Toujours fidèle à sa ligne euro-méditerranéenne, le Maroc était en embuscade pour soutenir un marocain pour le secrétariat général de l’Union pour la Méditerranée (UpM), dont avait démissionné l’ancien titulaire jordanien.
Le ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, Taieb Fassi-Fihri a, en effet, annoncé, dimanche 15 mai au Caire, que le Maroc a présenté officiellement la candidature de Youssef Amrani pour le poste de secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UpM).
«Le Maroc a présenté cette candidature lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des pays arabes méditerranéens, tenue dimanche en marge de la réunion extraordinaire du conseil ministériel de la Ligue arabe», a précisé le ministre marocain, cité par nos confrères du journal en ligne ''Le Jmed''. Il a souligné qu’il existe une unanimité arabe pour soutenir la candidature marocaine et pour présenter à la partie européenne un seul candidat arabe, soulignant la détermination constante du Maroc et son souci à œuvrer pour donner un contenu à l’UpM et lui permettre de jouer un rôle influent dans le cadre d’une coopération sérieuse.
Cette candidature étant soutenue à l’unanimité par l’ensemble des pays arabes méditerranéens, il est fort probable que Youssef Amrani – actuellement secrétaire général du ministère marocain des Affaires étrangères et de la Coopération – devienne le futur secrétaire général de l’UpM, et cela d’autant plus que depuis quelques semaines, on affirmait dans les milieux parisiens concernés par l’UpM que «le Maroc tenait la corde» pour cette nomination, ajoute ''Le Jmed''.
Kapitalis avait déjà publié l’information relative à la vacance de l’UpM, le 12 avril dernier, en soulignant que la Tunisie semblait favorite pour cette fonction.
Le Maroc a «brûlé la politesse» à la Tunisie en sollicitant, du Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères de la Ligue des États arabes, le soutien à un candidat marocain?
Le dépit de Ghazi Mabrouk
Ghazi Mabrouk, qui avait appelé à la préemption par la Tunisie de ce poste, contacté téléphoniquement à Paris a déclaré à Kapitalis:
«Je ne comprends pas le gouvernement provisoire tunisien. La voie était balisée et ce gouvernement n’avait pas daigné bouger pour saisir cettepossibilité. J’avais usé de mon positionnement et de mes introductions en France et à Bruxelles pour obtenir leur soutien en faveur de la Tunisie. J’avais été reçu, dès le 8 avril, à l’Elysée par une haute personnalité française en charge de l’UpM, qui m’avait confirmé l’attachement à une prise en charge de la direction de l’UpM par la Tunisie. J’avais alerté à l’avance les autorités tunisiennes intérimaires, au plus haut niveau, quant à l’opportunité pour la Tunisie de préempter ce positionnement à la tête de l’UpM. Pour ce faire, j’avais écrit, à ce sujet, au président de la république par intérim dès le 28 janvier, puis le 5 février: sans réponse. J’avais écrit au ministre des Affaires étrangère à la même date: sans réponse. J’avais également écrit au Premier ministre par intérim, sur le même sujet, le 8 mars: sans réponse. Je m’étais rendu au Premier ministère mi-avril où j’avais rencontré une personnalité proche du Premier ministre par intérim, en charge de la communication, auprès de qui j’avais insisté sur l’utilité pour la Tunisie d’appuyer une candidature tunisienne au secrétariat général de l’UpM, afin que celle-ci constitue de facto un relais futur de la Tunisie en direction des réseaux et centres de décision européens: pas de réponse non plus. J’avais relancé le cabinet du Premier ministre par intérim le 17 avril dernier afin qu’une réunion d’information puisse être organisée au ministère des Affaires étrangères à Tunis: sans réponse !
Le Maroc pourra tranquillement continuer à marquer des points dans cette zone géostratégique. C’est un retournement des choses. Il est bien loin le rayonnement de la Tunisie et le temps où, sous Bourguiba, elle était à la tête de la plupart des instances internationales: La présidence de l’Assemblée générale des Nations Unies, le secrétariat général de la Ligue des Etats arabes, le secrétariat général de l’Organisation de la conférence islamique (Oci), la présidence de la Banque arabe pour le développement de l’Afrique (Badea), et autres…
Dès lors, il paraitrait évident que le gouvernement provisoire tunisien serait plus préoccupé par la politique politicienne, le ‘‘sauvetage du système’’, la protection de certains intérêts, le bras de fer feutré entre les clans et les groupes d’influence, dont d’aucuns ont déjà dénoncé l’existence.
Le positionnement de la Tunisie à la tête de l’UpM s’avérerait bien loin de leurs préoccupations, préférant l’urgence des distributions de postes à des proches des uns et des autres, au sein des instances du pays, avant que cette période transitoire ne prenne fin, avec la nouvelle Constituante».
Mais que fait la diplomatie tunisienne
On comprend le dépit de Ghazi Mabrouk, que partageraient sans doute beaucoup de Tunisiens qui voient la diplomatie de leur pays perdre de son efficacité et de son rayonnement au point de passer à côté d’un poste international qui lui était pourtant promis. On sait, en effet, que le poste de secrétaire général de l’UpM avait été, dès les premiers balbutiements de cette institution régionale, en 2007, proposé à la Tunisie. A l’époque, le chef de la diplomatie tunisienne, Abdelwaheb Abdallah, avait tout fait pour capoter le projet. Et c’est le Jordanien Ahmad Massadeh, dont le pays n’est même pas riverain de la Méditerranée, qui avait alors été nommé coopté au poste. Avant de rendre le tablier en janvier dernier. Juste au moment où la révolution tunisienne bouleversait la géopolitique de la région. Nous avons pensé, un peu naïvement, que la révolution allait propulser la Tunisie sur la scène internationale. Nous constatons malheureusement que l’effet tarde à opérer. Mais que fait donc notre diplomatie? Mais que fait Mouldi Kéfi, le ministre des Affaires étrangères par intérim, un homme d’expérience? La Tunisie nouvelle n’est-elle pas intéressée par un redéploiement de sa diplomatie après une longue traversée du désert, imposée par la dictature?
Imed Bahri
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