Le président Nicolas Sarkozy a été à l’origine du développement du salafisme wahhabite, avec lequel il a pactisé pour organiser l’islam de France. L’affaire Merah en est le résultat.

Par Rachid Barnat


Il aura fallu un drame comme celui de Toulouse et de Montauban où le jeune salafiste Mohamed Merah a tué 5 personnes dont un père et ses deux enfants de confession juive pour que les Français réalisent qu’en France existe un salafisme violent, producteur de terroristes.

Comment ce salafisme dans sa version wahhabite, obédience la plus obscurantiste et la plus dangereuse en islam, a-t-il pu s’installer en France?

Nous savons que l’histoire de l’islam de France est liée à celle de ses anciennes  colonies. Les populations de confession musulmane faisant partie de l’empire colonial français, sont dans leur majorité, issues d’Afrique du Nord mais aussi d’Afrique Noire. Or ces populations pratiquent, dans leur ensemble, un islam pacifique, ouvert et tolérant, conformément à l’obédience malékite, voire fortement imprégné de soufisme. Faut-il rappeler que l’émir Abdel Kader lui-même était adepte du soufisme.

Ah, le bon vieil islam des colonies!

Cet islam a été importé en métropole par les indigènes des colonies que la France a enrôlés de manière massive durant la seconde guerre mondiale pour défendre la mère patrie et ensuite par ceux qui furent appelés par la nécessité du développement économique. Certains sont restés en France et d’autres les rejoindront avant l’indépendance de leur pays. Et depuis la fin de la guerre, la France fera appel aux travailleurs immigrés en provenance de ses colonies pour reconstruire le pays. Mouvement migratoire qui se poursuivra bien après la fin de la colonisation et l’accession à l’indépendance de la plus part de ses anciennes colonies, au delà des trente glorieuses.

Jamais les immigrés de France en provenance de ses anciennes colonies n’ont posé de problème identitaire lié à leur confession, à leur pays d’accueil. Et jamais leur islam, qui est l’islam de France de fait, n’a posé lui non plus de problème aux Français. Toutes les communautés des différentes confessions admettant la laïcité, vivaient en harmonies les unes avec les autres.

Même durant les luttes pour leur indépendance, les leaders des mouvements indépendantistes n’ont pas instrumentalisé la religion à la manière salafiste. S’ils l’ont fait, c’était pour revendiquer leur identité arabo musulmane face à un colonisateur qui leur refusait l’identité française, leur imposant le statut d’indigénat, notamment en l’Algérie. Les responsables de ce refus, sont les colons eux-mêmes qui craignaient que les indigènes, devenant égaux en droit avec eux, ne leur réclament la restitution de leurs biens confisqués par l’administration française en leur faveur; mais aussi les hommes politiques en métropole qui craignaient un raz-de-marée de parlementaires indigènes au palais Bourbon avec le cauchemar qu’un musulman puisse devenir président de la république française!

Ce qui n’a pas empêché ces mêmes hommes politiques d’adopter le décret Crémieux en 1870 qui accordait la nationalité française aux indigènes algériens de confession juive.

La plupart de ces leaders indépendantistes, comprenaient même la nécessité de la laïcité, pour permettre à leur peuple de sortir du moyen-âge où le système politico-religieux figé les maintenait depuis des siècles dans un retard qui les a rendus colonisables.

Bourguiba convaincu par la laïcité, née du siècle des lumières, fera faire à son peuple un grand pas en avant dans cette voie, conformément toujours à sa politique des étapes «siasat al-marahel» (politique des étapes), espérant à terme instaurer totalement la laïcité.

Comment le wahhabisme a-t-il pu arriver en France?

Ainsi, pour revenir à la France, l’islam de France a toujours été dominé par le malékisme voir le soufisme: deux obédiences pacifistes, d’ouverture et de tolérance. Mais alors comment le wahhabisme a-t-il pu arriver en Europe et plus particulièrement en France?

Deux occasions vont favoriser la propagation du wahhabisme par les Ibn Saoud d’Arabie:

- la guerre d’Afghanistan, pour laquelle les Américains laisseront les Ibn Saoud propager ce qui va devenir le péril vert (le wahhabisme), pour neutraliser le péril rouge (le communisme), leur grande hantise! Ainsi des tribus pakistanaises et afghanes, adeptes jusque-là du hanafisme, l’école la plus libérale, vont basculer dès 1977 au hanbalisme, dans sa version la plus rigoureuse et la plus radicale de toutes les obédiences musulmanes, c’est-à-dire le salafisme wahhabite saoudien, pour devenir des pays exportateurs de terroristes. Et ce, avec la bénédiction des Américains dont l’unique obsession est de contrer l’avancée du communisme (Cf. ‘‘L’expansion du salafisme, séquelle de la guerre froide’’ et ''Les Etats-Unis, le salafisme saoudien et les révolutions arabes''.

