Me Olivier Metzner, avocat d’Imed Trabelsi, n’en revient pas: les avocats tunisiens refusent de défendre les membres du clan de Ben Ali ou sont «menacés» s’ils envisagent de le faire, dit-il. Est-ce raisonnable?
Dans une interview, jeudi dernier, à la radio française Europe 1, le célèbre avocat français dénonce: «Mon voyage (récent) en Tunisie m’a montré que les avocats tunisiens n’avaient pas la liberté de faire ce qu’ils voulaient. Ils reçoivent des menaces». Et de préciser: «J’étais encore hier au téléphone avec mon correspondant à Tunis, Me Ammar (...). Il a été menacé de radiation par ses confrères s’il défendait Trabelsi» (!!)
Un parfait coupable
Imed Trabelsi, détenu, avec une trentaine d’autres proches de l’ex-président, dans une caserne de l’armée à Tunis, est accusé, à l’instar d’autres membres du clan Ben Ali, d’«acquisition illégale de biens», de «placements financiers illicites à l’étranger» et d’«exportation illégale de devises».
Les abus de pouvoir et malversations de toutes sortes reprochés au client de Me Metzner sont certes connus de tout Tunis. L’homme est l’un des plus détestés dans le pays. Il cumule, à lui seul, tous les abus et les travers de l’ancien régime: corruption, racket, trafic d’influence, fraude, escroquerie, contrebande, abus de biens publics, etc.
Mais en tant que prévenu, dans un pays qui se veut de droit, Imed Trabelsi – même lui, serions-nous tentés d’écrire – a droit à un procès équitable. Et une défense adéquate est l’une des premières conditions d’un tel procès.
Aussi, les membres du barreau tunisien, qui s’en sont pris au défenseur tunisien d’Imed Trabelsi, Me Ammar, ont-ils commis une grave erreur. Pis: une faute de goût. Ce qui leur vaut cette remise à l’ordre cinglante de Me Metzner: «Je ne suis pas l’avocat d’une cause, je suis l’avocat de justiciables qui ont droit à un procès équitable».
Me Metzner fait la leçon au barreau tunisien
Les ténors du barreau tunisien ne devrait-ils pas ressentir comme une gifle l’explication de Me Metzner selon laquelle il a accepté de défendre Imed Trabelsi à la demande de sa famille parce qu’«il n’était défendu par personne»? Le Français va d’ailleurs jusqu’à faire la leçon à ses collègues tunisiens: «Pour moi, c’est un honneur de la profession de défendre tout le monde, quels que soient les reproches qui sont faits. D’autant qu’on ne sait pas ce qu’on lui reproche», explique-t-il.
Ce qui est plus inquiétant que le fait qu’Imed Trabelsi puisse bénéficier d’une bonne défense – ce qui est son droit inaliénable et le devoir de la justice tunisienne –, c’est l’affirmation de Me Metzner selon laquelle il n’a eu finalement accès qu’à un «dossier de dix pages» concernant une «infraction douanière» (sic !).
Le dossier d’accusation a-t-il été instruit dans la précipitation, car comment concevoir que la partie civile n’ait pas été capable – si l’on en croit Me Metzner – de réunir des preuves accablantes contre le prévenu?
Imed Bahri