«Dès que la Tunisie nous apporte les preuves que les biens de Ben Ali sont d’origine criminelle, les 60 millions de francs suisses, déjà bloqués, seront restitués aux Tunisiens».


C’est ce qu’a promis Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération Helvétique, lors d’un point de presse, lundi à l’hôtel Mövenpick de Gammarth (banlieue nord de Tunis).
Au terme de son court séjour tunisien, et une petite heure avant de rentrer en Suisse, Mme Calmy-Rey, qui a présidé, le 1er et le 2 mai, la Conférence annuelle des ambassadeurs suisses au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, a annoncé, à un parterre de journalistes suisses et tunisiens, un panier de promesses. «Nous avons souhaité tenir cette conférence à Tunis pour montrer notre amitié et notre admiration au peuple tunisien, pour ce qu’il a, courageusement, accompli», a-t-elle dit.

La démocratie ça s’entretient
Mme Calmy-Rey a rappelé que, depuis la tenue en novembre 2005 à Tunis du Sommet mondial de la société de l’information (Smsi), les relations entre les deux pays se sont beaucoup détériorées. «Samuel Schmid, président de Confédération a fermement critiqué le président Ben Ali pour le non respect, par son gouvernement, de la liberté de l’expression. Il a été interrompu en pleine salle plénière», a-t-elle rappelé. Et d’ajouter qu’après la révolution et la chute de Ben Ali, les Tunisiens, qui sont sur la voie de la démocratie, ont besoin d’aide. «La Tunisie est à la recherche de la démocratie. Elle est la première à faire une révolution contre la dictature et le moteur des soulèvements actuels dans la région. C’est une chance pour la Suisse et pour l’Europe que de consolider les liens avec l’Afrique du Nord et entre l’islam et la religion chrétienne. Nous avons décidé d’être à vos côtés et notre partenariat va se développer», a-t-elle déclaré. En admettant que la démocratie n’est pas facile et qu’elle doit être entretenue tous les jours.

A quand la restitution des avoirs gelés en Suisse?
Bien sûr, la première aide suisse à la Tunisie serait la restitution rapide des biens de Ben Ali bloqués en Suisse. A ce sujet, Mme Calmy-Rey a dit que trois jours seulement après la fuite de Ben Ali, la Suisse a tout de suite gelé les fonds. Et que le 21 janvier, la Tunisie a formulé une demande d’entraide judiciaire. «Nous allons coopérer ensemble d’une manière structurelle en matière de justice contre la corruption», a-t-elle insisté. Avant de préciser que les 60 millions de francs suisses (90 millions de dinars tunisiens) sont bloqués. Ils sont donc à l’abri. Reste que la Suisse est un Etat de droit, qui va attendre que la justice tunisienne fasse son travail. «Il faut que les Tunisiens nous apportent les preuves que cet argent est d’origine criminelle pour que les restitutions puissent être ordonnées», a-t-elle insisté.


Calmy-Rey lors de la conférence de presse à Tunis, avec l'ambassadeur suisse en Tunisie.

Combien cela va-t-il durer? Réponse de la présidente de Confédération helvétique: «Nous espérons que ce sera dans des délais extrêmement brefs». Et de préciser qu’à titre d’exemple, il a fallu 4 ans pour restituer au Nigeria les 680 millions de francs suisses (qui ne sont qu’une tranche de la totalité) des avoirs de l’ex-président le général Sani Abacha, et que, relativement, les avoirs de Ben Ali ne sont pas très importants en Suisse.
Car, selon elle, les relations entre Ben Ali et la Suisse n’étant pas très solides, ce dernier préférait les placer ses avoirs ailleurs. Comparativement, «les avoirs de Moubarak sont estimés à 410 millions de francs suisses et ceux de Kadhafi s’élèvent à 360 millions de francs suisses», a-t-elle souligné en passant.

Une phrase sur les immigrés, une autre sur Ben Laden  
Interrogée à propos de l’aide de la Suisse aux élections tunisiennes, Mme Calmy-Rey, qui se réjouit de la parité hommes-femmes lors de ces élections, a répondu que la Suisse sera présente le 24 juillet à travers des experts et des observateurs. Outre la société Nestlé, qui fait travailler près de 14.000 personnes, l’hôte de Tunis a dit qu’il y aura un appui pour que les investisseurs se multiplient en Tunisie.
La présidente de la Confédération Helvétique a souhaité voir plus de touristes affluer en Tunisie. «En moyenne, ils sont près de 100.000 Suisses à se rendre en Tunisie chaque année. Je souhaite que ce nombre augmente».   
A propos de la politique suisse en matière d’immigration, Mme Calmy-Rey a déclaré que son pays appartient à l’espace Schengen et se doit de respecter les décisions européennes à ce sujet. Selon elle, les immigrés tunisiens qui ont afflué depuis janvier en Europe, «ne sont pas des réfugiés. C’est pour cette raison que nous sommes tenus de les aider dans leur pays. La meilleure façon c’est de les aider sur place». Elle a rappelé que son pays est présent via des aides humanitaires aux frontières tuniso-libyennes et égypto-libyennes.
Interrogée aussi sur la mort de Ben Laden, l’hôte a dit qu’elle a toujours condamné le terrorisme brutal. «Al-Qaida de Ben Laden a fait des milliers de victimes. La tête du mouvement est coupée, mais ceci ne veut pas dire que les réseaux de Al-Qaida sont démantelés», a-t-elle prévenu tout en appelant à la vigilance!

Zohra Abid