Les Tunisiens ont découvert, ce soir, le nouveau ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, qui participait, pour la première fois, à une émission en direct sur la chaîne Hannibal TV.
Sous un air jovial et bon enfant, ce sexagénaire aux cheveux sel et poivre allie souplesse et fermeté. Cinq jours seulement après sa prise de fonction, il a montré une certaine maîtrise des dossiers brûlants: les désordres sécuritaires, les revendications sociales de la police, la psychose des attaques perpétrées par des groupes organisés, les purges au sein de l’appareil sécuritaire, la coopération entre les forces de police et l’armée, etc.
Des complicités au cœur du système de sécurité
M. Rajhi a évoqué ce qu’il a appelé «l’attaque et l’occupation du bâtiment du ministère de l’Intérieur», lundi soir, par un groupe de personnes armées, probablement des agents de sécurité restés loyaux à l’ancien régime.
Le ministre a parlé de 2.000 à 3.000 personnes, dont près de cinquante ont été arrêtées, puis relâchées, inexplicablement, par les hauts responsables du ministère et, surtout, par le directeur de la Sûreté nationale, Taoufik Dabbabi.
Ce comportement trouble, qui suppose l’existence de complicités entre les groupes d’attaquants et l’appareil de sécurité, est venu confirmer les soupçons du ministre. D’autant que ce qui s’est passé, vendredi, à l’esplanade de la Kasbah, lorsque des agents de l’ordre ont attaqué violemment les jeunes manifestants observant un sit in devant le Palais du gouvernement, avait déjà mis la puce à l’oreille de M. Rajhi. «Les instructions que j’ai données n’ont pas été appliquées comme elles devaient l’être», a-t-il dit.
L’épisode de l’occupation du ministère de l’Intérieur par des agents ivres, drogués et armés, et l’absence de réactivité de la part des cadres du même ministère, qui n’ont même pas pris la précaution de prendre l’identité des assaillants et/ou de les arrêter, n’a plus laissé de doute dans l’esprit de M. Rajhi sur l’implication du système de sécurité dans les désordres enregistrés au cours des derniers jours.
Coopération étroite entre la police et l’armée
Ce faisceau de présomptions a poussé le ministre à limoger 42 hauts cadres de son ministère, y compris le directeur de la Sûreté nationale, qui a été remplacé par le général-major Ahmed Chebir. M. Rajhi a décidé aussi la réintégration des fonctionnaires ayant été mis à l’écart par l’ancien régime, après l’étude de leurs dossiers au cas par cas. Il a, en outre, réaffirmé sa volonté de poursuivre l’assainissement du département de l’Intérieur. Un mouvement dans le corps des gouverneurs est également en préparation. Il touchera les 24 gouvernorats que compte le pays.
Le ministre a annoncé, par ailleurs, des décisions à caractère social. Les primes versées aux agents de sécurité seront majorées à partir de février 2011. Les familles des agents tués lors des derniers événements bénéficieront d’une indemnité équivalente à celle attribuée aux familles des martyrs de la révolution, soit 20.000 dinars. Les agents blessés bénéficieront, pour leur part, d’une indemnité de 3.000 dinars.
A propos de la coopération entre l’appareil de sécurité et l’armée nationale, M. Rajhi n’a pas cherché à se dérober: «Sans l’armée, nous serions dans une situation catastrophique. Moi et le général Rachid Ammar, nous travaillons ensemble toute la journée», a-t-il dit.
Imed Bahri