Comment expliquer la présence de Mohamed Jegham, ancien collaborateur de Ben Ali, flanqué de quelques-uns de ses anciens collaborateurs, en tête de la marche citoyenne de soutien au tourisme à Hammamet? Par Dr Salem Sahli
Nous étions très nombreux, ce samedi 23 avril, à avoir participé à la marche citoyenne de soutien au tourisme. L’évènement fut sans aucun doute un franc succès et nous ne pouvons que nous en réjouir. Ce succès, nous le devons surtout au sursaut communautaire dont ont fait preuve les habitants d’Hammamet toutes tendances confondues et c’est tout à leur honneur.
La tentation de la récupération
Les militants de la ligue tunisienne des droits de l’homme (section d’Hammamet), les écologistes, les responsables du forum de la citoyenneté, les rotariens, les acteurs associatifs, les indépendants, les représentants de nombreux partis politiques, des jeunes et des moins jeunes, des familles entières… Ils étaient tous venus, ils étaient tous là. Et pour cause, le secteur touristique, pierre angulaire de l’économie locale est absolument vital pour le développement de notre région.
Hammamet doit beaucoup au tourisme et celui-ci lui doit énormément. Aussi, notre participation s’inscrivait-elle dans l’ordre logique des choses et ambitionnait de contribuer à la promotion d’un tourisme que nous appelions de nos vœux depuis de nombreuses années. Un tourisme intelligent, respectueux des gens et de l’environnement, un tourisme mieux intégré dans le territoire et au service des idéaux de paix, de solidarité et de compréhension. Nous sentant très concernés par l’avenir de ce secteur, il eut été illogique de bouder la manifestation.
Mohamed Jegham au centre
J’espère néanmoins qu’aucune des parties organisatrices à savoir la Fédération régionale des agences de voyage ou celle de l’hôtellerie ne sera tentée par la récupération de ce succès. Car il semble bien que les participants honnêtes aient été victimes d’un stratagème grotesque, une ruse d’une autre époque et une tromperie ridicule. Sinon, comment expliquer la présence de Mohamed Jegham en tête du cortège, flanqué de quelques-uns de ses anciens collaborateurs au temps où il était ministre? Que signifie cette irruption soudaine des ex-Rcdistes locaux venus parader sur l’avenue Habib Bourguiba d’Hammamet? M. Jegham est-il en visite privée? S’est-il trouvé là par hasard? Ou bien s’est-il déplacé uniquement pour se dégourdir les jambes?
Que les «ex-loups» du Rcd retournent dans leur tanière!
Assurément non, M. Jegham est en déplacement officiel; il est venu à Hammamet mobiliser ses troupes et recruter des adhérents en prévision des élections du 24 juillet.
Signalons à ce propos que M. Jegham est secrétaire général du parti politique El Watan qui regroupe de nombreux militants du défunt Rcd. Il est difficile, voire impossible d’interpréter autrement sa présence aux avant-postes de la manifestation. H. Bouslama, de la Fédération régionale de l’hôtellerie et principal organisateur de l’événement, a beau insister sur la nécessité de dépolitiser le secteur touristique, il aurait mieux fait, pour sa crédibilité, de joindre l’acte à la parole.
A tous ceux qui, comme nous, se sont déplacés, animés par le seul souci de l’intérêt général et qui se sont sentis floués, je leur dis qu’ils n’ont pas à rougir de leur acte. Ils se sont conduits en vrais patriotes, dignes et responsables. Ils ont mis de côté tout calcul partisan ou électoraliste et se sont mis au service de Hammamet. Ils ont tendu la main aux acteurs locaux du tourisme qui leur demandaient soutien et compréhension. Ils ne s’attendaient pas ou ne voulaient pas croire à une manipulation grotesque de la part des Rcdistes en quête d’un nouveau souffle, d’une nouvelle virginité.
Hammamet pleure encore ses martyrs. Le sang de Zouheir Souissi n’a pas encore séché et les familles portent encore le deuil. Que les «ex-loups» du Rcd retournent dans leur tanière, il est encore trop tôt pour la quitter. Et qu’ils se gardent de tout triomphalisme car nous ne sommes pas dupes. Jamais la société civile de Hammamet ne permettra au Rcd de renaître de ses cendres. Sa mort est réelle, constante et irréversible. Nous en faisons le serment. L’heure de la réconciliation n’a pas encore sonné et encore moins celle du pardon.
Et à M. Jegham, nous voudrions dire que les «Hammamias» sont gentils, accueillants et modestes, mais attention au fond de chacun d’eux sommeillent une fierté et un orgueil incommensurables. Et sachez qu’ils détestent par-dessus tout la ruse et la tromperie.