«Les menaces de mort à l’encontre du beau-frère de Ben Ali sont une plaisanterie que les autorités canadiennes ont prises au sérieux», affirme celui dont les propos sont utilisés par Belhassen Trabelsi pour défendre son statut au Canada.

Entretien réalisé par, Sarra Guerchani, correspondante à Montréal.


«J’ai été menacé de mort», c’est l’argument que Belhassen Trabelsi et ses avocats canadiens présentent à chaque procès. Kapitalis a cherché à en savoir plus sur ces fameuses menaces et en a cherché l’auteur. Il a longtemps refusé de donner des entretiens aux médias, mais à quelques jours du procès du beau frère de Ben Ali, il accepte de parler, afin que cet argument de défense du fuyard perde toute crédibilité devant le tribunal.

Il s’appelle Maher Rajhi, il a 24 ans. Il est arrivé au Canada en tant qu’étudiant en 2009. Aujourd’hui, il lève le voile sur son accusation.

Kapitalis: Avez-vous réellement proféré des menaces à l’encontre Belhassen Trabelsi?

Maher Rajhi: Un ami m’a appelé la journée du 26 janvier 2011 pour m’informer qu’il y avait des manifestations devant l’hôtel Vaudreuil, là où Belhassen Trabelsi et sa famille résidaient à ce moment-là. Je n’étais pas motorisé. J’ai donc appelé une très bonne amie québécoise pour qu’elle me prête sa voiture. Puis elle m’a demandé pourquoi j’allais à Vaudreuil. À ce moment-là, je lui réponds avec ironie: «Je vais aller le tuer», puis on en a ri tous les deux. Je n’ai jamais menacé Belhassen Trabelsi.

Vous vous êtes, ensuite rendu à la manifestation devant l’hôtel Vaudreuil?

Pas du tout! Mon amie a refusé de me prêter sa voiture. Je n’ai donc jamais mis les pieds là-bas.

Ensuite que s’est-il passé?

Le lendemain matin à 11 heures, des agents de la sureté du Québec de la brigade antiterroriste débarquent chez moi pendant que je dormais. Sans me dire qui ils étaient vraiment. Ils  m’ont demandé de les suivre. Je leur ai demandé les motifs de mon arrestation. A ma grande surprise l’un d’eux me dit: «Vous avez proféré des menaces à l’encontre de Belhassen Trabelsi, hier, vous avez appelé une amie». J’ai voulu savoir où ils m’emmenaient. Ils m’ont juste répondu, suis-nous et tu verras où on va.

Comment ont-ils su?

Pendant mon arrestation, les agents de la sureté du Québec m’ont dit que tous les téléphones étaient sur écoute. C’était juste une stratégie de leur part pour me faire avouer que j’étais coupable. La veille de mon arrestation, la sureté du Québec (SQ) a piraté mon compte Facebook. Des agents ont chaté avec mes amis pour me retracer. Ils ont posé beaucoup de questions à mes amis en se faisant passer pour moi. Ils voulaient surtout savoir si j’avais une arme et me retracer. J’ai appris plus tard que c’était l’amie à qui j’avais demandé sa voiture qui m’a dénoncé. Elle avait peur que je le fasse vraiment; elle a donc appelé la police.

Maher Rajhi

Ensuite que s’est-il passé?

Les agents de la brigade antiterroriste ont commencé à me poser des questions. Or je ne devais pas y répondre sans la présence d’un avocat. Cependant, je n’avais vraiment rien à me reprocher. J’ai donc raconté aux agents ce que j’ai dit à mon ami au téléphone et que ça s’était arrêté là.

À un moment je me suis tourné vers un des agents et je lui ai dit innocemment: «En tant que Citoyen du monde, je n’ai pas le droit de dire du mal d’une personne? Belhassen Trabelsi est l’une des personnes les plus dangereuses en Tunisie». L’agent m’a, à ce moment, expliqué que j’avais le droit de penser ce que je voulais, sauf de proférer des menaces. Il m’a aussi indiqué que menacer une personne est plus grave que de la tuer, ici au Canada. Après quelques heures de garde à vue, la police m’a relâché, ils ont su que je n’étais pas allé à la manifestation de Vaudreuil.

Donc ça se termine plutôt bien

Ça n’est pas fini comme ça. En sortant de la SQ, je me suis aperçu qu’ils ne m’avaient pas rendu mon passeport tunisien. Je suis retourné à la brigade pour le demander. À ce moment-là, un agent a appelé l’immigration. Il leur a dit qu’il avait attrapé un immigrant sans papier et de venir me chercher. J’ai été emprisonné pendant quatre jours. L’immigration m’a ensuite demandé si je souhaitais rentrer en Tunisie ou demander l’asile. J’ai accepté la deuxième proposition. Ma famille ne voulait pas que je rentre en Tunisie. C’était pendant la révolution. Ils ont eu peur pour moi. L’immigration m’a cependant imposé quelques conditions pour rester sur le territoire canadien.

Quelles sont ces conditions?

Il y en a plusieurs, mais pour vous donner deux exemples, je n’ai pas le droit de contacter Belhassen Trabelsi et sa famille. Je ne dois pas m’approcher d’eux à moins de 500 mètres. Je suis aussi interdit de port d’arme, j’ai juste le droit aux couteaux, comme si j’en avais déjà eu (Rire)!

Avez-reçu des menaces ici au Canada?

Oui. J’ai été menacé par téléphone. Une fois, un homme m’a appelé. Il m’a dit qu’il était avocat tunisien au Canada et que je ne m’en sortirais pas aussi facilement. Il m’a dit que si je restais au Canada, Belhassen Trabelsi me réglerait mon compte, comme il pourrait aussi bien le faire si je rentrais en Tunisie. J’ai aussi eu par courriel et Facebook ce genre de menace me disant que, peu importe où je me trouvais, je ne serais pas à l’abri.

Où en est votre procès aujourd’hui?

J’ai eu six ou sept procès. A chaque fois c’est ajourné pour manque de preuve. Mon avocate a donc décidé de donner au tribunal un an de plus,  pour enquêter. Le prochain procès est prévu pour mars 2013.

Que pensez-vous du procès du 23 avril de Belhassen Trabelsi?

Je sais qu’il se sert de mon accusation pour défendre son statut ici au Canada. Cependant, si j’ai accepté cet entretien aujourd’hui, c’est pour que les médias, le tribunal et l’immigration se rendent compte, que ces accusations de menace ne sont pas fondées. Que c’était une plaisanterie.

 

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