La Tunisie doit-elle se résigner à être un pays à ressources naturelles limitées? En fait, notre pays a encore beaucoup de zones non explorées et des objectifs pétroliers conventionnels non encore atteints!
Par Wided Ben Driss*
Tout le monde du domaine pétrolier a apprécier le retour de la compagnie Shell en Tunisie en 2010 avec l’octroi des deux permis de prospection offshore Azmour et Rafraf ainsi que l’intégration peu après de la compagnie Repsol. Ces deux grandes compagnies rejoignaient d’autres (BG, Eni, Svi, Omv, PA Resources) qui opèrent déjà dans notre pays.
Faire de nouvelles découvertes
La période de prospection des permis offshore a pris fin en juillet 2012 et nous attendions impatiemment que Shell commence la phase exploration et fore des puits qui mettront en évidence des nouvelles découvertes de pétrole et/ou de gaz. Des groupes comme Shell et Repsol sont sensé avoir les capacités techniques et financières nécessaires pour opérer dans les mers profondes. En fait un puits d’exploration avec test coûtera pas moins de 70 milliards de dollars (MM$) dans les permis Azmour, Rafraf et Nadhour.
Il est évident que la décision d’investir et de forer un puits dans ces permis prend beaucoup de temps car elle doit être justifiée techniquement par des données de subsurface sismique et par un modèle géologique solide.
Les dernières informations indiquent que Shell va acquérir aussi un permis de prospection dans la Tunisie Centrale (voir carte du domaine minier). Ceci est positif dans la mesure que c’est dans l’intérêt de la Tunisie d’activer l’exploration étant le seul moyen de faire de nouvelles découvertes.
Il est à signaler que pendant une phase de prospection qui dure deux à trois années l’opérateur élabore des études géologiques et géophysiques et décidera à leur lumière de convertir le permis de prospection en permis d’exploration ce qui l’engagera à forer des puits d’exploration et ultérieurement des puits d’appréciation et de dévelopement en accord avec la loi d’hydrocarbure en vigueur.
Par ailleurs, l’annonce d’une campagne de forage de quatre puits d’un montant de 150MM$ en 2013 nous laisse confus d’autant plus que par expérience un puits onshore ne dépasse pas les 12MM$, et même avec des drains sous une sismique 3D, le budget semble gonflé.
Des points à éclaircir
En plus les informations sur l’intention de Shell d’expérimenter en Tunisie l’exploitation des gaz de schiste (Shell a déjà organisé une conférence à Tunis à ce sujet) laissent perplexes et poussent à soulever les points suivants, en espérant que les autorités discuteront avec des experts avant d’entamer de tels projets:
1. L’exploitation des gaz de schiste (hydrocarbures non conventionnel) est une technique qui date d’un siècle. Des pays comme les Etats-Unis y ont investi pour répondre à leur besoin énorme en hydrocarbures. C’est une technique très chère et les opérateurs dans ces pays ont eu des grands avantages fiscaux et des subventions de l’Etat pour rendre leurs projets économiques. Est-ce que la Tunisie est dans une telle situation? Serait-il plus judicieux d’investir dans la recherche des hydrocarbures conventionnels là où il reste beaucoup à faire.
A titre d’exemple nos mers profondes sont encore non explorées et plusieurs découvertes offshore ne sont pas encore développées (Zarat dans le golfe de Gabes, Cosmos, Yasmin et Zelfa dans celui de Hammamet).
2. L’exploitation des gaz de schiste commence à être envisagée par les opérateurs du sud tunisien. A la limite c’est une zone désertique non habitée et où les réserves d’eau peuvent être puisées dans la nappe du Continental intercalaire et là où les répercussions sur l’environnement peuvent être minimisés.
3. Les références et les publications relatives aux effets néfastes des techniques d’exploitation des gaz de schiste sont nombreuses et à la portée de tous. C’est une technique très polluante, nécessitant beaucoup d’eau. Est-ce que la Tunisie pourra sacrifier la zone de Kairouan, Sousse, El Jem et Sfax Nord? Pensons à l’agriculture, à nos paysans, à nos ressources en eau déjà limitées, à notre environnement et à nos villes touristiques.
4. La loi sur les hydrocarbures devrait être modifiée afin d’introduire la réglementation nécessaire pour exploiter le gaz non conventionnel qui n’a pas de cadre juridique à ce jour.
5. Il est recommandé aux autorités de promouvoir l’exploration et d’inciter les opérateurs à être plus actifs, sachant qu’il y a des compagnies qui s’octroient des permis et qui ne font que peu ou rien.
6. Il faut aussi canaliser la diffusion de l’information correcte et objective afin d’éviter les polémiques.
7. Des discussions doivent être lancées avec les experts (opérateurs et Etap) au sujet de la promotion de l’exploration. Est-ce que nous avons tout fait en Tunisie? Est-ce qu’on a raison de se résigner à être un pays à ressources limitées? En fait, il nous reste beaucoup à faire, et la Tunisie a encore des zones non explorées et des objectifs pétroliers conventionnels non encore atteints!
* Exploration Manager.