Alléguant la découverte d’une bactérie résistante aux antibiotiques ramenée par des patients britanniques ayant subi une chirurgie esthétique en Inde ou au Pakistan, les milieux médicaux et médiatiques occidentaux pointent du doigt le «tourisme médical». Un catastrophisme déplacé et, surtout, injustifié.
Tout est parti d’une étude publiée cette semaine par la revue médicale britannique ‘‘The Lancet Infectious Diseases’’. L’étude signale la découverte de bactéries de souche ‘‘New Delhi metallo bêta lactamase’’ (‘‘NMD-1’’), ultra-résistantes aux antibiotiques, sur 37 patients anglais, dont certains ont subi une chirurgie esthétique en Inde ou au Pakistan.
Le prosélytisme anti-soins à l’étranger
S’emparant de la nouvelle, les milieux médicaux et médiatiques occidentaux se sont mis à sonner l’alarme, pointant du doigt le «tourisme médical». Ce glissement aussi facile que dangereux risque de créer une panique injustifiée chez les patients s’apprêtant à subir des soins à l’étranger, notamment en Tunisie, un des pays du tourisme médical au sud de la Méditerranée.
La palme du catastrophisme revient au site canadien Cyberpresse qui n’y va pas par quatre chemins. Dans un article intitulé ‘‘Le risque du tourisme médical’’, Cyberpresse affirme que «le gène NDM-1 qui rend les bactéries résistantes aux antibiotiques est un problème très inquiétant», avant de s’en prendre au tourisme médical qui serait, selon ses termes, «en train d’aggraver le problème en facilitant sa dissémination partout dans le monde.» Ajoutant une autre couche, Cyberpresse tombe carrément dans le prosélytisme anti-soins à l’étranger: «Les gens croient faire une bonne affaire en allant se faire opérer dans un pays où les opérations sont moins chères, mais ils se retrouvent dans des hôpitaux où les règles d’hygiène sont parfois déficientes et où ils ne bénéficieront d’aucun suivi postopératoire».
Non content d’avancer des affirmations péremptoires, qui méritent au moins d’être étayées par des preuves, Cyberpresse enfonce encore le clou: «Pratiquer le tourisme médical pour être opéré au rabais et pour des raisons purement esthétiques, c’est jouer avec sa santé et avec celle de ses concitoyens. Une chirurgie est un acte médical sérieux, ce n’est pas comme d’aller chez le coiffeur. Ne risquons pas une pandémie mondiale juste pour améliorer notre apparence!»
La Tunisie n’est pas touchée
Ce catastrophisme de mauvais aloi est non seulement déplacé, mais il ne résiste nullement à la vérification scientifique. En effet, les médecins sont unanimes: la souche de bactéries ‘‘NMD-1’’ ne présente pas de risques endémiques. Elle est, en tout cas, sous-contrôle. La preuve: interrogé par ‘‘Le Monde’’, Patrice Nordmann, chef du service de bactériologie-virologie-parasitologie de l’hôpital Bicêtre, indique que la France n’est pas exposée au dangers évoqués par ‘‘The Lancet’’. «Pour la chirurgie esthétique, les patients vivant en Grande-Bretagne vont se faire opérer en Inde ou au Pakistan en raison d’un coût et de délais d’attente moindres que chez eux. Les Français vont beaucoup plus volontiers au Maroc ou en Tunisie, qui ne semblent pas touchés pour l’instant», explique le directeur de l’unité Inserm ‘‘Résistances émergentes aux antibiotiques’’. Se voulant rassurant, le praticien ajoute que, pour l’heure, un seul cas a été isolé en France par le laboratoire Inserm. Le patient ne présente pas d’infection, mais une colonie bactérienne observée au niveau d’une plaie de la peau. Mieux: la souche «reste sensible à plusieurs antibiotiques», affirme-t-il.
Il n’y a donc pas de quoi crier à la catastrophe. Rien ne justifie non plus que l’on jette le bébé du tourisme médical avec l’eau du bain de la souche bactérienne ‘‘NMD-1’’.
Imed Bahri
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