Hichem Meddeb, un colonel de la Brigade de l’ordre public (Bop), et un ancien de la maison depuis une vingtaine d’années, vient d’être nommé au ministère de l’Intérieur en remplacement de notre confrère Néji Zaïri, l’ex-chargé de communication qui a démissionné samedi dernier.
Le discours du nouveau promu est, pour ainsi dire, sans nuance. Nous en avons eu un aperçu, jeudi, lors de la rencontre périodique de la cellule de communication du Premier ministère.
Expliquant les événements de ces derniers jours à Sidi Bouzid et ceux de la veille à Hydra (gouvernorat de Kasserine), il n’y est pas allé par quatre chemins: «Deux cent personnes, dont beaucoup de saoulards, ont brûlé le poste de police, le poste de la garde nationale, un centre de développement régional et saccagé et pillé des ordinateurs de la municipalité à Hydra. Nous sommes intervenus jusqu’à très tard la nuit. Nous connaissons les auteurs de ces actes de violence et personne ne sera épargné. Ils seront tous jugés». Le ton est ferme, et sans concession. Tant mieux, si ça peut rassurer en ces temps troubles.
Il ne s’est (presque) rien passé à la Cité Ettadhamen!
Interrogé sur les dérapages sécuritaires dans le pays en général et la passivité des services de l’ordre enregistrée en plusieurs occasions, le représentant du ministère de l’Intérieur a formellement démenti l’existence même de ces défaillances. Il a démenti aussi les récents propos de Hamma Hammami sur le rôle des forces de l’ordre dans les agressions dont furent victimes les militants du Parti ouvrier communiste tunisien (Poct), dimanche dernier, à la Cité Ettadhamen, à l’ouest de Tunis. «Samedi, ce même parti a organisé à Béja un meeting. Et la sécurité était là. S’agissant du meeting de dimanche, M. Hammami n’a pas demandé une autorisation officielle. La sécurité ne peut pas intervenir sans avoir reçu un ordre en ce sens. Dimanche, il y a eu les habitants de cette cité qui ont manifesté pacifiquement contre la tenue du rassemblement et nous ne pouvions en aucun cas intervenir», a-t-il précisé.
C’est donc la parole des uns contre la parole de l’autre… Reste que la réponse de M. Meddeb nous semble très peu convaincante. Et pour cause: le fait que le meeting du Poct n’était pas autorisé ne justifie aucunement la non-intervention des forces de sécurité pour protéger ses membres. A quoi serviraient, sinon, ces forces si les citoyens, quels qu’ils soient, ne peuvent pas bénéficier, et à tout moment, de leur protection?
Qui a vu une barbe tomber lève le doigt!
Incrédules, les journalistes présents, y compris l’auteure de ces lignes, ont insisté pour en savoir plus. Ils ont rappelé qu’il y a eu plusieurs témoins oculaires des agressions enregistrées lors du meeting empêché des communistes à la cité Ettadhamen. Et pas seulement! Des journalistes ont même été malmenés. Les services de l’ordre ont arraché leur appareil photo et ont effacé les images et tout le contenu. Et ces fameux «barbus», qui sont-ils vraiment? Les gens veulent les connaître, les identifier, savoir leurs mobiles! Sont-ils des membres de mouvements salafistes? Pourquoi les barbes de certains d’entre eux ont-elles la fâcheuse manie de tomber à la première secousse (les images de ces gags tournent en boucle sur le web)? Le leader communiste en a lui-même parlé lors de son point de presse du lundi. Qu’en est-il au juste? La rue se pose mille et une questions à ce propos et ne croit plus aux discours officiels!
A cette question posée par Kapitalis, Hichem Meddeb a cru pouvoir démentir tout en bloc. «Avez-vous vu de vos propres yeux ces barbes tomber?» Et les unités d’intervention, pourquoi ne se sont-elles pas intervenues, ni au CinémAfricArt, ni à la cité Ettadhamen? Réponse du colonel des Brigades de l’ordre public: «Dans l’attente des ordres, il y a eu un décalage de temps, et les agents sur place n’ont pas le droit d’intervenir qu’après l’accord de leurs supérieurs. Dans le cas du CinémAfricArt, le responsable a été puni sévèrement».
Soit, mais là aussi, l’explication inquiète plus qu’elle ne rassure. L’agent de sécurité, qui voit devant lui des citoyens en train de se faire attaquer, doit-il laisser faire… en attendant d’avoir l’accord de ses supérieurs? Réponse de M. Meddeb: «Dorénavant, dans des cas similaires, nos unités interviendront»! Et d’enchaîner par une promesse: ««Il va y avoir de la sécurité»! Ouf, mais est- on vraiment soulagés?
Pour ceux qui ont encore un doute, la preuve a enfin été donnée: la communication du ministère de l’Intérieur, comme ses méthodes, sont en train de changer. Reste à savoir dans quel sens…
Lire aussi :
Tunisie. Hamma Hammami avertit : «La contre-révolution est en marche!»