L’affaire de Ramzi Bettibi (Winston Smith à Nawaat) prend une tournure internationale! Cela rappelle hélas les débuts de l’affaire Mohamed Bouazizi ou tout s’est rapidement enflammé!
Par Jamel Dridi
Comme Mohamed Bouazizi (paix à son âme) qui s’était fait confisquer sa charrette de fruits, Ramzi Bettibi s’est fait confisquer ses caméras.
Comme Mohamed Bouazizi que l’on avait pris de haut et sous-estimé, Ramzi Bettibi est pris de haut et sous-estimé.
Comme pour Mohamed Bouazizi, les réseaux sociaux parlent de plus en plus de cette affaire et mobilisent de plus en plus de personnes, jeunes et moins jeunes.
Comme pour Mohamed Bouazizi où l’Etat n’avait pas réagi assez vite, l’institution militaire semble ne pas mesurer l’ampleur que prend cette affaire aujourd’hui.
L’absence de transparence dans les procès en cours
Certes, l’armée nationale a émis ici et là quelques communiqués, certes son porte-parole a donné des interviews mais rien de bien «lourd et convainquant» face à l’enjeu. Car l’enjeu dépasse de loin la question de la confiscation des simples caméras qui, au demeurant, doivent être impérativement restituées au journaliste!).
Sur le fond de cette affaire, on rappelle ce que l’on avait déjà écrit à Kapitalis il y a quelques jours dans notre article ‘‘Ramzi Bettibi remets la question de la liberté de la presse sur la table’’, à savoir que dans cette affaire Ramzi Bettibi ne lutte pas contre l’armée mais contre l’absence de transparence dans les procès des martyrs en cours.
Car, encore une fois, au-delà du simple cas de Ramzi Bettibi et de ceux qui se sont joints à sa grève de faim (Houssam Ajlani, Yassine Ayari, Lina Ben Mhenni, Aziz Ammami), les Tunisiens veulent désormais savoir, veulent désormais la transparence, veulent une information libre pour changer l’avenir de notre pays et celui de nos enfants.
En filmant le procès des martyrs de la révolution, Ramzi Bettibi a filmé un procès pour l’Histoire de la Tunisie. Aucune institution, fusse-t-elle militaire, ne peut empêcher de le faire. Pour rappel, d’ailleurs, filmer ce type de procès est normal dans tout pays démocratiques parce que cela empêche que les mêmes erreurs soient commises par les générations futures. Ce type de film, diffusé ensuite, «éduque» le peuple et les gouvernants sur les dangers de la dictature. C’est pourquoi, dans le passé, les procès des bourreaux nazis ont été filmés, et c’est pourquoi, aujourd’hui, en Europe, à la Cour de justice de La Haye, les procès des criminels de la guerre de l’ex-Yougoslavie sont filmés.
Aussi s’étonne-t-on de ce manque de réactivité de la hiérarchie militaire et accessoirement du pouvoir politique vu les enjeux.
Ramzi Bettibi veut des procès et des témoignages pour l'histoire.
Le «trop tard» semble être très proche
Pourtant, une solution pourrait facilement être trouvée pour permettre à toutes les parties de sortir rapidement la tête haute de cette histoire et ce avant qu’il ne soit trop tard. Car ce «trop tard» semble être très proche. Au moment où nous écrivons ces lignes, des médias internationaux se font l’écho de ce qui se passe en Tunisie. France 24, la Bbc ou Al-Jazira évoquent le cas Bettibi et parlent de menaces graves contre la liberté d’information et de la presse. Cette «mauvaise publicité» n’arrange pas l’image de notre pays. Mais sur les réseaux sociaux aussi, des jeunes tunisiens déçus appellent à descendre dans la rue pour manifester.
L’affaire prend donc une ampleur médiatique et émotionnelle rappelant de plus en plus celle de Bouazizi qui a terminé comme l’on sait, après avoir observé le même terrible tryptique: 1) mépris d’un cityoen; 2) manque de réactivité de l’autorité pour trouver rapidement une solution; et 3) mobilisation médiatique qui fait descendre les gens dans la rue.
Ramzi Bettibi, très affaibli, en est aujourd’hui à son 9e jour de grève de la faim. N’attendons pas que cette affaire, qui pourrait se régler rapidement dans le cadre d’une discussion apaisée et avec la bonne volonté de toutes les parties, dégénérer en une affaire Mohamed Bouazizi bis.
N’attendons pas que tout cela dérape! Ce n’est vraiment pas le moment pour notre pays qui n’a pas besoin de ça aujourd’hui!
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