Un État laïc ne signifie pas que ses citoyens sont athées et la laïcité signifie le respect de toutes les religions, a martelé Erdogan au cours de sa tournée en Egypte, Tunisie et Libye. Par Faïk Henablia*
Une information, pourtant capitale, semble avoir été passée sous silence par la plupart des médias, en tout cas par Al-Jazira, que l’on a connue beaucoup plus prompte à informer.
Lors d’une émission télévisée en Egypte, le Premier ministre turc Erdogan affirmait en gros qu’un État laïc ne signifie pas pour autant que ses citoyens sont athées et que la laïcité signifie le respect de toutes les religions et la garantie de la liberté de culte. Il ajoutait que 99% de la population turque est musulmane mais que chrétiens, juifs et d’autres minorités cohabitent et sont traités sur un même pied d’égalité par l’Etat. Cette égalité est d’ailleurs reconnue par l’islam et à travers l’histoire islamique, conclut-il en recommandant ce modèle aux Egyptiens.
Mystification de l’opinion
Les frères musulmans ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, qui ont tout de suite crié à l’ingérence.
Chez nous, l’un des arguments des opposants à la laïcité est que celle-ci aurait été à l’origine des dérives répressives d’un passé tout récent, alors que ces dérives étaient, en réalité, celles d’une dictature classique qui matait toute opposition digne de ce nom, islamiste ou pas. Que l’on sache, Hamma Hammami n’a jamais été réputé pour ses idées islamistes !
Il se trouve que nos frères musulmans à nous, c'est-à-dire Ennahdha, nous ont toujours affirmé que l’exemple turc constituait leur modèle de référence. Dans leur tentative de mystification de l’opinion, ils évitent cependant de s’attarder sur le caractère laïc de la constitution de ce pays. Et il y a de quoi comprendre leur embarras. Pourquoi ?
Tout simplement parce qu’ils savent bien que c’est la constitution laïque turque qui empêche l’Akp de transformer ce pays en théocratie fondamentaliste et constitue de ce fait un rempart infranchissable contre toute dérive, religieuse ou autre d’ailleurs.
Poignée de main Erdogan-Caïd Essebsi.
Tentative de faire diversion
Or Ennahdha tient absolument à éviter de faire éventuellement face au même problème ici, car ce mouvement rêve d’une constitution basée sur la charia, et pour ce faire, a intérêt à détourner l’attention des Tunisiens, qui veulent bien se laisser tenter par l’argument «turc», de la nature laïque de la constitution de ce pays.
Tout comme il est de l’intérêt de ce mouvement de faire oublier le véritable enjeu de la prochaine élection et c’est peut-être ce qui explique ce tapage publicitaire fait autour de son programme.
Alors qu’il s’agit d’élire une assemblée constituante, chargée de rédiger la constitution qui nous gouvernera pour les années, voire les siècles à venir, voilà que ce parti, faisant comme s’il s’agissait d’une élection présidentielle ou parlementaire banale, nous présente un programme de gouvernement, fort démagogique par ailleurs.
Il faudra en effet nous expliquer comment s’y prendre pour financer 600.000 emplois tout en travaillant moins, et sans doute sans perte de salaire, avec la séance unique. Mais pendant que partisans et adversaires de ce programme seront occupés à se combattre à coup d’arguments et contre-arguments, ou que certains s’extasieront devant le fait que telle était ou non voilée, ils se détourneront de la question essentielle de la constitution, seul enjeu de l’élection.
Le modèle turc sans la constitution laïque?
Or c’est là-dessus que doit porter la réflexion, à savoir, veut-on une constitution laïque à la turque qui sépare Etat et religion ? Veut-on une constitution islamique à l’iranienne ? Veut-on une république ? Veut-on une monarchie ?
Détourner l’attention de cette question évite d’avoir à s’expliquer sur cette contradiction consistant à se réclamer du modèle turc tout en rejetant la constitution laïque.
Et pourtant, une constitution laïque à la Turque nous protègerait de toute dérive fondamentaliste ou dictatoriale, et serait paradoxalement dans l’intérêt d’Ennahdha, car tout parti, y compris celui-ci, aurait alors vocation à gouverner, pourvu qu’il le fasse dans son cadre et en s’y conformant.
* Gérant de portefeuille associé.
