Moez Ben Salem écrit – Khaoula Rachidi, une «safira» (non voilée), qui a tenu tête à un salafiste abruti, est un nom et une silhouette désormais gravés dans la mémoire des Tunisiens et Tunisiennes épris de liberté, de justice et d’égalité !
Au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011, qui a vu la fuite de l’ex-dictateur Ben Ali vers l’Arabie Saoudite, un formidable élan de solidarité s’est emparé des Tunisiens.
Femmes, hommes, jeunes et moins jeunes, avaient uni leurs efforts pour assurer leur propre sécurité en des temps troubles où la police était désorganisée et notre valeureuse armée nationale tentait tant bien que mal de maintenir l’ordre.
En dépit des incertitudes, les Tunisiens étaient envahis par une immense fierté car ils savaient que le monde entier avait les yeux rivés sur leur pays, petit par sa géographie, mais grand par sa riche Histoire et par son passé civilisationnel. Malheureusement, ces instants de solidarité n’allaient pas durer longtemps.
Rentré de son exil doré londonien, un cheikh s’entoure d’un groupe d’illuminés et arrive à reconstituer en un temps record une véritable secte religieuse qui allait entreprendre une opération de division de la société tunisienne sur des bases idéologiques.
Aidée par les pétrodollars des monarchies du Golfe et bénéficiant du puissant soutien du géant américain, cette secte a réussi à obtenir une large victoire lors des élections du 23 octobre 2011, au grand dam des démocrates qui ont ressenti l’immense frustration de voir leur révolution, censée être celle de la liberté, confisquée par un groupe de barbus aux idées rétrogrades, qui n’ont participé ni de près ni de loin à cette révolution.
Les mauvaises surprises pour les Tunisiens n’allaient pas s’arrêter là. En effet, ils vont constater que leur espace public allait être envahi par un phénomène étrange qui leur était totalement inconnu : celui du niqab, des êtres non identifiés recouverts de la tête aux pieds d’un tissu noir.
Cette coutume ancestrale importée d’Arabie Saoudite et datant de l’ère antéislamique aurait même, selon certaines sources, une origine hébraïque !
Que signifie cet étrange accoutrement ? Est-ce un signe de grande piété, de pureté, de chasteté ? Loin s’en faut, car nombre de ces femmes se laissent séduire par l’idée du «mariage coutumier», se retrouvant parfois enceintes, obligées d’aller aux hôpitaux pour faire un avortement, afin d’éviter le déshonneur et courant le risque de se retrouver stériles, étant donné qu’il est scientifiquement prouvé que les femmes nullipares qui avortent encourent un risque élevé de stérilité !
Considéré d’abord comme marginal, le problème du niqab allait prendre une nouvelle ampleur un certain 28 novembre 2011 lorsque deux jeunes étudiantes en niqab ont voulu, contre toute logique, passer des examens à la Faculté des Lettres de Manouba. Se voyant refoulées, elles ont appelé à la rescousse un certain nombre de malabars barbus salafistes, dont la majorité n’étaient pas des étudiants, pour faire un sit-in au sein de la Faculté, empêchant plusieurs milliers d’étudiants de poursuivre leurs études. Pire encore, barbus en qamis (également importé des confins asiatiques du monde musulman) et filles en niqab se sont permis de saccager les locaux, de menacer et même de violenter les enseignants universitaires, y compris le doyen de la faculté !
Par la faute d’un ministre de l’Enseignement supérieur dont l’idéologie fondamentaliste religieuse se situe à l’extrême droite, soutenu par le gourou de la secte religieuse et encouragé par la faiblesse du ministre de l’Intérieur, un véritable bras de fer allait s’engager entre le groupe salafiste d’une part, le doyen de la faculté, les enseignants et les étudiants d’autre part. Le comble de l’incongruité a été atteint lorsque le ministre de l’Intérieur a tenté de mettre la situation de blocage sur le dos du doyen de la faculté !
Au bout de trois mois de statu-quo, la situation allait brusquement se dégrader lorsque deux filles en niqab, mécontentes d’être sanctionnées, ont entrepris de s’en prendre au doyen en personne et de saccager son bureau. Tentant une ultime épreuve de force, les salafistes, pris d’une folie furieuse, se sont lancés dans des actions d’une rare violence, l’un d’eux se permettant de s’attaquer à un symbole national sacré, le drapeau tunisien, le remplaçant par un drapeau noir. Les millions de Tunisiens se sont sentis profondément blessés et meurtris dans leur âme par ce geste insensé, témoin d’une bassesse sans limite.
Sauf qu’à cet instant, la lumière allait jaillir par la grâce d’une frêle jeune fille qui, n’écoutant que son cœur et son courage, allait tenir tête à l’énergumène auteur du geste fou pour remettre à sa place notre cher drapeau national, symbole du sacrifice des martyrs qui ont donné leur vie pour que la Tunisie soit un pays souverain et indépendant.
Par son geste héroïque, Khaoula Rachidi allait laver l’affront et redonner confiance, espoir et courage à tout un peuple. Lorsqu’on sait que cet acte de bravoure est survenu la veille de la célébration de la fête internationale de la femme, il prend alors une dimension symbolique exceptionnelle.
La France a eu Jeanne d’Arc comme héroïne, la Tunisie a désormais sa Khaoula Rachidi, un nom et une silhouette désormais gravés dans la mémoire de tous les Tunisiens et Tunisiennes épris de liberté, de justice et d’égalité !