Les Américains ignoraient-ils à ce point le péril vert qu’ils ont soutenu pour stopper le péril rouge? Faut-il rappeler qu’ils ont armé et soutenu Ben Laden, originaire d’Arabie et adepte du salafisme wahhabite, pour débouter les soviétiques hors d’Afghanistan?

- La chute du mur de Berlin, qui a signé la fin de l’utopie communiste, sera une aubaine pour les Ibn Saoud d’assurer la conversion massive au wahhabisme de peuples soumis au joug du communisme soviétique qui leur imposait l’athéisme.

Ce sera le point de départ d’une conversion qui va toucher tous les continents: aussi bien l’Amérique, que l’Afrique mais aussi l’Europe aussi bien centrale qu’occidentale. Notamment auprès des jeunes en quête d’identité.

L’essoufflement du système «intégratoire»

Or en Europe, et plus particulièrement en France, adepte de l’intégration de ses immigrés, le système «intégratoire» semble s’être essoufflé depuis les années 60, et la situation va s’aggraver et se détériorer en raison de deux phénomènes:

- tout d’abord, la seconde et la troisième génération des musulmans de France, enfants de ceux qui immigrèrent, français par leur naissance en France, ont été pour diverses raisons économiques et sociales (chômage, ghetto des villes, enseignement mal réussi marginalisés et en ont ressenti une hostilité à l’égard du pays qui n’a pas fait ce qu’il fallait pour les intégrer (l’échec de l’intégration est patent) et ont ressenti le besoin de retrouver leurs racines. Malheureusement, issus de familles défavorisées pour la plupart, ils n’ont pas reçu l’enseignement sur leur culture ni sur leur religion véritable; ce qui en fait des proies faciles pour les prédicateurs souvent étrangers (d’Arabie et du Qatar);

- le deuxième phénomène est le prosélytisme que n’ont cessé de pratiquer les Ibn Saoud d’Arabie pour leur wahhabisme.

Pour cela, les Ibn Saoud vont développer et multiplier les chaines de télévisions paraboliques ainsi que les émissions religieuses confiées aux prédicateurs les plus en vogue. Mais aussi ils vont occuper les banlieues délaissées par le pouvoir en place, devenues propices au prosélytisme du wahhabisme parmi des populations pauvres, incultes et ignorant tout de l’obédience de leurs parents dans leur majorité des malékites !

Or le salafisme wahhabite est spécifique d’Arabie et des pays du Golfe, pays qui ne faisaient pas partie de l’empire colonial français. L’Arabie étant le berceau du wahhabisme, son expansion s’est restreinte au Moyen Orient, puisque l’immense majorité des pays musulmans d’Afrique, à obédience malékite, le rejetteront. C’est ce que répondra le bey de Tunisie dans sa lettre à Mohamed Abdel Wahhab, qu’il n’a rien à apprendre aux Tunisiens, après que les oulémas de la Zitouna aient jugé son obédience obscurantiste, rétrograde et violente (Cf. ‘‘Où le gouvernement Jebali veut-il amener la Tunisie’’!.

Mais l’occasion est trop belle pour les Ibn Saoud de concrétiser le deal qui unissait leur tribu à celle de l’imam Mohamed Abdel Wahhab: propager le wahhabisme! Insidieusement mais sûrement avec les complicités des pouvoir en place, les Ibn Saoud vont financer les lieux de culte, de culture «musulmane», des écoles coraniques, des medersas gratuites et des livres gratuits…, en assurant leur animation par des imams formés en Arabie…, en multipliant les «œuvres» caritatives islamiques…, à fin d’assurer une emprise sur des populations fragiles par un endoctrinement quasi quotidien. Fort de leur implantation, le salafisme fera son chemin et la politisation des nouveaux adeptes, aussi.

L’exigence de visibilité du «nouvel islam de France»

Ainsi les musulmans de France seront étonnés de découvrir ce «nouveau islam de France» et choqués par les réclamations incessantes de salafistes wahhabites, qui prônent la «visibilité» de leur foi, chose prohibée par le malékisme qui condamne l’ostentation dans la pratique de la foi.

Ainsi vont apparaître barbes, qamis, sceaux frontaux, voiles puis niqab, prières dans les rues… au grand dam des musulmans de France qui ne se reconnaissent pas dans ce «nouvel islam» d’importation saoudienne!

Quand Sarkozy était ministre de l’Intérieur et responsable du culte en France, il a pensé bien faire d’organiser l’islam de France à la manière des autres religions: l’Eglise pour les catholiques, le Consistoire pour les juifs…

Les musulmans de France n’étant pas organisés en «église», chacun pratiquant sa foi «directement» avec son dieu, Sarkozy se retournera vers ce qui semble «mieux» organisé, c’est-à-dire vers les salafistes dont le mouvement ne se cache pas d’être «politico-religieux», autrement dit un parti politique qui instrumentalise ouvertement la religion!

