Rachid Barnat écrit – La guerre américaine contre le communisme a été à l’origine de l’expansion du wahhabisme saoudien et de son excroissance : le terrorisme et Al Qaida.
Le salafisme est un mouvement sunnite revendiquant un retour à l’islam des origines, fondé sur le Coran et la Sunna. Aujourd’hui, le terme désigne un mouvement composite fondamentaliste, constitué en particulier d’une mouvance traditionaliste et d’une mouvance jihadiste.
Aux sources du salafisme
Toutes ces mouvances affirment constituer la continuation sans changement de l’islam des premiers siècles. Leur rêve est de reformer le Grand Califat d’antan.
Étymologiquement, «salafisme» (en arabe : «as-salafiyya») provient du mot salaf, «prédécesseur» ou «ancêtre», qui désigne les compagnons du prophète de l’islam, Mohamed, et les deux générations qui leur succédèrent.
Les salafistes interdisent toute remise en question de la chariâa (somme des exégèses) des deux premiers siècles de l’islam. Puisqu’elle est due aux «salafiyouns» (les prédécesseurs) que forment «es’sahaba» (les compagnons du prophète) et les premiers califes, et de ce fait elle est sacralisée par les salafistes, pour qui elle est le prolongement du Coran. Donc immuable !
Le «jihad» en islam, a deux acceptions :
- l’effort intellectuel. Ce qui correspond à l’exégèse du texte coranique ; et
- la lutte ou la guerre sainte.
Pour les salafistes «jihadistes», le «jihad» s’entend par «guerre d’expansion» pour diffuser l’islam de la mouvance wahhabite, dont il faut se rappeler le deal passé entre le fondateur du wahhabisme et le chef guerrier de la tribu Ibn Séoud : l’un reconnaissant le pouvoir temporel à l’autre, charge à celui-ci de diffuser le wahhabisme dans le monde, plus exactement le «wahhabisme saoudien». Car cette doctrine est basée sur cette alliance entre le pouvoir politique et financier des Ibn Saoud et l’autorité religieuse de Mohamed Ibn Abd al-Wahhab.
Doctrine qui perdure encore par le financement des guerres de libération des peuples, des écoles coraniques et des universités religieuses à travers le monde entier. Mais aussi par le financement de plusieurs chaînes de TV religieuses et par la formation de «cheikh» (prêcheur), aussi bien en Orient qu’en Occident ; sans parler du financement des mosquées partout dans le monde.
C’était sur des tribus guerrières et farouches d’Arabie que s’était appuyé Thomas Edward Lawrence, alias Lawrence d’Arabie en jouant de leur fanatisme religieux wahhabite, lors du démantèlement de l’empire Ottoman, que vont se partager les empires coloniaux anglais et français. Même le mouvement des Frères Musulmans s’inspirera du salafisme wahhabite, plus «combatif» à leurs yeux, pour libérer les pays colonisés par les Anglais et les Français.
Le «jihad» contre les mécréants «athées»
A la faveur de la guerre froide, le salafisme sera «réactivé» et donnera l’occasion à ses adeptes de tenter à nouveau de réaliser leur vieux rêve : la reconstitution du Grand Califat de l’âge d’or Omeyade, englobant les pays musulmans et bien au-delà. Comme elle sera l’occasion pour Ibn Séoud de donner des gages aux religieux wahhabites pour respecter le deal passé entre leur tribu et celle d’Ibn Abd Al-Wahhab.
En effet pendant la guerre froide, après l’invasion de l’Afghanistan par l’Urss, les Américains n’ont rien trouvé de mieux que de jouer la carte des «religieux» pour chasser les russes de ce pays. Ce qu’ils feront avec l’aide des Saoudiens qui trouveront là une opportunité d’«occuper» les religieux wahhabites hors du royaume saoudien, où leurs revendications incessantes commencent à exaspérer le monarque saoudien.
Les Saoudiens financeront les écoles coraniques et fourniront les cheikhs pour les animer ; les Américains se chargeront de la formation aux techniques de la guerre, des talibans sortis de ces écoles ; et les armeront pour le «jihad» contre les mécréants «athées», que sont les communistes soviétiques.
Ces écoles pousseront comme des champignons aussi bien au Pakistan qu’en Afghanistan, pour former les talibans pour le jihad armé, afin de débouter les mécréants hors des pays musulmans.
Etre taliban, ou étudiant dans une université religieuse, suppose une formation universitaire englobant des études religieuses mais aussi littéraire, philosophique, historique… Sauf que le terme est galvaudé par les médias occidentaux pour désigner en réalité des élèves formés sommairement dans des écoles coraniques de quartier dirigées par de pseudo imams ; eux-mêmes d’un niveau intellectuel sommaire, réduit souvent à la récitation du Coran et à l’apprentissage rudimentaire de la chariâa.
Et c’est ainsi que le Pakistan basculera en 1977 du hanafisme, l’école la plus libérale, au hanbalisme, dans sa version la plus rigoureuse et la plus radicale de toutes les obédiences musulmanes, c’est-à-dire le salafisme saoudien ; pour devenir un pays exportateur de terroristes.
Les talibans finiront par débouter les russes hors de l’Afghanistan. Leur mission terminée, les Américains vont les abandonner à leur sort. Certains désœuvrés vont regagner leurs pays d’origine où ils importeront le terrorisme auquel ils ont été bien formés (Algérie…).
Le gros de l’armée des talibans «orphelins» va se trouver un nouveau chef en la personne de Ben Laden. Ce saoudien élevé dans le wahhabisme va utiliser leurs compétences et poursuivre ainsi le rêve des salafistes. Ainsi la branche armée salafiste voit le jour sous le nom d’Al Qaida (La Base) avec à sa tête l’émir Oussama Ben Laden.
Il va exporter leur savoir faire dans de nombreux pays musulmans, et retour à l’envoyeur, dans l’Arabie Saoudite, pour débouter hors des terres saintes de l’islam le grand Satan américain qui a des bases militaires dans ce pays. (Attentat contre les navires américains en rade dans les ports saoudiens).
Et depuis, Al Qaida est devenue l’ennemie de l’Occident mais aussi de l’Orient puisque par la violence, elle veut convertir au salafisme saoudien, tous les «mauvais musulmans» qu’elle qualifie de mécréants, parce qu’ils suivent d’autres obédiences, autres que le salafisme saoudien : c’est-à-dire le wahhabisme. Ce mouvement armé va se répandre dans beaucoup de pays musulmans : Soudan, Somalie… où les talibans seront désignés par «chabab», mais guère plus cultivés que les talibans.
Son but final sera d’éradiquer tous les mécréants et de répandre le wahhabisme partout pour l’avènement enfin du Grand Califat avec à sa tête le Gardien des lieux saints de l’islam : le roi Ibn Séoud auréolé du titre «Emir El Moumnin», Commandeur des croyants.
Et voilà comment la guerre froide sera à l’origine de cette monstruosité qu’est Al Qaïda comme elle sera à l’origine de l’expansion du wahhabisme par le terrorisme, parce que les apprentis sorciers américains ont exploité l’obscurantisme des salafistes saoudiens à des fins politiques.
Demain:
Les Etats-Unis, le salafisme saoudien et les révolutions arabes