant plus de trois siècles, et depuis l’avènement de l’islam les peuples tunisien et turc partagent la même foi musulmane. En majorité sunnite, aucun des deux pays ne souffre de dissensions à caractère religieux.
Dans le domaine politique, si depuis 1923 la Turquie opte pour une république, en Tunisie, c’est le 20 mars 1956 où un régime constitutionnel, complètement souverain, prend place, et le 25 mars les premières élections législatives donnent une large victoire au Néo-Destour.
Un autre point en commun, l’émancipation de la femme : en Turquie les femmes émergent sur la scène politique avant la Tunisie, à partir de 1919, des mesures sont prises pour faire évoluer le statut de la femme turque, interdiction de la polygamie, mariage civil obligatoire, interdiction du port du voile à l’école, scolarisation des filles. En 1930, les femmes votent pour la première fois, sont éligibles aux élections locales et en 1934 aux élections nationales.
La Turquie est la destination préférée pour les Tunisiens et Tunisiennes. On y trouve l’accueil chaleureux pour faire du tourisme ou du shopping.
Les écoles militaires supérieures turques, fréquentées auparavant par les militaires tunisiens de haut rang, sont parmi les meilleures dans les pays occidentaux.
Aujourd’hui la Tunisie est appelée à repenser sa stratégie à long terme en s’inspirant des idées force qui l’ont rehaussée comme puissance méditerranéenne au passé.
On peut citer parmi ces idées force, la pérennisation de l’Etat et la religion.
En Tunisie, l’islam est un facteur unificateur et non de discorde
Les puissances des rives nord et sud de la Méditerranée se sont toujours disputées le contrôle de ce bassin, de ses riches comptoirs et de ses détroits.
La Tunisie actuelle, ancienne puissance régionale sous d’autres noms, a vu ses frontières historiques terrestres et maritimes se rétrécir, par rapport à celles héritées des guerres puniques, du Fath (conquête) islamique, de la colonisation espagnole, de la dynastie fatimide, de l’empire ottoman et enfin du protectorat français.
La nature nous apprend que tout être faible est voué à la disparition ou à l’annexion. Aujourd’hui, pour se frayer une place sur l’échiquier mondial, il faut être puissant ou faire partie des puissants. La Tunisie, connue pour sa résistance farouche aux déboires du temps, devra réviser ses choix stratégiques, ce qui pourrait prendre plusieurs années, ceci afin de pallier aux menaces et aux situations d’effondrements ayant secoué l’Etat depuis l’indépendance.
La révolution du 14 Janvier est la dernière des mésaventures qui fait régner une situation de doute sur l’avenir de la Tunisie. Rien n’est encore perdu par rapport à d’autres pays où sévissent des guerres civiles sans merci et un véritable chaos. Tous les atouts sont encore entre les mains du peuple et de ses dirigeants pour mieux se préparer aux situations de crises futures menaçant l’Etat.
La Tunisie ne devrait compter que sur ses moyens intrinsèques, même modestes et sur un islam «tunisien» réunissant la masse populaire.
La dynastie fatimide, pour se donner plus de rayonnement chez les croyants musulmans d’Ifriquia, tire son nom de Fatima, fille du prophète Mohamed, «salla allahou alayhi oua sallam» (paix et bénédictions sur lui) et femme du quatrième calife Ali, lui-même cousin du prophète.
Il serait plus sage que le gouvernement provisoire tunisien s’y consacre et n’attende pas le résultat des élections de l’Assemblée constituante ni celui des élections législatives, en espérant qu’elles aient bien lieu.
«Rien ne sert de courir, il faut partir à point». Le résultat des élections de l’Assemblée constituante et des élections législatives représente la clef de voûte du processus démocratique entamé le lendemain du soulèvement populaire du 14 Janvier. Ils seront loin d’être des résultats de «loterie nationale». Tout est à prévoir dès maintenant en fonction de l’opinion générale qui serait déjà facile à identifier.
Le gouvernement provisoire tunisien, qui a le mérite d’assurer la continuité de la vie politique dans le pays et de gérer la crise humanitaire et de sécurité sur les frontières sud, ferait mieux de «tirer le tapis sous les pieds» des partis extrémistes, en se montrant plus souple et plus compréhensif envers les citoyens pieux non extrémistes. Même provisoire, le gouvernement actuel est le gouvernement de tous les Tunisiens quelles que soient leurs obédiences.
Il serait imprudent de brandir des menaces contre les religieux tunisiens, si un jour les islamistes gagnent les élections ou de laisser se propager des intox pareilles.
Depuis le 14 Janvier, la masse populaire tunisienne est de plus en plus difficile à gouverner, n’a plus peur de rien, seul un langage religieux simple et des actes sincères peuvent la ramener à la raison.
Dans tous les cas, en Tunisie, il n’y aurait ni les moyens ni l’espace nécessaires pour mettre à sac un parti qui gagne les élections. D’abord, on n’en a pas le droit quel que soit le prétexte. Ensuite, une confrontation armée sera coûteuse et dévastatrice pour le peuple et la nation.
La pérennité de l’Etat est un sacré objectif pour la Tunisie. Elle devrait tirer des enseignements de sa propre histoire et de celle des pays ayant en commun des liens solides, comme la Turquie.
A suivre
* Colonel retraité de l’armée tunisienne.
Le régime parlementaire turc serait-il un modèle pour la Tunisie? (1/3)
Kilani Bennasr* – La révolution du 14 Janvier a mis à l’évidence la faillite du régime de Ben Ali. La Tunisie est à la recherche d’une politique garantissant égalité, liberté et démocratie au peuple et stabilité et souveraineté à l’Etat.