Ainsi une minorité bien structurée et bien financée par l’«étranger» (Arabie, Qatar…) va par son action vindicative et ostentatoire s’imposer comme représentant de l’islam de France! C’est elle qui sera à l’origine des conversions à l’islam (salafiste, bien évidemment) de nombreux jeunes français de confession chrétienne mais marginalisés pour en faire leur porte-drapeau et leur porte-parole auprès des autorités françaises.

Si les Ibn Saoud étaient les «amis» de Chirac qui leur accordera la construction illégale d’un somptueux palais sur un littoral protégé de surcroit, Sarkozy va s’enticher de leur rival: l’émir du Qatar pour en devenir l’«ami». Il est plus que probable que l’un et l’autre ont fermé les yeux sur les agissements de ces monarques en France pour y propager le wahhabisme, contre des «aides substantielles»; entre autres pour leurs campagnes électorales.

Autrement, qui pourrait croire que les services secrets de l’Etat français ou les conseillers des ministres de l’Intérieur, «ignoraient» l’invasion de la France par ce salafisme wahhabite qui lui était complètement étranger historiquement et qu’ils n’aient pas mis en garde les responsables politiques contre sa dangerosité?

Ainsi, les Français découvrent ce qu’est le salafisme wahhabite, comme les Américains ont découvert le 11 septembre 2001 son horreur avec la destruction des Twin Towers. Alors qu’ils ont toujours fermé les yeux sur le régime des Ibn Saoud depuis les accords qui lient cette monarchie aux Emirats arabes unis (Eau): «Pétrole contre sécurité»; les laissant propager un islam obscurantiste et dangereux, allant jusqu’à les soutenir pour faire front au communisme, leur bête noire de toujours!

Où sont les limites de la «realpolitik» pour l’Occident?

Sarkozy joue avec le feu wahhabite

Sarkozy semble avoir découvert, à l’occasion de l’affaire Merah, le salafisme violent! Si l’on peut se dire, mieux vaut tard que jamais, il n’en demeure pas moins qu’il a été à l’origine du développement de ces tendances salafistes avec lesquelles il a pactisé pour organiser l’islam de France, notamment ave l’Uoif. Voilà qu’aujourd’hui, il interdit la venue en France de prédicateurs salafistes invités par cette organisation et écrit une très belle lettre à l’Uoif pour lui rappeler les valeurs de la France.

Peut-on sérieusement penser qu’il ignorait les tendances et les possibles dérives de cette organisation lorsqu’il l’a reconnue et lui a permise de se développer en France?

Quelle belle hypocrisie! Quel opportunisme! Sarkozy exploiterait-il son «irresponsabilité» à des fins électoralistes ?

Il faut rappeler que c’est lui en tant que ministre de l’Intérieur qui a favorisé et admis qu’une bande de salafiste wahhabite représente tous les musulmans de France. Etait-ce pour faire plaisir à ses «amis wahhabites», l’émir du Qatar et le roi Ibn Saoud? Car il faut rappeler ce que sont les musulmans de France. Dans leur immense majorité se sont des nord-africains connus pour leur obédience malékite. Quand aux musulmans noirs africains, leur pratique est imprégnée de soufisme.

Comment Sarkozy ou du moins ses conseillers pouvaient-ils ignorer à ce point la nature de l’islam de France pour permettre l’importation de ce qu'il y a de pire : le salafisme dans sa version wahhabite? Alors que l’histoire coloniale de la France n’a rien à voir avec les pays du Golfe et encore moins avec l’Arabie.

Est-ce là la realpolitik de Sarkozy? A moins que sciemment, dans un but électoraliste, il ait favorisé l’islamisme pour mieux exaspérer les français et récupérer les électeurs du Front National qui fait de l’islamophobie son fond de commerce! Si c’est le cas, il est machiavélique.

Il est grand temps que les musulmans de France ne soient plus les otages d’un islamisme qui les choque mais qui leur fait du tort en même temps. Car l’amalgame est très vite fait entre islam et islamisme par une majorité de Français qui n’en saisissent pas les différences.

Mais pour cela il faut que les hommes politiques eux-mêmes cessent de jouer aux apprentis sorcier en laissant se développer en France, au nom de la démocratie, ce que tous les experts savent comme nuisible et dangereux, au nom de je ne sais quelle amitié ou quels intérêts !

C’est curieux que Sarkozy crie au feu alors que c’est lui qui l’a allumé par pur calcul électoraliste.

La realpolitik a ses limites: la sécurité des peuples. Il est clair que les Français se «réveillent» et qu’ils exigeront maintenant de leurs politiques de tous bord qu’ils ne tolèrent plus les agissements de cet islam obscurantiste.