Les ex-Rcdistes, qui ont longtemps régné en maîtres absolus dans la cité balnéaire, ne sont pas prêts de lâcher le morceau. Pour défendre leurs intérêts, ils prennent d’assaut le conseil municipal de la cité. Par Dr Salem Sahli
A l’image de ce qui se passe dans le pays, la situation à Hammamet est confuse. Mais cette confusion n’est en aucun cas le fruit du hasard, elle est préméditée et sciemment planifiée. Et il ne faut pas être grand clerc pour deviner les parties qui entretiennent ce trouble. Des «pseudo-analystes» nous rabâchent à longueur d’émissions radiophoniques ou télévisées que des «forces occultes» sèment la terreur dans le pays. Des experts, journalistes et politiciens nous expliquent que des «gens de l’ombre» tirent les ficelles, se servent de bandits et de voyous pour créer le chaos dans nos villes et villages. Mais tous omettent de désigner clairement les coupables, et ce faisant, tentent de noyer le poisson pour escamoter l’ennemi véritable.
Tentatives de corruption, lettres anonymes, menaces au téléphone …
Disons-le franchement et sans détour: les fauteurs de troubles, les casseurs et malfaiteurs sont tous liés au défunt Rcd. Tous les recoupements, toutes les analyses et tous les scénarios mènent in fine aux nostalgiques du Rcd.
A Hammamet, les notables de ce parti ne lésinent pas sur les moyens pour empêcher coûte que coûte qu’un nouveau conseil municipal soit constitué. Les enjeux sont si grands et les intérêts tellement importants qu’ils n’accepteront jamais que leurs relais au sein de la commune soient balayés. Au fur et à mesure que l’échéance de la dissolution du conseil municipal approche, les ex-loups du Rcd reprennent du poil de la bête, multiplient les contacts et les réunions, élaborent des stratégies et composent avec quiconque accepterait de se rallier à leur cause quel que soit son appartenance politique ou son courant de pensée.
Ainsi les-a-t-on vu entamer des pourparlers avec une multitude de personnalités locales de divers horizons politiques. L’objectif clairement avoué est d’écarter de la liste des 24 personnes qui composent la nouvelle délégation spéciale censée piloter les affaires municipales jusqu’aux prochaines élections, les éléments jugés dangereux par les lobbies Rcdistes.
En effet, certains de nos colistiers furent l’objet de pressions de toutes sortes, de menaces plus ou moins déguisées et de tentatives de corruption. En tant que coordinateur de la liste, je reçus des lettres anonymes, des coups de téléphone m’invitant, d’abord gentiment puis avec insistance et enfin sur un ton menaçant, à quitter la scène ou à me débarrasser de deux personnes que je considère personnellement comme intègres voire incorruptibles.
Quand les Rcdistes utilisent la logique «dégagiste»
Les choses dégénérèrent lorsqu’un groupuscule d’une dizaine d’individus investit le 7 mai la salle où nous étions réunis, nous empêcha manu militari de parvenir à un consensus sur la composition de la liste, alors que nous étions très proches d’un accord. Fait bizarre: le groupe exigeait aussi le retrait immédiat des mêmes personnes réfutées par le Rcd. Refusant le diktat de la rue et la logique «dégagiste», je choisis de mettre fin à la réunion et de me retirer avec le groupe des indépendants que je représentais.
Nous demeurons sur cette position de principe car il ne peut en être autrement. Personne d’entre nous n’est disposé à vendre son âme au diable pour un siège municipal. D’ailleurs, notre liste dispose déjà de 7 sièges au conseil sortant, sièges arrachés de haute lutte lors des dernières élections municipales de mai 2010 où nous étions bien seuls à affronter l’ogre local.
Aussi, invitons-nous ceux qui aujourd’hui se sont regroupés en ligues, comités ou conseils pour «sauvegarder» la révolution, ainsi que ceux qui ont découvert sur le tard les vertus de l’action citoyenne, à faire montre d’un peu de modestie et surtout de plus de respect à l’égard de ceux qui, bien avant le 14 janvier, sur le terrain, et non à coups de leçons de morale, construisent la citoyenneté et tentent de mobiliser les «sans voix». De plus, il s’est clairement avéré que ces militants de fraîche date étaient manipulables à merci.
Loin de moi l’intention de dénigrer qui que ce soit, mais l’envie me prend de remettre à leur vraie place des «révolutionnaires» qui ont depuis belle lurette abdiqué et quitté le navire se complaisant dans leur statut confortable de lettrés donneurs de leçons.
La lutte continue, ce n’est que partie remise.
La liste indépendante de Hammamet n’a plus grand chose à prouver. Ses militants, acteurs passionnés de la démocratie de proximité sont depuis de nombreuses années à l’avant-garde de toutes les luttes qui s’y mènent. Les connaissances qu’ils ont acquises dans le domaine du développement local en général et de l’action municipale en particulier sont en fait le fruit d’une longue expérience entamée depuis le début des années 90, d’abord au sein de ces véritables foyers d’intelligence que sont les associations, et se poursuivant tout naturellement dans les conseils municipaux. Et c’est probablement à ce titre, et eu égard à cette légitimité, que la coordination du projet de constitution de la liste municipale leur a été confiée.
Nous avons fait de notre mieux sans esprit partisan si ce n’est l’intérêt de Hammamet. Nous avons entamé des pourparlers avec les différentes sensibilités structurées et actives sur la scène publique locale. Nous avons discuté avec les forces de gauche, les nationalistes, les syndicalistes, les militants de la mouvance islamique, les militants de droits de l’homme, des femmes, des jeunes et des représentants des zones de Bir Bouregba, Barraket Essahel et El Mrezga.
Tous ont été consultés sans aucune exclusive. L’objectif est d’être le plus consensuel possible, sachant qu’il est très difficile de contenter tout le monde. Mais le consensus auquel nous sommes parvenus n’était manifestement pas du goût des notables du Rcd. Aussi se sont-ils livrés à des basses manœuvres d’intimidation, de menace et de corruption pour obtenir le désistement de certains d’entre nous, ceux-là mêmes qui les ont farouchement combattus du temps de leur gloire.
Sont-ils, à ce point, naïfs pour croire que nous allons nous laisser faire? Nous persistons et signons: le Rcd est fini, sa mort est réelle, constante et irréversible. La rupture est consommée, nous en avons fait le serment.
Notre retrait de la liste municipale ne sonne pas notre défaite. La lutte continue, ce n’est que partie remise.