Dans le dernier classement de Transparency International, qui mesure la perception de la corruption dans le monde, publié le 26 octobre, la Tunisie s’est classée 59e sur 178 pays, avec un score de 4.3 sur 10. Comme quoi, le verre est à moitié plein…
Il y a, en effet, deux manières d’interpréter ce classement. La première consiste à se satisfaire du fait que notre pays ait gagné 6 places par rapport à 2009 et qu’il soit perçu comme étant le moins touché par la corruption en Afrique du Nord. Puisqu’il devance d’assez loin le Maroc (85e, 3,4 points), l’Egypte (98e, 3,1 points), l’Algérie (105e, 2,9 points) et la Libye (146e, 2,2 points). Il devance même des pays comme l’Italie (67e, 3,9 points), ou encore la Grèce (68e, 3,5 points), qui ne sont pas les meilleurs de leur classe en Europe.
Outil d’aide à la décision
La deuxième manière d’examiner ce classement consiste à noter qu’avec un score de 4.3 sur 10 (contre 4,2 en 2009), la Tunisie, tout se rapprochant des pays les moins corrompus, se place néanmoins toujours en dessous de la moyenne internationale. Ce qui, bien entendu, incite toutes les parties prenantes, et d’abord les pouvoirs publics, à prendre les mesures nécessaires en vue d’améliorer ce classement.
Bien sûr, ces analyses et ces classements ne sont pas exempts de tout reproche, puisqu’ils sont le fruit de recoupements d’informations éparses voire parfois de perceptions d’opérateurs et d’experts économiques et financiers, forcément teintées de subjectivité ou manquant de précision.
Il n’en demeure pas moins que l’Ipc, à l’instar des autres classements internationaux, constitue un précieux outil d’aide à la décision pour les dirigeants politiques, les bailleurs de fonds et les opérateurs privés soucieux d’entourer leurs investissements des meilleures garanties de sécurité et de transparence.
Préserver le climat des affaires
La Tunisie, qui a ratifié la Convention des Nations-Unies sur la lutte contre la corruption (Uncac) en février 2008, a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre le phénomène de la corruption. L’objectif étant de préserver le climat de l’investissement et l’environnement des affaires, et de renforcer, au regard des bailleurs de fonds, partenaires économiques et investisseurs étrangers, l’image d’un pays relativement bien géré, surtout en comparaison avec ses voisins.
Ainsi, une loi de 2005 établit l’égalité entre les entreprises cotées en bourse et les autres, en termes de rapports financiers, d’adoption de mesures de transparence et de divulgation des informations. Le ministère du Commerce et les autorités de contrôle financier surveillent les fraudes financières. Le ministère de l’Intérieur dispose d’une unité spéciale chargée de poursuivre les délits économiques. Le système de passation des marchés est mieux encadré. Des mesures préventives sont en place dans toutes les agences gouvernementales. Les lois sanctionnent tous types de corruption, qu’elles soient active ou passive, et toute activité lucrative ou commerciale de tout agent de la fonction publique fait l’objet d’un suivi étroit afin d’éviter tout conflit d’intérêt.
Par ailleurs, la législation sur la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment d’argent, adoptée en 2003, a été durcie, en 2009, avec le renforcement de la logistique de la répression, l’institution de la traçabilité des transferts de fonds, la responsabilisation des banques et le renforcement du contrôle et de la transparence des transactions. Les nouvelles dispositions concernent les banques – y compris les banques off shore –, les particuliers et entreprises qui pilotent, pour le compte d’un client, des transactions financières (achat, vente de biens immobiliers ou de fonds de commerce, gestion de capitaux, création d’entreprises…). Les casinos et bijouteries, possibles passerelles pour le blanchiment de l’argent, sont également ciblés par cette loi. Banques et organismes financiers sont ainsi tenus de s’assurer de l’identité de leurs clients et de l’origine de l’argent. Ils sont obligés de prêter attention aux transactions complexes ou d’un montant anormalement élevé, et aux opérations inhabituelles dont la vocation économique ou la licité ne sont pas évidentes. Des sanctions de six mois à trois ans de prison et des amendes lourdes sont prévues pour les négligents et malveillants. Est également prévu le gel des biens des personnes et organisations dont le lien avec des crimes organisés est établi.
Comment améliorer ce classement?
Ce dispositif a sans doute pesé dans la notation de la Tunisie, qui s’en sort mieux que ses voisins immédiats. Il n’en demeure pas moins perfectible, d’autant que la Tunisie continue d’œuvrer, notamment sur les plans réglementaire et institutionnel, pour améliorer davantage son environnement des affaires vers plus de transparence.
Tout en poursuivant cet effort nécessaire, nos responsables doivent aussi étudier le détail du classement de l’Ipc, analyser les méthodes adoptées pour l’établir et identifier les instances habituellement consultées par Transparency International pour éventuellement mieux les informer de ce que le pays met en œuvre pour renforcer son dispositif de lutte contre la corruption.
R. K.