L’économiste tunisien Azzam Mahjoub, professeur à la Faculté des sciences économiques de Tunis et expert auprès du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), a été invité par notre confrère ‘‘Les Afriques’’ (No 131, du 29 juillet au 29 septembre 2010) à établir une comparaison entre les performances économiques du Maroc et celles de son rival maghrébin, la Tunisie. Très édifiant…
Contrairement à l’Algérie, le Maroc et la Tunisie «ont déployé beaucoup d’efforts pour renforcer leur attractivité économique». Ayant «fait le pari de l’ouverture économique», les deux pays ont signé des accords bilatéraux avec de nombreux pays arabes et africains, mais ils se sont surtout liés par des accords d’association avec l’Union européenne (UE). Mais tout en affirmant qu’«une féroce compétition oppose, de fait, les deux pays, qui misent sur les mêmes secteurs comme le tourisme, l’industrie et l’offshoring», M. Mahjoub croit pouvoir ajouter que «le Maroc a pris une longueur d’avance [sur la Tunisie] en signant un accord de libre-échange avec les Etats-Unis et en obtenant le statut de partenaire avancé avec l’Union européenne (Ue)».
Nuançant cependant son affirmation, le chercheur admet que «les deux pays font presque jeu égal en termes de croissance économique, avec des taux tournant autour de 5% en moyenne au cours des dix dernières années». Il ajoute: «Si l’on se fie aux indicateurs de performance économique établis par les institutions internationales, la Tunisie apparaît légèrement plus performante que le Maroc.» Il cite, à titre d’exemple, le dernier indice de compétitivité établi par le Forum économique de Davos qui place la Tunisie au 40e rang mondial, alors que le Maroc est 73e.
Regain de dynamisme marocain
«Loin de ces indicateurs, dont la méthodologie est souvent contestée par le gouvernement marocain, le royaume chérifien a montré ces dernières années un regain de dynamisme qui lui donne un petit avantage sur la Tunisie en termes d’attractivité économique», admet aussi le chercheur. Il ajoute : «Le Maroc a, par exemple, coiffé au poteau son principal rival maghrébin en termes de fréquentation touristique. Il a aussi creusé l’écart dans le domaine de l’accueil des investissements directs étrangers, avec des flux nets de capitaux étrangers de 3,3 milliards d’euros, contre 1,3 milliard d’euros pour la Tunisie en 2009.»
Les atouts du Maroc sont: «un marché intérieur trois fois plus important que celui de la Tunisie (plus de 30 millions de consommateurs)», un «climat des affaires en nette amélioration, grâce notamment aux réformes relatives à l’amélioration de la gouvernance et à l’arrivée à maturité de nombreux projets structurants lancés par le gouvernement, comme les zones franches ou encore le port Tanger-Med» et, surtout, une «image de marque très positive (…) à l’étranger», adossée à une «diplomatie économique très active, notamment en Europe et en Afrique».
Le défi du développement humain
A l’instar de la Tunisie, le Maroc a encore beaucoup à faire pour devenir un pays véritablement émergent. Il doit, selon M. Mahjoub, améliorer davantage son environnement des affaires, «notamment en luttant contre la corruption et en renfonçant l’efficacité du secteur public et l’indépendance de la justice.» Il doit aussi améliorer ses scores dans le domaine du développement humain, où se classe, selon l’indicateur 2009 de développement humain du Pnud, 130e sur 181 pays, loin derrière la Tunisie (98e).
Autre défi pour le royaume chérifien: la lutte contre les inégalités sociales et la pauvreté, qui touche encore quelque 2,8 millions de personnes. Un domaine où la Tunisie est beaucoup mieux positionnée.
I. B.