Hédi Sraieb* écrit – Il y a quelques mois, un confrère avait déjà écrit un article dans ce sens. Depuis et de toute évidence l’avion vole toujours et n’a jamais donné de signes véritables de l’imminence d’un «crash».
Les pilotes ont certes bien changé à l’escale élective. Confiants, ils ont repris le plan de vol, inchangé mais peu précis, mais qu’à cela ne tienne ! Il reste que, depuis peu, les tableaux de bord, pour fiables qu’ils soient, donnent des signes contradictoires. Les aiguilles et compas s’affolent. L’équipage aux commandes, au nombre de trois, issus de promotions et d’écoles de formations différentes sont quelque peu dubitatifs et perplexes. Les signaux habituels, vert, jaune et rouge, changent rapidement et de manière frénétique et hiératique. Certains voyants verts passent directement au rouge et inversement. Le jaune s’affole passant indistinctement du rouge au vert pour revenir presque instantanément à son opposé. De quoi jeter le trouble.
Une perte inquiétante d’altitude
Les passagers n’en savent rien, tout affairés qu’ils sont, chacun à son plateau-repas, observant celui du voisin.
Les trois hommes aux commandes (pas de femmes) conservent un calme apparent, mais leurs yeux rivés sur les instruments de bord, trahissent un début d’appréhension : l’accéléromètre, comme anémomètre, qui indiquent les changements de vitesse de croisière, sont repassés au jaune, et clignotent rouge par intermittence ! L’altimètre, tout aussi fébrile, lui indique depuis peu une perte inquiétante d’altitude.
Bref, voilà bien une situation nouvelle et inhabituelle auquel il faudra bien faire face, la compagnie s’étant toujours arrangée par le passé à masquer nombre d’accidents.
Restent les signaux des systèmes de gestion de la propulsion et des servitudes. Par le hublot, les deux moteurs (l’un privé, l’autre public) ne donnent aucun signe apparent de défaillance ! Mais en réalité, comme l’observent anxieusement les trois préposés sur leurs écrans, le moteur droit donne des signes alarmants : le nombre de tours minute est à la baisse depuis l’entrée dans la zone de turbulence. Le moteur gauche, il est vrai plus rustique, semble ne plus être alimenté comme il conviendrait.
L’inquiétude monte dans le cockpit
Incrédules et perplexes, l’équipage se consulte ! Faut-il en informer les passagers dont certains commencent à s’agiter, quand ce n’est pas déjà, certaines insultes proférées à l’égard des hôtesses, bouc émissaire désigné ?
Faut-il modifier le plan de vol et le signaler ? Certaines tours de contrôle sur le parcours, ayant suivi les échanges entre pilotes, sont pour ainsi dire indifférentes. Les aiguilleurs du ciel européens comme ceux du Moyen-Orient se sont bien fendus de quelques messages de courtoisie, sans plus. Le plan répertorié partout Jasmin n’émeut personne.
L’inquiétude monte dans le cockpit. Certaines appréciations divergent. Le commandant qui manque à l’évidence du nombre exigé d’heures de vols, s’en remet à ses pieuses connaissances acquises. L’avion perd de l’altitude et les moteurs fléchissent, mais le pilote commandant s’affère à redresser l’assiette qui tangue de plus en plus tout en tentant de rassurer les passagers de plus en plus nerveux. Faut-il d’ores et déjà lancer une première alerte de détresse ? Trop tôt, on verra bien.
A l’extérieur, les turbulences et trous d’air augmentent, à l’intérieur les passagers s’affolent. Les hôtesses sont encore prises à partie, comme souvent. Alertés, les mécaniciens du moteur privé indiquent ne rien pouvoir faire et disent attendre le retour à la normale, ou au moins l’arrêt des perturbations. Ceux du moteur public, consternés à l’évidence, disent ne disposer d’aucun moyen immédiat, ni du minimum d’outillage.
Pris d’un début de panique, des petits groupes vocifèrent et s’en prennent physiquement au personnel de bord, lequel s’échine à calmer des débuts d’altercations.
Un équipage de réserve s’impatiente
Pourtant, le commandant maintient le cap en dépit des recommandations contradictoires de ses acolytes. Le copilote semble déjà afféré à se trouver de bonnes raisons, des justifications à son inefficience, lorsque l’avion atterrira. L’autre, plus obsédé par sa position – en charge des communications –, s’évertue à faire croire que la situation est bien en main, et demande le calme.
A destination, ceux qui attendent amis et familles sont tout aussi pantois. Le personnel au sol est bien incapable de répondre précisément à la moindre de leurs questions. Le hall d’accueil résonne de clameurs grandissantes : Que fait le commandant ? L’avion a du retard sur son horaire, ses obligations de service !
Les messages rassurants ont l’effet inverse et exaspèrent plus que ne calment.
Possible panne de kérosène ! Moteurs défaillants ! Des passagers en émoi proches de l’agressivité ! Des troublions dont on se passerait bien font montre de violence sur leurs voisins ou personnel d’équipage.
Ceux qui continuaient à sommeiller, majoritaires et jusque là silencieux, sont sortis de leur torpeur. Il y a bien aussi un équipage de réserve qui trépigne d’impatience….
Les défaillances sont bien là ! Que faire ? S’en remettre à la chance ou à quelques bonnes prières de circonstance ? Le commandant donne à l’évidence des signes de fébrilité. Il s’apprêterait même à dire qu’il n’y ait pour rien, l’avion n’ayant pas eu de révision.
Que va-t-il se passer ? Défaillance mécanique ou humaine ?
Vous le saurez en suivant notre prochain épisode !
* Docteur d’Etat en économie du développement.