«Le savoir est essentiel pour la croissance et l’emploi en Tunisie»: tel est le message porté par le président de la Banque mondiale (Bm), M. Robert B. Zoellick lors de la conférence consacrée à la Tunisie, le 6 octobre, à Washington, aux Etats-Unis.


La conférence, à laquelle a pris part aussi le Premier ministre, M. Mohamed Ghannouchi, portait sur le thème: «Au-delà de la reprise en Tunisie: Replacer la croissance à long terme et la création d’emplois dans le cadre d’une économie du savoir».
Le savoir est devenu le principal moteur du développement économique et social. Conjuguée à la mondialisation et accélérée par la diffusion rapide des connaissances, cette évolution touche l’ensemble des pays et des régions du monde.

Tunisie pionnière dans la région Mena
Le concept d’économie du savoir est aujourd’hui au cœur des politiques économiques dans de nombreux pays avancés et en développement. Selon la méthode d’évaluation mise au point par la Banque mondiale (Knowledge Assessment Methodology, Kam), le développement d’une économie du savoir dans un pays repose sur quatre piliers: la solidité du régime économique et institutionnel, l’éducation, l’infrastructure de l’information et l’innovation.
La transition vers une économie du savoir pose de nombreux défis, et nécessite de mettre les systèmes éducatifs en adéquation avec les besoins du marché de l’emploi; d’investir dans la recherche et le développement; de promouvoir l’innovation dans le secteur privé ; de développer l’usage de l’Internet et l’adaptation technologique; et de créer des emplois à forte intensité de connaissances.
La Tunisie fait figure de pionnier dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena), par l’adoption de mesures favorisant l’instauration d’une économie basée sur le savoir, qui permettra au pays de mieux exploiter son énorme capital humain pour améliorer la productivité et renforcer la croissance. «La Tunisie a accompli des progrès impressionnants dans l’accès à l’éducation pour tous, et en particulier en investissant dans l’éducation des femmes», a déclaré M. Zoellick. Il a ajouté: «L’éducation représente 20% du budget de la Tunisie, ce qui équivaut à 7% du Pib. Entre 1995 et 2005, la Tunisie a triplé le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur, et les femmes constituent maintenant la majorité des diplômés de l’enseignement supérieur. En conséquence, la Tunisie a connu une augmentation rapide de la population active en raison des taux de participation accrue des femmes. Malheureusement, cela signifie que les femmes représentent la majorité des chômeurs.»

Diversifier les marchés d’exportation
Evoquant ensuite les grandes orientations stratégiques de l’économie tunisienne, M. Zoellick a indiqué que «la Tunisie a déployé des efforts constructifs au cours des 20 dernières années pour s’intégrer à l’Europe». Résultat : «Aujourd’hui, 75% de ses exportations sont destinées aux marchés européens.» Cependant, la stratégie actuelle de la Tunisie consiste maintenant à «diversifier ses marchés d’exportation au-delà de l’Europe et à renforcer l’intégration avec les pays du Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena), ainsi que dans l’Afrique subsaharienne et au-delà.»
La mondialisation offrant un large éventail de possibilités aux pays dans le monde arabe, «la Tunisie a jusqu’à présent été en mesure d’exploiter la dynamique mondiale dans une certaine mesure, lui permettant d’afficher des taux de croissance impressionnants et à faire passer son modèle des exportations de l’agriculture et de carburant vers les exportations manufacturières dans les secteurs électroniques et mécaniques», s’est félicité M. Zoellick.
Pour le président de la Bm, le défi pour la Tunisie aujourd’hui «consiste à accélérer la transformation structurelle de son économie, à intensifier les efforts de modernisation des chaînes de production, à accroître la productivité et à générer des volumes suffisants d’emplois qualifiés».
Autre orientation soulignée par M. Zoellick, en phase avec celles de la Bm, la diffusion des technologies de l’information et de la communication, qui est tributaire de l’investissement privé, lequel dépend lui-même de la bonne gouvernance, d’un climat propice aux affaires, du financement des entreprises innovantes, et d’un cadre politique cohérent.
Rappelant les projets que la Bm a mis en œuvre dans la région Mena dans ce domaine, l’Américain a indiqué que la Bm a aidé le gouvernement tunisien à ouvrir son secteur des Tic à la participation accrue des acteurs privés et à la concurrence: «les Tic représentent désormais environ 10% du Pib du pays, en hausse de 3,5% en 2001», a souligné M. Zoellick. Il a ajouté : «L’appui de la Banque pour la réforme du commerce et le développement des exportations a également permis à la Tunisie d’approfondir son intégration mondiale par l’ouverture de manière significative l’économie, ce qui a permis de réduire les coûts de la logistique d’exportation et d’assurer une plus grande convergence des produits aux normes internationales.»

Une transition économique

Dans son intervention à la rencontre M. Ghannouchi a souligné, pour sa part, que la Tunisie est en train d’«opérer la transition d’un modèle de croissance ayant pour moteur la compétitivité et reposant sur l’utilisation massive d’une main-d’œuvre peu qualifiée vers un modèle de croissance qui privilégie l’innovation et l’emploi d’une main-d’œuvre hautement qualifiée» (lire l’allocution de M. Ghannouchi sur le site de l’agence Tap).
Évoquant le défi que cela représente pour la région Mena dans son ensemble, Mme Shamshad Akhtar, la vice-présidente pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord à la Bm, qui participait elle aussi à la réunion, a fait remarquer que «pour exploiter ses potentiels de croissance, la région doit se tourner vers des activités à haute valeur ajoutée dans le secteur manufacturier et l’industrie des services».
Tous ont reconnu que la promotion d’une économie du savoir est une tâche complexe et de longue haleine qui requiert des efforts continus pour se doter d’un environnement qui favorise l’entrepreneuriat et innovation. Ce qui implique, dans le cas de la Tunisie, un renforcement de la concurrence sur les marchés et l’adoption de réformes réglementaires à même de stimuler un accroissement des taux d’investissement privé et de permettre l’expansion du secteur privé.
Pour illustrer le rôle de la Bm dans la formulation de stratégies de croissance basées sur le savoir, Mme Akhtar a indiqué que, sous l’égide de l’Initiative du monde arabe, l’institution financière internationale a coparrainé avec la Tunisie une conférence de haut niveau sur l’économie du savoir organisée avec le concours de l’Organisation islamique pour l’éducation, la science et la culture (Isesco). La conférence a eu lieu fin 2009 à Tunis.

Imed Bahri