Il s’avère après étude des solutions alternatives que le modèle de régime parlementaire turc serait celui qui répond au mieux aux aspirations du peuple tunisien. L’armée tunisienne aura un droit de regard sur le gouvernement.
La Tunisie et la Turquie partagent plus d’un lien commun. La ressemblance des deux drapeaux témoigne l’affinité historique entre les deux pays durant plus de trois siècles, depuis l’avènement de l’islam les peuples tunisien et turc partagent la même foi musulmane. En majorité sunnite, aucun des deux pays ne souffre de dissensions à caractère religieux.
Dans le domaine politique, si depuis 1918 la Turquie opte pour la monarchie constitutionnelle, en Tunisie, c’est le 20 mars 1956 où une monarchie constitutionnelle, complètement souveraine, est reconnue, et le 25 mars les premières élections législatives donnèrent une large victoire au Néo-Destour.
Un autre point en commun, l’émancipation de la femme: en Turquie les femmes émergent sur la scène politique avant la Tunisie, à partir de 1919, des mesures sont prises pour faire évoluer le statut de la femme turque, interdiction de la polygamie, mariage civil obligatoire, interdiction du port du voile à l’école, scolarisation des filles. En 1930, les femmes votent pour la première fois, sont éligibles aux élections locales et en 1934 aux élections nationales.
La Turquie est la destination préférée pour les Tunisiens et Tunisiennes. On y trouve l’accueil chaleureux pour faire du tourisme ou du shopping.
Les écoles militaires supérieures turques, fréquentées auparavant par les militaires tunisiens de haut rang, sont parmi les meilleures dans les pays occidentaux.
Aujourd’hui la Tunisie est appelée à repenser sa stratégie à long terme en s’inspirant des idées force qui l’ont rehaussée comme puissance méditerranéenne au passé.
On peut citer parmi ces idées force, la pérennisation de l’Etat et la religion.
En Tunisie, l’islam est un facteur unificateur et non de discorde
Les puissances des rives nord et sud de la Méditerranée se sont toujours disputées le contrôle de ce bassin, de ses riches comptoirs et de ses détroits.
La Tunisie actuelle, ancienne puissance régionale sous d’autres noms, a vu ses frontières historiques terrestres et maritimes se rétrécir, par rapport à celles héritées des guerres puniques, du Fath (conquête) islamique, de la colonisation espagnole, de la dynastie fatimide, de l’empire ottoman et enfin du protectorat français.
La nature nous apprend que tout être faible est voué à la disparition ou à l’annexion. Aujourd’hui, pour se frayer une place sur l’échiquier mondial, il faut être puissant au faire partie des puissants.
La Tunisie, connue pour sa résistance farouche aux déboires du temps, devra réviser ses choix stratégiques, ce qui pourrait prendre plusieurs années, ceci afin de pallier aux menaces et aux situations d’effondrements ayant secoué l’Etat depuis l’indépendance.
La révolution du 14 Janvier est la dernière des mésaventures qui fait régner une situation de doute sur l’avenir de la Tunisie. Rien n’est encore perdu par rapport à d’autres pays où sévit des guerres civiles sans merci et un véritable chaos. Tous les atouts sont encore entre les mains du peuple et de ses dirigeants pour mieux se préparer aux situations de crises futures menaçant l’Etat.
La Tunisie ne devrait compter que sur ses moyens intrinsèques, même modestes et sur un islam «tunisien» réunissant la masse populaire.
La dynastie fatimide, pour se donner plus de rayonnement chez les croyants musulmans d’Ifriquia, tire son nom de Fatima, fille du prophète Mohamed, «salla allahou alayhi oua sallam» (paix et bénédictions sur lui) et femme du quatrième calife Ali, lui-même cousin du prophète.
Il serait plus sage que le gouvernement provisoire tunisien s’y consacre et n’attende pas le résultat des élections de l’Assemblée constituante ni celui des élections législatives, en espérant qu’elles aient bien lieu.
«Rien ne sert de courir, il faut partir à point». Le résultat des élections de l’Assemblée constituante et des élections législatives représente la clef de voûte du processus démocratique entamé le lendemain du soulèvement populaire du 14 Janvier. Ils seront loin d’être des résultats de «loterie nationale». Tout est à prévoir dès maintenant en fonction de l’opinion générale qui serait déjà facile à identifier.
Le gouvernement provisoire tunisien, qui a le mérite d’assurer la continuité de la vie politique dans le pays et de gérer la crise humanitaire et de sécurité sur les frontières sud, ferait mieux de «tirer le tapis sous les pieds» des partis extrémistes, en se montrant plus souple et plus compréhensif envers les citoyens pieux non extrémistes. Même provisoire, le gouvernement actuel est le gouvernement de tous les Tunisiens quelles que soient leurs obédiences.
Il serait imprudent de brandir des menaces contre les religieux tunisiens, si un jour les islamistes gagnent les élections ou de laisser se propager des intox pareilles.
Depuis le 14 Janvier, la masse populaire tunisienne est de plus en plus difficile à gouverner, n’a plus peur de rien, seul un langage religieux simple et des actes sincères peuvent les ramener à la raison.
Dans tous les cas, en Tunisie, il n’y aurait ni les moyens ni l’espace nécessaire pour mettre à sac un parti qui gagne les élections. D’abord, on n’en a pas le droit quel que soit le prétexte. Ensuite, une confrontation armée sera coûteuse et dévastatrice pour le peuple et la nation.
La pérennité de l’Etat est un sacré objectif pour la Tunisie. Elle devrait tirer des enseignements de sa propre histoire et de celle des pays ayant en commun des liens solides, comme la Turquie.
A suivre
* Colonel retraité de l’armée tunisienne.