Tunisie. Le grand camouflet d’Erdogan à Ennahdha
Un État laïc ne signifie pas que ses citoyens sont athées et la laïcité signifie le respect de toutes les religions, a martelé Erdogan au cours de sa tournée en Egypte, Tunisie et Libye. Par Faïk Henablia*
Une information, pourtant capitale, semble avoir été passée sous silence par la plupart des médias, en tout cas par Al-Jazira, que l’on a connue beaucoup plus prompte à informer.
Lors d’une émission télévisée en Egypte, le Premier ministre turc Erdogan affirmait en gros qu’un État laïc ne signifie pas pour autant que ses citoyens sont athées et que la laïcité signifie le respect de toutes les religions et la garantie de la liberté de culte. Il ajoutait que 99% de la population turque est musulmane mais que chrétiens, juifs et d’autres minorités cohabitent et sont traités sur un même pied d’égalité par l’Etat. Cette égalité est d’ailleurs reconnue par l’islam et à travers l’histoire islamique, conclut-il en recommandant ce modèle aux Egyptiens.
Mystification de l’opinion
Les frères musulmans ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, qui ont tout de suite crié à l’ingérence.
Chez nous, l’un des arguments des opposants à la laïcité est que celle-ci aurait été à l’origine des dérives répressives d’un passé tout récent, alors que ces dérives étaient, en réalité, celles d’une dictature classique qui matait toute opposition digne de ce nom, islamiste ou pas. Que l’on sache, Hamma Hammami n’a jamais été réputé pour ses idées islamistes!
Il se trouve que nos frères musulmans à nous, c'est-à-dire Ennahdha, nous ont toujours affirmé que l’exemple turc constituait leur modèle de référence. Dans leur tentative de mystification de l’opinion, ils évitent cependant de s’attarder sur le caractère laïc de la constitution de ce pays. Et il y a de quoi comprendre leur embarras. Pourquoi ?
Tout simplement parce qu’ils savent bien que c’est la constitution laïque turque qui empêche l’Akp de transformer ce pays en théocratie fondamentaliste et constitue de ce fait un rempart infranchissable contre toute dérive, religieuse ou autre d’ailleurs.
Tentative de faire diversion.
Or Ennahdha tient absolument à éviter de faire éventuellement face au même problème ici, car ce mouvement rêve d’une constitution basée sur la charia, et pour ce faire, a intérêt à détourner l’attention des Tunisiens, qui veulent bien se laisser tenter par l’argument «turc», de la nature laïque de la constitution de ce pays.
Tout comme il est de l’intérêt de ce mouvement de faire oublier le véritable enjeu de la prochaine élection et c’est peut-être ce qui explique ce tapage publicitaire fait autour de son programme.
Alors qu’il s’agit d’élire une assemblée constituante, chargée de rédiger la constitution qui nous gouvernera pour les années, voire les siècles à venir, voilà que ce parti, faisant comme s’il s’agissait d’une élection présidentielle ou parlementaire banale , nous présente un programme de gouvernement, fort démagogique par ailleurs.
Il faudra en effet nous expliquer comment s’y prendre pour financer 600.000 emplois tout en travaillant moins, et sans doute sans perte de salaire, avec la séance unique. Mais pendant que partisans et adversaires de ce programme seront occupés à se combattre à coup d’arguments et contre-arguments, ou que certains s’extasieront devant le fait que telle était ou non voilée, ils se détourneront de la question essentielle de la constitution, seul enjeu de l’élection.
Le modèle turc sans la constitution laïque?
Or c’est là-dessus que doit porter la réflexion, à savoir, veut-on une constitution laïque à la turque qui sépare Etat et religion ? Veut-on une constitution islamique à l’iranienne ? Veut-on une république ? Veut-on une monarchie ?
Détourner l’attention de cette question évite d’avoir à s’expliquer sur cette contradiction consistant à se réclamer du modèle turc tout en rejetant la constitution laïque.
Et pourtant, une constitution laïque à la Turque nous protègerait de toute dérive fondamentaliste ou dictatoriale, et serait paradoxalement dans l’intérêt d’Ennahdha, car tout parti, y compris celui-ci, aurait alors vocation à gouverner, pourvu qu’il le fasse dans son cadre et en s’y conformant.
* Gérant de portefeuille associé.