Depuis janvier 2006, au moins treize pays arabes, dont la Tunisie, ont annoncé le lancement ou la réactivation de projets destinés à l’étude et au développement de l’énergie nucléaire civile.
La 45e session ordinaire du conseil exécutif de l’Agence arabe de l’énergie nucléaire (Aaea), qui se tient à Tunis du 27 au 30 juillet, en présence des représentants des pays membres et de la Ligue des Etats arabes, devrait aider à concevoir et mettre en place stratégie arabe concertée dans ce domaine. Enquête…
La réunion de Tunis est consacrée à l’examen des projets et des programmes de l’agence pour la période 2011 et 2012 relatifs à la stratégie arabe pour l’exploitation pacifique de l’énergie nucléaire adoptée par le sommet arabe de 2009.
A l’ouverture des travaux, Abdelmajid Mahjoub, directeur général de l’agence, a souligné, l’intérêt croissant des dirigeants des pays arabes pour la question de l’exploitation pacifique de l’énergie nucléaire ainsi que leurs encouragements en vue de la diversification des utilisations des technologies nucléaires dans les différents domaines de développement durable et la création de projets arabes mixtes soulignant que l’énergie nucléaire est désormais un choix indispensable en matière de développement.
Diversifier les ressources énergétiques
Malgré la disponibilité de ressources énergétiques importantes – qui n’implique pas mécaniquement un approvisionnement en énergie pratiquement garantis –, les pays arabes semblent déterminés à investir dans le nucléaire civil pour diversifier leur parc énergétique et assurer un approvisionnement sûr à long terme.
Depuis janvier 2006, au moins treize pays arabes: le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, l’Égypte, la Jordanie, la Syrie, le Yémen, ainsi que les six pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) – qui regroupe l’Arabie saoudite, le Bahreïn, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Qatar et Oman – ont annoncé le lancement ou la réactivation de projets destinés à l’étude et au développement de l’énergie nucléaire civile. Ils sont souvent encouragés dans leur démarche par les puissances nucléaires, les Etats-Unis, la Russie, la Chine et la France en tête, qui leur offrent assistance technologique et solutions clé en main, moyennant bien sûr des investissements très lourds.
La France, qui est très impliquée dans la refonte du schéma énergétique du Bassin méditerranéen, est aussi la plus engagée dans le développement de l’énergie nucléaire civile dans le monde arabe. «Si on ne donne pas l’énergie du futur aux pays du sud de la Méditerranée, comment vont-ils se développer? Et s’ils ne se développent pas, comment on va lutter contre le terrorisme?», avait plaidé le président Sarkozy, deux mois seulement après son élection en mai 2007. La France a d’ailleurs signé des accords avec plusieurs pays de la région, dont la Tunisie, le Maroc, l’Algérie et la Libye, pour l’étude de faisabilité et du financement de centrales dites de troisième génération livrables d’ici à une dizaine d’années.
Pour l’heure, aucune commande ferme n’a été conclue, mais ces dossiers semblent avancer désormais très vite.
Les pays arabes – en particulier la Tunisie, le Maroc, l’Égypte et la Jordanie – qui ont peu (ou pas assez) de réserves d’énergie, sont animés d’un désir d’indépendance énergétique pour faire face à l’augmentation du prix du pétrole, qui ne cesse d’amplifier la situation d’inquiétude dans le marché pétrolier. Pour faire face à cette vulnérabilité, le besoin de diversifier les ressources énergétiques et de trouver des ressources alternatives demeure une motivation essentielle pour l’investissement dans le nucléaire civil.
Après avoir massivement investi dans des infrastructures industrielles et touristiques, les pays du Golfe connaissent aujourd'hui une croissance de leur consommation d’électricité de 7% à 8% par an... mais ils n’ont pas tous les moyens d’y faire face. Abu Dhabi, Dubaï ou Oman produisent l’essentiel de cette électricité à partir de gaz naturel, qu’ils doivent de plus en plus importer de pays voisins comme le Qatar. Dans des Etats comme l’Arabie saoudite, plus de la moitié des ressources de gaz dépendent de la production de pétrole, ce qui pose des problèmes de disponibilité pour la production d’électricité.
Développer des technologies de désalinisation de l’eau
Sur un autre plan, les pays de la région cherchent à se doter de l’énergie nucléaire civile pour mettre sur pied les technologies liées à la désalinisation de l’eau, afin de faire face au «stress hydrique» qui secoue toute la région.
Rappelons, à cet effet, que la recherche et la mobilisation des eaux sont une priorité dans cet espace qui rassemble 6,7% de la population mondiale mais ne détient que 1,1% des ressources hydriques en raison de l’aridité, de la rareté de la pluie et du problème de l’évaporation.
Dans les pays du Golfe, où l’agriculture n’est qu’un secteur économique marginal, la quasi-totalité de l’eau potable consommée localement est le résultat du dessalement de l’eau de mer dans des usines modernes. En parallèle de l’apport du nucléaire civil en matière de sécurité hydraulique et de ses avantages pour le secteur de l’agriculture ainsi que pour les industries agroalimentaires, les programmes de ces pays en la matière visent également à étudier les applications du nucléaire dans le secteur de la santé, notamment la médecine nucléaire.
Il apparaît donc de ce qui précède que les services énergétiques nucléaires apparaissent comme vitaux pour la sécurité hydraulique, économique, politique et sociétale dans les pays arabes, compte tenu de ses incidences positives sur la médecine et la santé publique.
Cependant, l’énergie nucléaire – qui a au moins trois grands atouts: quasi-absence d’émissions de gaz à effet de serre et de pollution atmosphérique, prix concurrentiels et stables et contribution à la stabilité d’approvisionnement – pose aussi le problème fondamental du traitement des déchets, souffre d’une mauvaise réputation et pourrait faire l’objet de contestations, compte tenu de ses impacts environnementaux. Ces questions aussi méritent d’être débattues.
Imed B.