La communauté chrétienne de Tunis a célébré, samedi soir, à la Cathédrale Saint-Vincent-de-Paul, sa première messe de Noël en Tunisie… sous un gouvernement islamiste. Kapitalis était au rendez-vous…

Par Zohra Abid


Comme chaque année et à pareille période, les portes de la Cathédrale de Tunis se sont ouvertes du côté de la grande avenue de France et de celui de la rue d’Alger.


Monseigneur Maroun Lahham mène le rituel.

La communauté subsaharienne en force

Dès la tombée de la nuit, les chrétiens de Tunis (0,2% de la population tunisienne) se sont dépêchés pour fêter Noël et célébrer la traditionnelle messe de minuit, avec la crèche, l’arbre de Noël et la ferveur des fidèles. Sous la houlette de l’archevêque Mgr Maroun Lahham.

Cette année, les chrétiens d’origine subsaharienne (en majorité des fonctionnaires de la Banque africaine de développement ou des étudiants séjournant à Tunis), syrienne, libanaise et… des Tunisiens convertis au christianisme, des asiatiques et autres touristes de passage ont répondu présents.

Les diplomates de confession chrétienne accrédités à Tunis étaient, en revanche, très peu nombreux, en comparaison avec les années précédentes.

La cathédrale de Saint-Vincent-de-Paul (un style romano-byzantin) – en charge de douze lieux de culte disséminés à travers le pays et d'une vingtaine de congrégations de 131 religieuses et 46 prêtres – était discrètement gardée par des agents de sécurité, postés aux deux entrées. Les uns en uniforme, les autres en civil. Une voiture de police a été dès l’après-midi garée juste en face de la bâtisse. Sécurité oblige ! On ne sait jamais dans un pays où la parole s’est enfin libérée et où les gens manifestent désormais pour tout et pour rien. Et puis, avec ces salafistes et autres adeptes de Hizb Ettahrir, on n’est jamais vraiment à l’abri d’une surenchère !


Monseigneur Maroun Lahham conduit la messe de la nativité.

Silence, on prie !

A l’entrée du côté de la grande avenue, un sapin de taille moyenne, modestement garnie de guirlandes et timidement éclairé. A l’intérieur, des chandelles allumées, des gerbes de fleurs posées un peu partout, au pied des crèches, au pied des colonnes. L’encens enveloppe l’espace. Des Sœurs tout en bleu gris et des prêtres tout de blancs vêtus, veillent discrètement à l’organisation et au bon déroulement de la messe.

Au centre des prières : Dieu, Seigneur, Saint Père, Jésus, Marie et autres saints. Mais aussi des appels à la paix, à l’amour, à la tolérance à toute la famille humaine... Rien donc de particulier à signaler, le rituel s’est très bien passé. Les fidèles ont fait leurs prières et sont rentrés rassérénés.


La sécurité, très discrète, filtre les entrées.

Le 19 décembre 2011, Moncef Marzouki, président de la république a reçu les trois principaux chefs religieux du pays, notamment Mgr Maroun Elias Nimeh Lahham (d’origine jordanienne), archevêque de Tunis depuis 2010 (et évêque en 2005). L’entretien entre Mgr Lahham et le président des Tunisiens a porté sur la situation des églises chrétiennes dans le pays qui «vivent, selon Mgr Lahham, en paix et jouissent de la confiance et de l’amabilité du peuple tunisien et du pays béni, qui est la Tunisie».

Cela ne devrait pas changer. Car les dirigeants d’Ennahdha, le parti islamiste aujourd’hui au pouvoir, ont déjà exprimé leur attachement au respect de la liberté du culte.

Le président de la République, Moncef Marzouki a, de son côté, dans un entretien téléphonique, félicité, mardi 24 décembre, au nom de tous les Tunisiens, l’archevêque de Tunis. «La Tunisie demeurera une terre de cohabitation entre les différentes religions et cultures, garantissant les droits dont la liberté de confession», lui a-t-il. Amen!