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La célébration du centenaire du voyage en Tunisie des peintres Paul Klee, August Macke et Louis Moilliet commence en musique, et quelle musique! Du Bach, pas moins.

Par Anouar Hnaïne

Klee, qui jouait du violon et du piano, a noté dans son ''Journal de Voyage'' qu'à Tunis, il faisait aussi de la musique, avec ses deux compères, et aimait improviser. La musique est donc tout naturellement présente lors du centenaire de son voyage à Tunis.

C'est un ensemble de 80 jeunes musiciens issus de 20 pays différents, invités par l'Internationale Bachakademie Stuttgart, qui inaugure le programme du Centenaire du voyage des trois artistes en 1914.

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Hans-Christph Rademann à l'oeuvre.

L'Internationale Bachakademie Stuttgart fut fondé en 1981 par le chef d'orchestre et musicien Helmuth Rilling. En juin 2013, Hans-Christoph Rademann, directeur de chœurs et d'orchestre, notamment chez Philippe Herreweghe, prend la relève.

Depuis 2011, l'Internationale Bahakademie Stuttgart lance un appel à candidature, une sélection rigoureuse aboutit chaque année à une formation de chœur et orchestre, pour couronner leurs stages, les jeunes musiciens sont invités à une tournée en Allemagne et à l'étranger.

Tunis, 11 mars, l'Acropolium de Carthage accueillait l'orchestre avec les égards qui se doivent, autrement dit, un public nombreux, une concentration d'adorateur et une curiosité non dissimulée. Place à la musique.

J. S. Bach est à l'honneur, suites et motets au programme.

Premier Motet BWV226, pour commencer, le morceau fait partie des œuvres de Bach quand il était installé à Leipzig, là où il était au sommet de son art. Près d'une cinquantaine de voix, un clavecin, deux violoncelles, des violons chantent à la gloire de Dieu. Rademann, dirige sans théâtralité, sobrement, passe de l'ensemble des voix au archets qui sculptent les phrasés à la fois avec précision et fluidité, on écoute les silences. Le public est acquis, paisible. Une suite pour orchestre (BWV1067) exécutée par l'ensemble chœur et voix résonne dans le silence de la cathédrale.

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Un jeune binoclard australien jouant de la flûte traversière.

Toujours la gloire à Dieu, les basses pour la terre, les ténors et les contre-ténors pour le ciel, ainsi concevait Bach et ses contemporains baroques la musique religieuse.

Un ensemble de solistes 2 sopranos, une alto, un ténor et une basse, entrent en scène; ils chantent le motet BWV 230 de Bach et un extrait d'un morceau de Reger, organiste et chef d'orchestre allemand (1873- 1916). Lumière des mots, les voix montent, descendent, chutent, remontent, s'accélèrent et... silence, il y a comme une sorte de rayons laser qui émane de la respiration des chanteurs, tranchant avec le tout-venant de ceux qui délivrent un message religieux, celui-ci est comme calé au second plan.

Le souffle prend le large en vagues et en rumeurs lumineuses, le texte liturgique sous-jacent est couvert d'inflexions, enrobé d'accords, de plainte et de joie.

Et que dire de ce jeune binoclard australien jouant de la flûte traversière, entouré de violons, qui trouve ses marques dans le paquet de voix des solistes? Un bonheur. Et tout ça se termine en beauté par une Suite pour orchestre (BWV 1068) et le Motet BWV 225, tout l'ensemble autour du chef Rademann qui met de l'entrain avec sa gestuelle millimétré. Un tonnerre? Non, des applaudissements. Un concert à graver dans le marbre de l'Acropolium.

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Rademann est ravi  de la qualité du public.

Le lendemain. Diner avec le chef d'orchestre. Rademann est ravi: «Un public rêvé, pas de chahut ni bruits de chaises, le silence de la cathédrale est impressionnant».

Pourquoi tant d'intérêt pour Bach? «La musique de Bach est complexe; il chante à la gloire de Dieu évidemment, mais ce dieu est le Logos suprême. Bach a construit sa musique pour représenter l'organisme humain, l'homme étant naturellement à l'image de Dieu». Et le chef d'orchestre? «Mon travail est de faire la transmission entre les voix du chœur et les instruments pour que la musique résonne juste. J'essaie de faire en sorte que cette connexion entre voix et instruments construise un corps unique et homogène».

Illustration: Vois et instruments, 80 musiciens et le maestro.