La veille des élections générales de l’assemblée constituante en Tunisie, le rapport entre religion et Etat demeure le thème principal qui fait diverger les opinions des partis politiques et des électeurs.
Par Mohamed Abdelhamid Abderrahmane*
C’est l’une des conclusions de ‘‘la Boussole électorale en Tunisie’’ présentée par Radio Nederland en collaboration avec des médias partenaires en Tunisie, dont Kapitalis.
Islamiste ou laïque
Les premiers résultats de la ‘‘Boussole électorale’’ montre une image contradictoire en apparence, ce qui signifie une complexité de la position concernant la question de la relation religion-Etat, une question délicate en Tunisie et dans le monde arabe.
Alors que 45% des Tunisiens préfèrent une constitution laïque pour leur pays, 40% préfèrent plutôt une constitution islamiste. Cette équation s’inverse quand il s’agirait d’une autre question en rapport étroit avec la religion. C’est celle des droits de la femme, puisque 55% des électeurs tunisiens refusent l’égalité entre l’homme et la femme en héritage, 40% l’acceptent au contraire.
Les chiffres montrent que la position sur les questions de la religion, de l’Etat et des droits de la femme n’est pas idéologique radicale, mais plutôt pragmatique et varie relativement selon des critères en rapport avec chaque question a part.
C’est ce qui apparaît en clair dans les positions des partis politiques vis-à-vis de ces mêmes questions. Le parti Ennahdha soutient l’idée de se baser rigoureusement sur la charia islamique dans le système constitutionnel et législatif tunisien, d’autres partis politiques, tels que le Congrès pour la République, Al-Moubadara et le Pôle démocratique moderniste (Pdm), s’opposent à la séparation totale entre la religion et l’Etat. En même temps, ces partis n’acceptent pas l’idée de l’islamisation de l’Etat.
Les partis démocrates socialistes, progressistes et communistes appellent à la séparation totale entre la religion et l’Etat, mais tous convergent sur la nécessité d’assurer la liberté du culte pour les Tunisiens et pour tout le monde comme principe général.
L’agriculture ou le tourisme, la campagne ou la ville
L’équipe des chercheurs de ‘‘la Boussole électorale’’ a découvert que la société tunisienne est clairement fragmentée concernant les questions économiques et les priorités dans le domaine du développement.
Nous avons posé une question aux partis politiques tunisiens : à quoi réserver les ressources économiques, au développement des villes touristiques côtières ou aux régions rurales agraires ? Le parti Ennahdha, le Parti ouvrier communiste tunisien (Poct), le Mouvement des démocrates socialistes (Mds), le Mouvement unioniste progressiste (Mup) se sont mis d’accord sur la nécessité de s’occuper davantage des régions rurales intérieures. Quant au Parti démocratique progressiste, le Parti de l’unité populaire (Pup) et Ettakattol, ils donnent la priorité au développement des villes côtières touristiques.
Droite/gauche… Progressiste/conservateur
Les problèmes économico-sociaux demeurent l’objet de divergence et de division entres les partis politiques, mais ils ne distinguent pas radicalement les partis de droite et de gauche, progressistes et conservateurs classiques, surtout quand on passe des questions générales aux questions plus spécifiques. Ainsi, on voit Ennahdha, présumé parti conservateur tout à fait à droite du prisme politique, prendre une position identique à celle des communistes de l’extrême-gauche quant au problème de la réforme économique, en appelant à d’amples financements gouvernementaux pour relancer l’économie nationale et dépasser la crise, au lieu de prendre des mesures d’austérité pour minimiser le déficit budgétaire selon les diagnostics de la droite classique.
Ce qui est frappant, selon les statistiques de ‘‘la Boussole électorale’’, c’est que les avis de la majorité des électeurs différent des positions de la majorité des partis, puisque la moitié des électeurs est contre une hausse des dépenses gouvernementales comme moyen de faire face à la crise économique, alors que 35% seulement l’approuvent.
D’autre part, 50% des électeurs sont contre les mesures répressives sur le droit à la grève, mais 40% sont en leur faveur.
Enfin, 50% des électeurs sont pour le renforcement des échanges de l’économie tunisienne avec l’Europe, mais 40% préfèrent plutôt des relations économiques plus profondes avec les pays arabes.
* Radio Nederland.