Aucune des trois chaînes tunisiennes – ni Tunis7, ni Hannibal ni Nessma –, ne va diffuser les matchs de la Coupe du Monde de football 2010. Et pour cause: Al Jazeera Sport, qui truste les droits de diffusion de la compétition dans la région arabe, a mis la barre – commerciale – trop haut. Que faire face à cette nouvelle donne?
La chaîne qatarie est en train de bouleverser le paysage audiovisuel arabe. Désormais, le droit est synonyme d’argent. Peu de chaînes arabes, publiques ou privées, peuvent suivre cette surenchère commerciale qui menace de s’accentuer.
En mettant à chaque fois le paquet pour acquérir l’exclusivité des droits de retransmission des grandes compétitions sportives mondiales pour la région Moyen-Orient/Afrique du nord, Al Jazeera Sport pose, à l’évidence, un vrai problème aux autres chaînes de télévision de la région, souvent contraintes à subir ses diktats commerciaux parfois teintés d’arrière-pensées politiques.
La conséquence est cruelle: qu’elles soient publiques ou privées, généralistes ou sportives, les chaînes de télévision arabes vont avoir de plus en plus de difficulté à acquérir le droit de retransmettre en direct sur leur réseau hertzien les grandes compétitions sportives mondiales dans lesquelles leurs équipes nationales sont parfois impliquées.
Il fut un temps où ces questions étaient réglées au niveau de l’Arab States Broadcasting Union (Asbu, Union des radios-télévisions des Etats arabes), institution de la Ligue des Etats arabes dont le siège se trouve en Tunisie.
Depuis quelques années, l’entrée en scène, sonnante et trébuchante, des grandes chaînes satellitaires spécialisées dans le sport, comme Arte hier et Al Jazeera Sport aujourd’hui, a complètement changé la donne. Car, en mettant souvent le prix fort pour acquérir – sans coup férir – les droits de retransmission des grandes compétitions footballistiques internationales, Al Jazeera Sport a élevé le niveau de la concurrence à des niveaux jamais atteintes auparavant. Elle a, du coup, privé les autres chaînes de la région, notamment les chaînes publiques, de la possibilité de diffuser les matchs des équipes nationales, tant les tarifs qu’elle exige sont élevés et dépassent les capacités financières de ces chaînes.
L’Entv, la chaîne publique algérienne, par exemple, a dû débourser 22 millions de dollars pour avoir les droits de retransmission, sur le réseau hertzien local, de 22 matchs sur les 64 programmés à la Coupe du Monde de football qui se déroule, depuis vendredi, en Afrique du Sud. Les rencontres de la sélection algérienne font, bien sûr, partie de la liste établie de manière régalienne par la chaîne qatarie. Mais le prix reste très élevé, surtout qu’Al Jazeera Sport, faussant les règles de la concurrence, a décidé de diffuser un certain nombre de matchs en clair.
Au Maroc, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Khalid Naciri a été interrogé, le 1er juin, à la Chambre des conseillers, sur le développement des négociations de la Société nationale marocaine de radiodiffusion et de télévision (Snrt) avec Al Jazeera Sport pour la retransmission des matchs du Mondial. Sa réponse a été sans ambages: l’offre de la chaîne qatarie, qui était limitée à seulement 22 rencontres sur 64, portait sur une somme de 15 millions de dollars. Cette offre est «inacceptable», a dit M. Naciri. Et pour cause: «Cette chaîne nous propose les rencontres les moins séduisantes, tout en excluant les autres disputées par l’Argentine, le Brésil, la France, l’Algérie (.....), ce qui signifie un service modeste», a jugé le ministre. Excédé par les pratiques de la chaîne qatarie, le responsable marocain a ajouté qu’«aucune partie ne peut monopoliser le spectacle footballistique qui est la propriété de toutes les nations et n’est pas un bien des lobbies commerciaux». Il a aussi profité de l’occasion pour appeler à «une mobilisation de tous les pays lésés par la flambée des droits de diffusion des rencontres du Mondial pour régler un problème qui prive un large public de son droit de suivre cette grande fête footballistique».
On peut parier que cette question sera au menu de la prochaine session du Conseil des ministres arabes de l’information et de la communication, prévu, au plus tard, en janvier prochain. Sachant que la réunion extraordinaire du Comité permanent arabe de l’information, le 30 mai au Caire (Egypte), a fait la part belle au projet de création d’un Haut commissariat arabe chargé de l’audiovisuel. Le secrétariat général de la Ligue arabe a d’ailleurs été chargé de préparer une étude exhaustive sur ce projet avant sa présentation à la réunion extraordinaire du prochain Conseil. Les avis sur l’opportunité de créer ce Con Une affaire à suivre…
I.B
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