Si l’opinion de milliers de gens sur le film ‘‘Persepolis’’ diffusé par Nessma TV est un droit légitime, toute forme de violence, qu’elle soit involontaire ou préméditée, est à condamner.

Par Karim Jaffel

A quelques jours des élections, ce qui s’échappe de la boîte de Pandore depuis quelques jours, n’est à mon sens que le liquide amniotique d’une société tunisienne en pleine croissance.

Raison, sensibilité et émotion

Ce dont nous parlons, concerne le monsieur qui habite juste en face de l’épicier comme la dame qui accompagne chaque matin ses enfants au lycée. Les professeurs agrégés comme les prédicateurs des mosquées. Les universités comme les écoliers. Bref, toute Tunisienne et tout Tunisien se sentent de près ou de loin impliqués par ce qui s’est passé à la télé et par la présence de policiers devant le siège de Nessma TV ! Au menu : violence, interrogations et beaucoup de flou sur la question de liberté. Quoi qu’il en soit, cet article essaie de décrire les ingrédients du menu qui nous est proposé à quelques jours des élections.

Ce que nous savons c’est que les choses se sont envenimées en réaction à la diffusion en prime time d’un dessin animé. Or, en règle générale, l’être humain n’est pas démesuré devant un cartoon en dialecte tunisien.

Certes, nos réactions diffèrent l’un de l’autre et, en règle générale, la réaction que nous faisons aux couleurs d’un fauteuil de salon est différente de celle des résultats scolaires de notre enfant. Aux convictions et aux valeurs, notre réaction est encore plus stéréotypée et libère plus de sensibilités et d’émotions.

La religion se place justement dans ce registre de valeurs. Et, quand il s’agit du Dieu tout puissant, il ne faut pas s’étonner qu’une ola se propage dans toutes les maisons de toutes régions.

Voyage dans les émotions ...

Donner tort ou raison, n’est vraiment pas la question. Essayons plutôt de comprendre le pourquoi en donnant une explication pragmatique. Ce que l’on apprend en Programmation Neuro Linguistique, c’est que le cerveau humain se compose de trois couches superposées qui fonctionnent en simultanée.

Le néocortex est la partie supérieure qui réfléchit, analyse et raisonne. La partie limbique traite les informations de l’émotion et de l’affectivité et la partie dite reptilienne, contrôle les fonctions vitales et les réflexes.

Dans le fonctionnement du cerveau, il faut savoir que si l’une des parties inférieures se bloque, le néocortex ne fonctionne plus, c'est-à-dire que l’on ne réfléchit plus ! Et pour bien comprendre le fonctionnement de la partie reptilienne du cerveau humain, prenons un exemple.

Sous le néocortex ...

Revenons en 2006, à une séquence que la planète Terre a suivi dans pratiquement tous ses continents, ses pays, ses océans, ses villes et ses maisons. C’était lors de la finale de la coupe du Monde. La France et l’Italie jouaient la finale de football devant les yeux rivés de milliards de téléspectateurs. Une altercation entre un joueur italien qui a insulté un joueur français. La scène a fini par une expulsion de ce dernier qui a infligé un coup sur le thorax du premier ! Un acte violent, extrême et ne pouvant trouver d’explication !

Et pourtant, le monsieur expulsé est champion du monde de football. Il est cité comme étant l’un des meilleurs joueurs français de tous les temps, primé ballon d’or, capitaine de son équipe, actif aux côtés de nombreuses associations humanitaires, et pourtant !

Cette image, traduit le fait qu'un homme, quelles que soient ses qualités humaines, peut exprimer une haine et faire violence quand ses valeurs sont touchées ! Aussi inhumain soit-il, cet acte n’a rendu ni le Français plus célèbre, ni l’Italien plus habile. Tous deux ont été sanctionnés, tous deux ont été contraints à verser une amande et l’agresseur a même vu la coupe du monde s’envoler et sa carrière s’arrêter.

La fragilité des programmes enseignés

Si l’opinion de milliers de gens sur le film diffusé est un droit légitime, toute forme de violence, qu’elle soit involontaire ou préméditée, est à mon sens à condamner.

D’un autre côté, il est vain de s’excuser après avoir titillé en prime time la sensibilité d’une collectivité. A chaque métier correspond une responsabilité et les domaines qui relèvent des valeurs sont à diligenter.

Pour ceux qui crient et qui réclament la démocratie, je les rejoins en disant qu'à la liberté correspond une étique de recevabilité. Dans cet ordre d’idée, il est important de signaler que les notions d’universalité et de mondialisation ont montré des bienfaits, mais aussi des dérives de société. Et à mon sens, une extrapolation rapide et lissée des notions de liberté, sans mesure et sans réflexion, risque de balayer de nos dictionnaires et de nos contes de fée des particularités qui ont toute leur place dans la mémoire de l’humanité.

Enfin, l’un des codes de la société est celui enseigné à l’école de la République. Cette pluralité des réactions et des interprétations des faits démontrent malheureusement la fragilité des programmes enseignés. Ce qui est navrant et urgent à travailler seront justement des réponses aux questions évoquées par la génération nouvelle née au lendemain du 14 janvier.