La Tunisie court actuellement de grands risques de division. Elle fait aussi face à de sérieuses menaces qui menacent les libertés, les fondamentaux de la république et éventuellement la paix sociale.
Par Hatem Mliki*
Depuis l’investiture du gouvernement nahdhaoui, les dérives sont multiples et le processus démocratique est à l’arrêt voire même compromis. Le parti islamiste a malheureusement choisi de faire cavalier seul et contre la volonté de tous. Sa devise actuelle est: «Un peuple qui dit ce que bon lui semble et un gouvernement qui fait ce qu’il veut».
Les deux arnaques d’Ennahdha
Le dilemme actuel de la Tunisie remonte à une double arnaque et un avantage orchestrés au lendemain de l’annonce des résultats des élections de l’Assemblée nationale constituante (Anc), le 23 octobre 2011.
La première arnaque réside dans le fait que la parti islamiste a décidé seul que le système politique de la Tunisie postrévolutionnaire sera parlementaire alors que ce choix figure à l’ordre du jour des discussions des députes chargés d’élaborer la constitution.
La deuxième arnaque étant que le régime parlementaire, qui investit le gouvernement du plein pouvoir, a été mis en place en l’absence d’une constitution qui garantit les droits et les libertés des Tunisiens et de laquelle découlent les lois.
En somme, on est face à une situation unique au monde: un gouvernement avec les pouvoirs d’un régime parlementaire mais sans les limites (lois) que lui impose ce régime.
L’avantage dont dispose aussi Ennahdha étant qu’en plus du fait qu’il peut ne pas observer de règles précises, il peut aussi faire passer tout autre texte de loi à travers la majorité dont il dispose à l’Anc grâce à ses deux alliés (CpR et Ettakatol).
Trois scénarios pour sortir de l’ornière actuelle
La situation est donc grave et sérieuse et les possibilités offertes aux Tunisiens sont quasiment limitées à trois.
La première: une action populaire pour destituer le régime de la «troïka» avec le risque d’une confrontation directe entre les Tunisiens et la possibilité du chaos.
La deuxième: maintenir une forme de pression sur le régime (ce qui se passe actuellement) à travers des grèves, des manifestations et des sit-in à plusieurs reprises. Cela ne fera qu’aggraver la situation du pays, dégrader son économie, accroitre ses divisons et, dans le meilleur des cas, reporter la confrontation du premier cas.
La troisième, pour laquelle je plaide, nous renvoie à l’origine du problème: la coalition qui a, de mon point de vue, autorisé ces dérives. La clé de cette alternative est dans les mains de Mustapha Ben Jaâfar que j’appelle à assumer ses responsabilités historiques et faire preuve de fidélité aux principes qu’il a toujours défendus.
Alors qu’il joue actuellement le rôle de l’instituteur en charge d’une classe de redoublants dans une école publique de banlieue, Mustapha Ben Jaâfar dispose désormais de la possibilité de remettre de l’ordre dans la Tunisie actuelle. Après le gel de participation des 11 députés du CpR, j’appelle monsieur Ben Jaâfar à quitter la coalition actuelle.
Remettre l’Assemblée au cœur de la décision
Le scenario que je propose est le suivant: le gouvernement actuel peut continuer à exercer ses fonctions sur la base de son programme jusqu’aux prochaines élections. Son chef peut garder les mêmes ministres avec la possibilité de remaniement en accord avec l’Anc. Ce dernier sera bien évidemment réinvesti de son rôle de contrôle sur les activités du gouvernement qui ne dispose plus de la majorité.
Le gouvernement sera engagé pour le programme qu’il a présenté et n’aura plus la possibilité de nommer des personnes dans des postes clés ou suspendre/réviser des lois sans l’accord de l’Anc.
L’Anc peut décider d’une date fixe pour l’achèvement des travaux d’élaboration de la constitution et fixer une date des prochaines élections dont l’organisation sera confiée à une instance réellement indépendante. Les sujets délicats tels que les libertés de la presse et l’indépendance de la justice doivent être repris par l’Anc et non laissés au gouvernement.
La Tunisie pourra ainsi évité le chaos et le risque de confrontation qui pèsent actuellement sur sa destinée. L’équilibre des pouvoirs, quoique fragile, sera rétabli jusqu’aux prochaines élections.
* - Consultant en développement.
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