Un envoyé spécial de l’Oncle Barack est attendu vendredi à Tunis. Au menu : étudier avec les responsables nahdhaouis les moyens de corriger leur «copie démocratique».
Par Moncef Dhambri*
Le président Barack Obama a dépêché, cette semaine, au Proche-Orient le sous-secrétaire au Trésor Neal Wolin pour accentuer la pression sur l’Iran et la Syrie et réaffirmer le soutien des Etats unis à la transition démocratique en Afrique du nord. Cette tournée de M. Wolin l’a déjà mené au Liban. Il fera une escale en Arabie Saoudite et il rencontrera, jeudi et vendredi, les membres du gouvernement tunisien, selon un communiqué de presse du Trésor américain.
La «redécouverte» américaine de la Tunisie
Ce déplacement d’un haut responsable américain dans la région proche-orientale, à moins de deux mois des élections présidentielles aux Etats unis, revêt une signification tout à fait particulière pour le chef de l’exécutif sortant. De près ou de loin, cette tournée de dernière minute de M. Wolin, à n’en pas douter, fait partie de la stratégie électorale du chef de la Maison Blanche: Obama et les stratèges de sa campagne 2012 réalisent de plus en plus que le scrutin du 6 novembre prochain sera très serré et qu’il se jouera certainement aussi sur le dossier de la politique étrangère.
Sur le terrain interne, Barack Obama semble avoir déçu les électeurs américains, puisque la situation économique ne s’est pas beaucoup améliorée en quatre ans. C’est donc sur la diplomatie qu’il est obligé de se rabattre pour grappiller les quelques points nécessaires pour un deuxième mandat présidentiel.
Dans ce registre-là, tout porte à croire que la carte tunisienne est loin d’être négligeable. L’on a tous encore en mémoire la standing ovation qui a accueilli la révolution du 14 janvier au Congrès américain et le remue-ménage que celle-ci a engendré dans le département d’Etat. Puis ont suivi les interminables visites des officiels US en Tunisie et l’inverse… Concrètement aussi, la «redécouverte» américaine de la Tunisie a pris la forme sonnante et trébuchante d’aides à la transition démocratique et au développement, par le biais d’emprunts et d’assistance militaire, et par le rôle américain très actif au sein du G8 et le Partenariat de Deauville, par exemple.
Corriger votre «copie démocratique»
Neal Wolin .
L’on peut également parier que M. Obama, jouant gros dans cette course à la Maison Blanche, voudra s’assurer que les efforts consentis jusqu’ici par son pays pour aider la Tunisie ne soient pas vains. M. Wolin souhaitera sans doute entendre à nouveau les membres du gouvernement Jebali dire qu’ils sont vraiment des «islamistes modérés», que, si Ennahdha est reconduite pour diriger les affaires du pays, la liberté de la presse serait garantie et que la Tunisienne serait égale au Tunisien….
En somme, le chef de l’exécutif américain, en préparation de ses débats face au candidat républicain Mitt Romney, ne souhaiterait pas être la cible facile des attaques de son adversaire mormon, avec des flèches du genre galeries d’art saccagées, «complémentarité femme-homme», impunités salafistes, secteur de l’information muselé et autres remarques embarrassantes sur les ratages et dérapages de notre révolution.
Bref, M. Obama, en fin tacticien prévoyant et pragmatique, voudrait savoir si oui ou non les disciples de Rached Ghannouchi sont des hommes et des femmes sur lesquels il peut compter pour livrer sa bataille pour les présidentielles, si oui ou non le printemps arabe peut réussir en Tunisie…
Messieurs les Nahdhaouis, tenez-vous prêts, l’Oncle Barack va corriger votre «copie démocratique» et il tient à ce qu’elle soit irréprochable, pour ne pas avoir à regretter (ou à se faire reprocher) le soutien dont il vous a assurés jusque là!
Tunisie-Iran: les Américains se fâchent!
Autre point sur lequel les Américains attendent leurs «amis» tunisiens: «mettre plus de pression sur l’Iran et la Syrie à travers les sanctions financières et commerciales», comme indiqué dans le communiqué de presse du Département d’Etat au sujet de la tournée de M. Wolin.
«Le Secrétaire Wolin encouragera l’engagement des gouvernements des pays qu’il visitera dans la région sur les efforts susceptibles d’accroitre la pression sur les régimes en Syrie et en Iran à travers les sanctions financières, ainsi qu’à travers l’aide aux économies en transition des pays de la région», lit-on dans le même communiqué.
Le gouvernement de la «troïka», qui est très engagé aux côtés du Qatar et de l’Arabie saoudite dans le dossier syrien, va devoir mieux affiner sa position, non pas à propos du régime en place à Damas, mais avec son principal soutien dans la région, l’Iran, avec lequel la Tunisie cherche à développer de nouveaux partenariats économiques.
De là à conclure que les aides américaines promises à la Tunisie seront désormais conditionnées par son degré d’alignement sur les positions américaines (et israéliennes) vis-à-vis de l’Iran…
* Universitaire et journaliste.