Il y a deux versions concernant l’arrestation, vendredi matin, du cheikh de la mosquée Zitouna Houcine Laâbidi: celle du ministère de l’Intérieur aussitôt contredite par l’intéressé.


Selon le ministère de l’Intérieur, qui s’exprime dans un communiqué publié sur sa page Facebook officielle, le cheikh de la mosquée Zitouna a été convoqué par la police judicaire pour répondre de deux plaintes déposées contre lui pour agression et pour avoir changé les cadenas des portes de la mosquée Zitouna.

Le cheikh incontrôlable et le parti islamiste au pouvoir

Le procureur de la république a été informé et il a ordonné sa poursuite en état de liberté, ajoute le ministère, qui précise que le prévenu n’a subi aucune violence ni verbale ni physique pendant son interrogatoire et qu’il a bien traité et a bénéficié de toutes les garanties légales.

Ce n’est pas exactement la version des faits telle que relatés par l’intéressé dans une vidéo circulant samedi sur les réseaux sociaux.

Cheikh Laâbidi apparaît sur un lit d’hôpital où il aurait été transféré à sa libération, quelques heures après sa relaxation. Il affirme dans la vidéo qu’il a été assailli vendredi matin à sa sortie de chez lui, près de Ben Arous (au sud de Tunis), par 4 véhicules. «Des personnes se présentant comme des agents de la police judicaire m’ont demandé de monter avec eux et de les suivre. J’ai refusé parce qu’ils ne m’ont pas montré une convocation en bonne et due forme», a-t-il raconté.

Le cheikh est revenu à la maison. Certains de ses partisans l’ont contacté au téléphone et lui ont conseillé d’aller se refugier à la mosquée Zitouna parce que les autorités veulent l’empêcher d’assurer la grande prière de vendredi. Mais en sortant de la maison, il a été interpelé par des agents qui l’ont fait monter par la force dans une voiture et l’ont ramené au siège de la police criminelle de Gorjani.

«Vous-vous imaginez, le cheikh de la mosquée Zitouna traité comme un criminel !», lance le cheikh, qui affirme avoir été agressé physiquement et notamment au ventre mais qu’il ne s’est pas laissé faire. Il a appelé son avocat qui a contacté le procureur de la république au téléphone. Ce dernier lui aurait confirmé qu’il n’a signé aucune convocation au nom du cheikh Laâbidi. Il a aussi ordonné qu’il soit transféré dans un hôpital. Ce qui fut fait.

Persistance des anciennes pratiques

Cheikh Laâbidi, qui en rupture de ban avec le parti Ennahdha, accuse le ministre des Affaires religieuses Noureddine Khademi et l’un de ses collaborateurs Habib Bousarsar – «des anciens du Rcd», dit-il – d’avoir tout manigancé pour l’éloigner de la mosquée Zitouna et de nommer à sa place l’un de leurs partisans.

Pour information (et ceci explique peut-être cela), cheikh Laâbidi avait critiqué ouvertement le gouvernement dans son prêche du vendredi 27 juillet à la mosquée Zitouna. Il avait aussi accusé le ministre des Affaires religieuses de vouloir mettre la mosquée Zitouna sous le contrôle de l’Etat. Ce que refuse cheikh Laâbidi qui estime que c’est l’Etat qui doit se conformer  aux prescriptions des oulémas.

Les péripéties rocambolesques de l’arrestation et de la libération de cheikh Laâbidi apportent la preuve s’il en est encore besoin de la persistance des pratiques de la police politique, au mépris de la loi et des droits humains. Elles prouvent aussi que la mouvance islamiste est traversée aujourd’hui par de profondes divisions qui vont s’aggraver au cours des prochaines semaines.

Imed Bahri