Notre confrère algérien basé à Paris s’interroge sur l’insupportable silence de l’Algérie vis-à-vis de la révolution tunisienne.
Par Akram Belkaïd*


Disons-le de manière directe: la majorité des Tunisiens ne comprend pas pourquoi les autorités algériennes n'ont pas pris fait et cause pour leur révolution. A Tunis, à Sfax ou ailleurs, on est dérouté par la froideur d’Alger. En un mot, ce pays qui vient de se libérer de ses chaînes attend encore le grand discours fraternel et amical qui viendrait de notre capitale. Un discours qui saluerait d’abord le courage des Tunisiennes et des Tunisiens et qui proclamerait de manière solennelle que notre pays saura être aux côtés de son voisin dans la période incertaine qui débute.

 

Où est passé le rêve maghrébin?
maghreb ben aliEst-il normal que cela soit l’Europe qui propose son aide – très chiche au demeurant – à la Tunisie? On ne peut que se sentir accablé lorsqu’on lit que la chute de Ben Ali et l’avènement d’une deuxième république vont peut-être permettre à la Tunisie de décrocher le statut du partenariat avancé avec l’Union européenne voire peut-être d’y adhérer un jour. Et le Maghreb alors? Où est passée la solidarité née des décombres de Sakiet Sidi Youssef? Où est passé le rêve maghrébin?
La Tunisie a besoin de 10 à 15 milliards de dollars sur cinq ans pour faire sortir ses régions intérieures du sous-développement et éviter le dérapage de sa transition démocratique. N’y a-t-il pas quelques milliards dans nos caisses qui pourraient servir à aider la Tunisie? Cet argent qui dort dans les coffres de la Banque centrale ou de je ne sais quel fond de régulation – une hérésie qui choque n’importe quel étudiant en sciences économiques – ne peut-il être transformé en ligne de crédit (ne parlons pas de don) en faveur de la Tunisie? Il paraît que l’on veut relancer notre industrie et nos exportations hors-hydrocarbures: voilà une belle occasion de mettre en place un vrai partenariat maghrébin.

Ni jaloux ni envieux
Cela permettrait aussi de prouver que les Algériens ont révisé leur jugement habituel à l’égard de leurs voisins de l’est. Cela permettrait de démontrer qu’ils ne sont pas jaloux ni envieux. Certes, on continue à entendre ici et là des analyses pour le moins condescendantes vis-à-vis de la Révolution du 14 janvier. Pour les uns, c’est un complot américain. Pour les autres, c’est un bouleversement qui n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’aval de nos services secrets.
De cela, je tire un enseignement qui vaut aussi pour les relations algéro-marocaines. Les élites, qu’elles soient politiques ou économiques, sont le drame du Maghreb. Avec leur petitesse, leur mesquinerie, leur insupportable vantardise et leur esprit de clocher, elles représentent un obstacle de taille pour l’aspiration des peuples à être unis. Il fallait voir les Tunisiens brandir des drapeaux algériens le jour de la chute de Moubarak pour comprendre qu’il se joue quelque chose en ce moment. Quelque chose qui dépasse les enjeux nationaux mais que, malheureusement, la classe politique algérienne, aux affaires ou en réserve, semble incapable de comprendre.

* Extrait de la ‘‘Chronique du blédard’’ au ‘‘Quotidien d'Oran’’ (10 mars 2011).

* Le titre et les intertitres sont de la rédaction.