L’interférence des problèmes du Groupe chimique tunisien (Gct) et ceux de la Compagnie des phosphates de Gafsa (Cpg) devraient inspirer des solutions complémentaires.
Par Abderrazak Lejri*
La Compagnie des phosphates de Gafsa (Cpg) a surmonté provisoirement les problèmes liés aux concours de recrutement par une suspension de la procédure, mais on peut parier que ce problème resurgira dès l’annonce des nouveaux résultats, car sur 20.000 postulants, même si on en intègre 3.000, il y aura toujours des mécontents parmi les 17.000 écartés qui trouveront une raison ou une autre pour refuser leur sort.
La société vient de panser ses blessures aux mines de M’dhilla et Oum Laraiës après les acte de vandalisme, qui ont touché le siège local et les équipements d’un coût qui approche les 25 millions de dinars, en reprenant timidement l’activité extractive.
Les mines de Métlaoui dont l’activité se situe autour de 50% sont épisodiquement perturbées par des sit-inneurs au niveau des forages ou pour des motifs imaginaires.
Kais Dali, Pdg de la Cpg et du Gct (à droite).
Le Groupe chimique tunisien (Gct), qui partage la même direction générale que la Cpg avec un siège social à Tunis, même s’il fonctionne cahin-caha à Gabès, a vu son activité bloquée à M’dhilla et, par un effet de contagion, il vient d’être à l’origine des derniers évènements survenus devant le siège de la Cpg.
Il est vrai que le chaos qui s’est traduit mardi par la réquisition des employés du siège et du Gouverneur de la région pendant plus de 6 heures ne permet pas d’envisager le travail et le dialogue en toute sérénité.
Les attentes de la révolution aboutissent à l’irrationnel
Ce mercredi, ce sont les employés (il en est de même de ceux du Gct et de la Sncft) qui ont interpellé les autorités pour conditionner la reprise du travail à l’instauration de la sécurité en prenant à témoin les responsables régionaux de l’Ugtt, et ils ont adressé une pétition au Gouvernement, au siège de l’Ugtt et à la direction générale de la Cpg et du Gct.
La conjonction des trois mouvements des sit-inneurs : devant le siège de la compagnie à Gafsa, qui étaient environ 500 le mardi 3 décembre, ceux qui, non loin de là, interdisent l’accès à l’usine de traitement du TriSuperPhosphate (Tsp) du Gct à M’dhilla et ceux, un peu plus loin, à Menzel Bouzaïene, campant sur les rails interdisant au phosphate traité d’être acheminé à Sfax et d’être exporté, ne peut pas être fortuite.
Le comble c’est que ces manifestants ne relèvent pas directement de la Cpg mais d’une société chargée de l’environnement liée au Gct, qui a été créée sciemment pour résorber la demande additionnelle de 1.400 travailleurs non qualifiés.
Le plus étonnant c’est qu’une bonne partie de ces personnes rémunérées 300 dinars (dont la masse salariale est d’environ 500.000 dinars/mois) exigent le doublement de ce salaire et l’abrogation d’une disposition de leur contrat qui stipule qu’ils ne doivent pas s’adonner à une autre activité en parallèle !
Il est vrai que cette disposition est gênante pour certains qui refusent la procédure de pointage et, selon une boutade qui court à Gafsa, arrivent à 7h pour partir à 7h moins le quart, autant dire qu’ils ne font rien, assimilant les 300 dinars à une allocation chômage !
Il est vrai, comme pour le programme Amal, que de petits malins émargent au dit programme censé fournir un premier emploi aux diplômés chômeurs tout en disposant, par ailleurs, d’une occupation stable et rémunérée.
L’absence de l’Etat
Il m’a été donné à plusieurs reprises de mentionner que les problèmes récurrents paralysant l’activité de la Cpg et du Gct ont leurs racines profondes dans l’abandon de l’Etat de ses prérogatives et attributs depuis longtemps dans le bassin minier.
Quand, depuis onze mois, l’extraction du phosphate, son transport, sa transformation puis son exportation ont été tour-à-tour perturbés jusqu’au blocage, on avait mis le manque de solutions énergiques sur le compte de la non légitimité des gouvernements successifs, sur la réminiscence de problèmes tribaux et sur les incitations de certains responsables syndicaux notamment ceux qui étaient liés à l’ancien régime.
Mais il est regrettable de constater que le Gouvernement actuel, qui est provisoire mais légitime, a une attitude autiste aussi bien pour prendre acte des véritables problèmes qui sont connus ou pour prendre les mesures idoines pour y pallier.
On peut légitimement s’interroger sur le fait qu’eu égard aux énormes enjeux économiques, sociaux et dont les effets sur la stabilité de toute la région sont impatiemment attendus, le problème n’a pas été pris à bras le corps par les autorités et face aux 500 sit-inneurs qui ont pris en otage les employés de la Cpg et le Gouverneur, il n’y avait ni forces de l’ordre ni armée.
Les ministres de l’Intérieur et de la Défense ne font-ils pas partie du gouvernement élu qui s’est présenté pour conduire les affaires de l’Etat en toute connaissance de cause ? Nous savons tous que la solution n’est pas d’ordre sécuritaire mais il y a tout de même un minimum car on peut montrer les attributs de l’autorité sans en user abusivement.
A moins qu’ils ne ménagent les électeurs potentiels en vue des prochaines échéances électorales, mais de quelle élection s’agit-il vu la politique de la terre brûlée menée par certains ?
Le Pdg du Groupe est à Tunis, loin de sa base, et aucune cellule de crise comprenant plusieurs membres du Gouvernement voire le chef du Gouvernement lui-même n’a effectué un travail concret sur site.
L’abcès de fixation que représente la Cpg
En attendant qu’à moyen et long terme la Cpg se recentre sur son métier de base et son activité principale, tout en maintenant son apport logistique et financier aux projets de développement, les sociétés en charge de l’environnement devraient changer de tutelle maintenant qu’il y a un ministère de l’Environnement.
Il en serait de même pour ce qui est des sociétés de transport montées par la Cpg.
Sur le fond, rien ne va changer au problème, mais sur le plan formel les sit-inneurs iront à la limite protester devant les locaux des ministères concernés au lieu de la Cpg.
Sinon cette compagnie est mal partie, elle qui a intégré sur le tard une approche citoyenne en envisageant par une diversification actionnariale de monter une banque de développement et que sais-je encore.
Tout cela perdurera tant qu’on n’aura pas trouvé un mécanisme alimentant un fonds régional autonome pour pallier l’absence de l’Etat par une réactivation du fonds de reconversion des centres miniers constitué sous forme de Sicar avec 1 million de dinars (MD) qui ont évolué vers 30MD.
En dépit de la synergie voulue de rapprochement de la Cpg et du GCT et de la complémentarité somme toute évidente entre leurs deux activités, il faut impérativement deux directions générales distinctes des deux entités pour un impératif d’efficience de la gestion.
* - Chef d'entreprise.