Tous ceux à qui voudraient éviter à la Méditerranée le risque d’une catastrophe majeure comme celle survenue fin avril au golfe du Mexique ont accueilli avec soulagement la décision de BP de reporter de quelques mois le début des forages au large de la Libye.


Ces forages dans le Golfe de Syrte sont d’une profondeur d’environ 1.700 mètres, légèrement supérieure à celle du puits de Deepwater Horizon, la plateforme exploitée par BP dont l’explosion a déclenché, le 20 avril, la pire marée noire de l’histoire des Etats-Unis.
Après avoir annoncé, fin juillet, son intention de les démarrer «dans quelques semaines», en vertu d'un accord conclu avec la Libye en 2007, le groupe pétrolier britannique a indiqué, mercredi 11 août, qu’il allait le faire «au deuxième semestre», tout en assurant qu’il tirerait les leçons de la marée noire du golfe du Mexique, afin d’éviter la répétition d’une telle catastrophe.

Les Italiens sortent de leurs réserves

En fait, BP a préféré temporiser face aux inquiétudes soulevées par ses projets de forage en pleine mer Méditerranée, notamment dans les pays riverains.
Le 23 juillet, le sénateur de centre-droit italien Antonio D’Ali a réclamé «la mise au banc des décisions unilatérales basées sur les intérêts nationaux.» Selon le président de la commission des affaires sur l’environnement au Sénat italien, le problème n’est pas BP ou la Libye. «En mer, les frontières n’existent pas, un éventuel accident pourrait avoir des répercussions irréversibles sur l’écosystème de toute la Méditerranée déjà fortement contaminée par le pétrole», a-t-il dénoncé.
Le 26 juillet, le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini déclarait à Bruxelles au cours d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion avec ses homologues de l’Union européenne: «Tout le monde est attentif à ce que fait BP depuis l’exemple préoccupant du golfe du Mexique». «Si un incident comme celui du golfe du Mexique venait à se produire dans la Méditerranée, ce serait une catastrophe irréparable, car la Méditerranée est comme un lac», a-t-il insisté. Avant d’ajouter : «Mais nous n’avons aucun titre pour demander des informations à BP sur ce forage. C’est une initiative qui revient à l’Union pour la Méditerranée».

La Grèce, l’Italie et la Tunisie concernés

Il convient de préciser ici que la zone de forage se situe au large de la Libye, mais pas très loin des côtes de la Grèce, de la Sicile ou encore de la Tunisie. La Méditerranée, déjà pourrie par les raffineries, les égouts, les dégazages en mer, et qui accueille 30% du tourisme mondial, risque de ne pas réchapper à une catastrophe du genre golfe du Mexique.
D’après l’enquête Financial Times/Harris Poll effectuée en Allemagne, Espagne, Etats-Unis, France, Italie et Royaume-Uni, et rendue publique le 12 août, l’inquiétude monte à l’égard de la dépendance envers le pétrole et de la pollution aquatique depuis l’explosion de la plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique.
Les Français s’avèrent les plus chauds partisans d’une réglementation renforcée des compagnies pétrolières, avec 91% des sondés de cet avis. Aux Etats-Unis, le pourcentage tombe à 77% et au Royaume-Uni à 73%.
La relative réticence des Britanniques s’explique, selon les auteurs du sondage, par un sentiment patriotique envers BP, l’exploitant de la plateforme à l’origine de la marée noire, la plus grave dans l’histoire de la planète. Seuls 48% des Britanniques se disent ainsi plus inquiets de la pollution aquatique depuis la marée noire, soit nettement moins que les habitants des cinq autres pays.
‘‘La Méditerranée, la mer  la plus menacée du monde’’
C’est le titre d’un article où le journal français ‘‘Le Figaro’’  souligne que «l’impact des activités humaines dans cette zone géographique close et densément peuplée, et la destruction du milieu naturel associée, est certainement la première et la plus préoccupante menace qui pèse sur la Méditerranée.»
Le journal, qui cite un rapport d’étape du projet de recensement des espèces vivantes et marines dans le monde lancé en 2000, sonne l’alarme: «Les mammifères marins en sont les premières victimes. Le nombre de cachalots et de dauphins a grandement diminué, et le phoque moine a lui presque disparu de cette région.»
On imagine les dégâts qu’une grande marée noire pourrait provoquer dans cet écosystème déjà si fragile.

Imed B.

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