La veille de l’assemblée générale de l’Association de sauvegarde de Hammamet, le nombre d’adhérents a brusquement quadruplé. Conséquence: sur les 17 membres du nouveau comité directeur, 14 appartiennent à la mouvance islamiste. Par Dr Salem Sahli, Hammamet.
Vendredi 18 mars 2011, s’est tenue à la maison des jeunes de Hammamet l’Assemblée générale élective de l’Association de sauvegarde de la ville de Hammamet (Asvh), l’équivalent local des associations de sauvegarde des médinas (Asm). Mais se sentant peut-être à l’étroit, les dirigeants de l’Asm de Hammamet ont changé le nom de l’association afin de couvrir, et la médina et la zone extra-muros.
Tirs à boulets rouges sur les anciens dirigeants
Durant deux décennies, et profitant des largesses du régime, ces derniers prirent la ville en otage, installèrent leur amis aux avant-postes à la mairie et aux commandes des associations culturelles et sportives. S’agissant d’une organisation véritablement gouvernementale (Ovg), ils empoisonnèrent la vie aux Ongs locales qui en étaient réduites à faire de la résistance et à ramer à contre-courant dans une ambiance hostile. La bénédiction de l’Asm était la condition sine qua non pour la réalisation des projets de la ville et son véto faisait office de sentence indiscutable.
Rien d’étonnant dès lors que l’assemblée générale fusse houleuse et l’ambiance explosive. Les participants ont tiré à boulets rouges sur l’ancienne équipe ou du moins ceux d’entre eux qui ont eu le courage de se déplacer. Parmi les absents de marque figure Dr M. Mohamed Gueddiche, président de l’Asm [et ancien médecin personnel de l’ex-président Ben Ali, ndlr]. De même, Mme Afifa Salah, membre du Comité central du Rassemblement constitutionnel dé&mocratique (Rcd, ancien parti au pouvoir, ndlr), député et vice-présidente de l’association n’a pas daigné non plus faire le déplacement.
Un bureau sortant jugé trop Rcd’iste
Après lecture des rapports moral et financier, les débats furent à sens unique. Les critiques acerbes pour les uns, à peine édulcorées pour d’autres fusent de toutes parts contre le bureau sortant jugé trop Rcd’iste.
Sur le fond, certains intervenants ont insisté sur le traitement de faveur dont bénéficiait l’Asm. En effet, l’association s’est même payé le luxe de placer de l’argent sur un compte bloquée. Ce placement lui a rapporté près de 16.000 dinars selon le rapport financier. Cette gestion financière est pour le moins bizarre pour une association qui vit uniquement des subventions publiques, c'est-à-dire de l’argent du contribuable.
Côté réalisations, un projet a retenu l’attention des présents: il s’agit de Dar Hammamet, sorte de mini-musée situé dans la médina qui ambitionne de contribuer à la promotion du tourisme culturel dans la ville. Près de 80.000 dinars ont été déboursés pour ce projet et une enveloppe similaire est réservée pour son achèvement. Il s’agira sans doute du chantier prioritaire de la prochaine équipe de l’Asl.
Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain
Lors des débats, nous étions d’avis qu’au lieu de tirer à hue et à dia, il fallait conjuguer nos efforts pour réussir le sauvetage de l’association. Certes, l’Asm faisait partie des «associations» satellites de l’ancien régime et appendices du Rcd. Elle a été détournée de sa tâche culturelle pour devenir une officine du pouvoir et un frein au développement et à l’épanouissement de la vie associative à Hammamet. Nous pensons toutefois que, purgée de ses éléments nocifs, dépouillée de sa vermine, réconciliée avec sa mission princeps, l’Asm pourrait rapidement retrouver son rayonnement d’antan celui de la décennie 1980-1990. Créée en 1979, l’Asm fait désormais partie de notre paysage associatif local et a à son actif plusieurs projets d’intérêt général. Jeter le bébé avec l’eau du bain ne serait ni sage ni productif.
Il existe aujourd’hui une opportunité pour corriger la trajectoire de l’Asm pour qu’elle s’en tienne à ses objectifs et se conforme à ses statuts. En effet, depuis l’annonce de la date de l’AG, le nombre d’adhérents a quasiment quadruplé passant de 94 à 375 adhérents.
Entrisme des militants islamistes
Cet engouement des jeunes pour l’engagement associatif est en soi un signe de bonne santé sociale et pourrait préfigurer un avenir radieux pour l’Asm puisqu’il élargit grandement son audience. Mais certains ne cachent pas leur perplexité devant cet afflux massif et soudain d’adhérents craignant une tentative de confiscation de l’association par les islamistes.
Le résultat du scrutin ne tarda pas à leur donner raison. Sur les 17 nouveaux membres du comité directeur, 14 appartiennent – de près ou de loin – à la mouvance islamiste. Un raz-de-marée, point de femmes, peu de compétences, des inconnus de la scène associative locale.
Manifestement, la consigne d’exclure ceux qui – du fait de leur expérience, leur formation ou leur expertise étaient porteurs d’un projet intéressant pour l’Asm – a été suivie à la lettre. Dommage, car parmi les écartés figurent des universitaires, des chercheurs, des architectes, des artistes, des juristes… Bref les profils précisément requis pour piloter avec d’autres ce laboratoire d’idées, ce bureau d’études, ce foyer d’intelligence que devrait être l’Asm.
Il appartient maintenant à toutes les forces démocratiques de tirer les leçons de ce premier test local de l’après-révolution. A bon entendeur!
* Le titre et les intertitres sont de la rédaction.