Quelle mouche a piqué Marzouki pour s’auto-déclarer Vrp d’Ennahdha et des islamistes et rejouer l’air obscurantiste de «l’islam est LA solution» ?
Par Karim Ben Slimane
En visite en Libye, le président de la République a tenu des déclarations qui ont résonné très fort aussi bien à Tunis qu’à Alger. Le quotidien londonien ‘‘Al Qods al Arabi’’ a consigné dans sa livraison du 4 janvier les propos recueillis dans une conférence tenue par Moncef Marzouki. Le propos tournait autour de la montée fulgurante des islamistes après les printemps arabes en Tunisie, en Egypte et en Libye.
Le président s’invite dans le débat… algérien
Selon le président, cette victoire est naturelle et elle est un signe que les Tunisiens et les Egyptiens ont finalement compris que l’islam pouvait être LA solution à leurs maux. Et d’ajouter que les partis victorieux des dernières élections démocratiques ont eu le mérite d’avoir concocté des programmes qui répondent aux aspirations à la liberté et à la dignité de leurs peuples. Il n’a pas manqué de frôler l’incident diplomatique avec Alger en affirmant que le maintien du Front islamique du salut (Fis) aurait pu éviter à l’Algérie le bain de sang et les années noires qu’elle a vécues. Les Algériens ont peu apprécié ces propos et ils l’ont fait savoir au locataire de Carthage. En plein remous électoral, la question de la participation des islamistes aux prochaines élections législatives en Algérie est un dossier très sensible. A ce titre, la sortie du président relève de la «gaffe» politique.
Marzouki-Jebali : les yeux dans les yeux
Que le président envoie des signaux rassurants quant au risque de dérives liberticides exprimées par beaucoup après la victoire des islamistes d’Ennahdha est une chose qu’on pourrait justifier par le fait que les islamistes lui ont permis d’accéder au trône. Mais que le militant des droits de l’homme et l’opposant historique à la dictature, Moncef Marzouki reprenne à son compte le slogan «L’islam est LA solution» parait intriguant et inquiétant.
Pour rappel, tous les mouvements islamistes ont eu en commun ce slogan magique «L’islam est LA solution». Néanmoins certains l’ont délaissé car il cachait l’étroitesse de leur vision politique et l’absence de tout programme politique sauf celui d’accéder au pouvoir.
La politique et l’art du travestissement
En effet, beaucoup de ces partis, dont le parti Ennahdha, préfèrent maintenant parler de référentiel islamique où ils puisent leurs préceptes et lignes directrices. Encore une pirouette intellectuelle car l’expression consacrée de référentiel islamique ne renvoie à rien de précis sur lequel on peut juger les orientations politiques des islamistes et leur projet de société. Le flou sur l’islam politique demeure donc entier, même si l’urgence des enjeux sécuritaires et économiques actuels détourne notre attention.
Marzouki et Jebali regardent-ils dans la même direction ?
Si les islamistes bénéficient aujourd’hui d’un blanc-seing pour gouverner le pays dans cette période transitoire, ils ne manqueront pas, bientôt, lors de l’élaboration de la constitution, de rendre leurs positions claires quant aux libertés individuelles, aux droits des minorités, à la sécularisation de l’enseignement et aux droits de chacun de disposer de son corps.
Mais quelle mouche a piqué Marzouki pour s’auto-déclarer VRP d’Ennahdha et des islamistes et rejouer l’air obscurantiste de «l’islam est LA solution» ? Comment un défenseur des droits de l’Homme, un rationaliste, un scientifique reconnu et un épris de démocratie et de liberté d’esprit peut-il reprendre à son compte ce slogan contre lequel toute argumentation et critique condamnerait son auteur à l’excommunication ?
Il y a beaucoup de choses qui font changer un homme d’avis et il y a la politique pour le pousser à se travestir.