Notre confrère Mohamed Krichen intente un procès en justice à Abdelaziz Jeridi, le directeur du journal ‘‘Al Hadath’’. La presse de caniveau doit rendre des comptes de tous ses abus sous Ben Ali.


Le journaliste vedette d’Al Jazira a annoncé dans une conférence de presse, vendredi, au siège de l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication, qu’il a intenté un procès contre Abdelaziz Jeridi, directeur de deux feuilles de choux vénéneux, ‘‘Al-Hadath’’ et ‘‘Kol Ennas’’, qui s’étaient illustrées, tout au long du règne de l’ex-président Ben Ali, par leurs attaques diffamatoires contre les opposants au dictateur et même contre toute personnalité qui se permettait de critiquer les politiques du despote ou certaines de ses positions.

Un dangereux groupe terroriste appelé Al-Jazira
La liste des victimes de M. Jeridi est très longue. Elle compte pratiquement tous ceux qui ont eu maille à partir avec l’ancien régime: les opposants politiques, les militants des droits de l’homme, les journalistes indépendants... Bref, tout ce que la Tunisie compte d’hommes et de femmes libres et intègres.
Mohamed Krichen fait partie de ces irréductibles qui ont refusé de s’acoquiner avec le dictateur et son système clientéliste, au risque de se voir attaqué par ses journaleux, des plumes serviles et qui émargeaient sur ses services.
Le premier article diffamatoire de M. Jeridi à l’égard de Mohamed Krichen a été publié en 1989 par le journal ‘‘Les Annonces’’. Il a eu droit depuis à une dizaine d’autres articles tout aussi calomnieux, dans ‘‘Al Hadath’’ et ‘‘Kol Ennas’’, du même Jeridi. «Tout les ans ou tout les deux ans, j’avais droit à un article diffamatoire dans ces journaux, avec mon nom, ma photo et parfois une caricature me présentant dans diverses postures. Je suis attaqué en tant que journaliste d’Al-Jazira et je suis souvent décrit comme l’un des dirigeants d’un dangereux groupe terroriste appelé Al-Jazira et, à ce titre, attaqué par des missiles journalistiques», ironise Mohamed Krichen.
Pourquoi a-t-il attendu si longtemps avant de se déterminer enfin à déposer une plainte contre son diffamateur? Réponse du plaignant, qui était entouré de ses deux avocats, Me Mokhtar Trifi et Me Chawki Tabib: «Avant le 14-Janvier, les plaintes contre les éditeurs des journaux spécialisés dans la diffamation des adversaires de Ben Ali n’étaient même pas retenues par les tribunaux. Car ces éditeurs émargeaient sur les services de l’ex-dictateur et bénéficiaient d’une sorte d’immunité. Ils étaient protégés par le régime et les juges n’osaient même pas retenir les plaintes qui étaient déposées contre eux», explique Mohamed Krichen.

Qui protégeaient les diffamateurs?
Abdelaziz Jeridi, qui n’a pas vu venir la révolution tunisienne, a commis, le 27 décembre 2010, un article diffamant Mohamed Krichen. Un de trop. L’article, intitulé «Deux faces d’une même monnaie», s’attaquait en des termes pour le moins insultants, à Mohalmed Krichen et Moncef Marzouki, le dirigeant du Congrès pour la république (Cpr), connu pour son opposition virulente à Ben Ali.
L’attaque était lancée au lendemain de la diffusion par Al-Jazira d’une interview de Marzouki réalisée par Krichen. Trop c’est trop. La chute de Ben Ali ayant enfin privé Jeridi et consorts de la protection et de l’impunité dont ils jouissaient depuis vingt ans, le journaliste d’Al-Jazira s’est alors décidé à attaquer son diffamateur attitré en justice.
«A travers ce procès, je ne cherche pas à jouer les héros, à faire briller mon image ou à gagner de l’argent. Je voudrai un procès pour l’exemple, pour qu’à l’avenir ces pratiques cessent», a expliqué Mohamed Krichen. Il a ajouté : «Je voudrai aussi que la justice fasse enfin la lumière sur les dessous de ces pratiques et qu’elle démasque les personnes qui protègent les diffamateurs, qui leur donne des instructions en ce sens ou qui leur écrivent des articles diffamants qu’ils publient en leur nom.

Les «brigades d’intervention médiatique»
«M. Jéridi a avoué récemment dans un entretien à une télévision privé [Attounisiya TV de Samy Fehri, Ndlr] qu’il se contentait de publier des articles qui lui parvenaient. On voudrait savoir qui les lui envoyait: l’Agence tunisienne de communication extérieure (Atce), les services du ministère de l’Intérieur ou un conseiller spécial de l’ex-président», a lancé Mohamed Krichen.
Le procès sera également une occasion pour rappeler aux «brigades d’intervention médiatique», selon l’expression du journaliste d’Al-Jazira, ou aux «milices de l’information», pour emprunter celle d’un autre collègue, Fahelm Boukaddous, que leurs méfaits commis sous Ben Ali ne seront pas oubliés et qu’ils devront aussi en rendre comptes devant une justice devenue indépendante. Enfin, on l’espère…

Imed Bahri