A qui (et à quelle partie) profite l’exclusion de la moitié des Tunisiens du processus électoral? La question mérite d’être posée, et des enquêtes réalisées pour expliquer les raisons de l'absentéisme de cette majorité silencieuse.

Par Salah Oueslati*


Avec près de la moitié des Tunisiens non inscrits sur les listes électorales, force est de constater que ces derniers constituent le parti majoritaire dans le pays. Plus surprenant encore, depuis les élections de la Constituante, aucune étude, aucune enquête, aucun travail de recherche sur le terrain n’ont été effectués pour faire la lumière sur la sociologie de cette population, sur ses (non)motivations, sur sa vision du pays et sur les raisons qui les ont poussées à rater le train de la démocratie.

La moitié des Tunisiens non inscrits sur les listes électorales

Les partis politiques, notamment ceux de l’opposition, au lieu de s’empêtrer dans des querelles stériles de personnes à l’égo surdimensionné et au narcissisme maladif, devraient se poser ces questions et essayer de trouver des réponses pour combattre ce scandaleux apartheid électoral qui frappe la moitié de nos concitoyens, à un moment où le pays s’est débarrassé de plus de cinquante années de dictature et de culte de la personnalité. A un moment où le pays vit une période charnière de son histoire et de son avenir.

Il est surtout du devoir suprême du gouvernement provisoire d’entreprendre une telle démarche. C’est le gouvernement qui dispose des moyens et de la logistique nécessaires pour conduire ce travail et lancer une campagne à grande échelle dans tous les medias nationaux et régionaux et à travers les autorités locales pour inciter les oubliés de révolution à accomplir leur devoir civique.

C’est au gouvernement de mettre en place et sans tarder l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) et lui procurer les moyens humains et financiers adéquats pour accomplir sa mission dans les meilleures conditions.

 

Qui peut prétendre parler «au nom du peuple»?

Les membres d’Ennahdha ne ratent pas une occasion pour qualifier l’opposition de zéro pour cent, ils oublient, ou feignent d’oublier, qu’ils pèsent eux-mêmes à peine 18 à 20% au plus de l’ensemble de la population en âge de voter. Qui peut prétendre parler «au nom du peuple» avec un tel score? Il en est une constante dans toutes les démocraties: les partis extrêmes font toujours le plein aux élections car leurs sympathisants sont plus mobilisés et plus déterminés que l’électeur moyen. Dès lors, à qui profite l’exclusion de la moitié des Tunisiens du processus électoral? La question mérite d’être posée.

* Maître de conférences, France.

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