Dans un communiqué publié dimanche, l’organisation patronale a lancé un appel aux autorités compétentes pour mettre fin définitivement au phénomène du commerce parallèle. Sera-t-elle entendue?


Sous le règne de Ben Ali, le gouvernement a longtemps fermé les yeux sur le commerce parallèle qui était organisé par la mafia de l’ex-président, au vu et au su de tous, avec la complicité active de l’administration, notamment le ministère du Commerce et les services de la douane. Aussi, lorsque l’ex-président a inauguré lui-même les nouveaux bâtiments du Souk Moncef Bey, à Tunis, paradis du marché parallèle et des produits contrefaits, cela n’a surpris personne. Pas même l’ex-président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), Hédi Djilani, un parent par alliance de l’ex-couple présidentiel. Le souk était pourtant construit sur un terrain appartenant à… l’Utica.

Comment les réseaux se sont-il reconstitués?
Après la chute de Ben Ali et de son régime, le marché parallèle a-t-il connu un reflux du fait de l’arrestation et de la fuite de la plupart de ses animateurs parmi le clan de l’ex-président? La réponse est, paradoxalement, non. Pourquoi ces pratiques hors-la-loi persistent-elles? Qui en profite aujourd’hui? Comment les réseaux se sont-ils reconstitués? Comment fonctionne-t-il? Et au profit de qui? En d’autres termes: par qui les Ben Ali et les Trabelsi ont-ils été remplacés?
L’Utica, qui s’est toujours plainte de ce phénomène, ne se pose pas toutes ces questions. Elle se contente de rappeler «la grande ampleur qu’a prise le phénomène du commerce parallèle qui s’installe de plus en plus au détriment du commerce organisé, ainsi que ses effets néfastes directs et indirects sur l’économie nationale». Et appelle à «une application stricte de la réglementation et un contrôle rigoureux au niveau des frontières et même au niveau des étalages». L’organisation patronale tire aussi la sonnette d’alarme quant à «l’impact négatif de ce phénomène sur l’industrie locale, les investissements et la création d’emplois, ainsi qu’au risque réel qu’il présente pour la sécurité des citoyens et du pays en général».
Par ailleurs, l’Utica appelle «à mettre fin à l’implantation anarchique en application des lois en vigueur, notant que ce phénomène représente une concurrence déloyale vis-à-vis du commerce organisé, et véhicule des produits de contrefaçon qui constituent une véritable menace pour la santé et la sécurité du consommateur». Et renouvelle son engagement à «proposer des solutions, assister et encourager les opérateurs dans ce secteur à s’intégrer progressivement dans le circuit officiel et organisé».

La marge étroite du gouvernement
Que peut faire le gouvernement face à cette situation? Sa position est, à vrai dire, inconfortable. Va-t-il continuer à laisser-faire, alors que les entreprises sont sous pression à cause du ralentissement économique? Va-t-il, au contraire, se décider à sévir en prenant les mesures nécessaires pour mettre fin à une activité certes illégale et anarchique, mais qui fait vivre des dizaines de milliers de familles?
L’une ou l’autre solution a ses avantages et ses inconvénients, ses bénéficiaires et ses perdants. Il va donc falloir peser la décision, sachant que la marge de manœuvre est étroite, surtout en cette période d’instabilité politique, économique et sociale.

Imed Bahri