Les analystes prévoient l’instauration de la démocratie et le retour de la croissance, mais étant donné la montée de l’intolérance religieuse, de l’insécurité et du chômage, le pire ne peut être écarté.

Par Maher Gordah


La révolution tunisienne a bouleversé le paysage politique et économique du pays. En effet, les premiers effets de cette révolte sur l’économie nationale se sont fait d’ores et déjà sentir par la baisse conséquente du tourisme, ainsi que la baisse de la production industrielle et des investissements directs étrangers. La croissance du produit intérieur brut, c’est-à-dire la richesse nationale générée par l’activité économique, s’est située entre 0 et 1% en 2011.

La hausse des prix rogne le pouvoir d'achat des citoyens.

De mauvaises perspectives à l’horizon

La hausse du déficit budgétaire, due à la baisse des recettes fiscales et la hausse des subventions, conjuguée à l’augmentation des coûts d’emprunt (dû à la baisse de la notation tunisienne – le rating émis par les grandes agences de notation) a mis en péril les plans du gouvernement islamiste actuel dont les mesures populistes ne feront – si elles sont appliquées – qu’aggraver la situation économique et mènera le pays vers une faillite financière assurée, ce qui signifiera que le pays sera obligé d’être sous perfusion du Fonds monétaire international (Fmi), afin de se maintenir économiquement.

Bien que le gouvernement se soit accommodé de la perspective des récents engagements du G8 pour soutenir le «printemps arabe» (d’un montant de 40 milliards de dollars pour la Tunisie et l’Egypte), afin de relancer la situation économique à court terme, tout en assurant la soutenabilité des finances publiques à moyen et long terme, rien ne présage de bon sur le plan économique d’ici la fin 2012. Au meilleur des cas, la situation stagnera.

L'économie tunisienne se remettra-t-elle du feu de la révolution?

La croissance est-elle définitivement derrière nous?

Des études récentes d’économistes chercheurs et analystes financiers des plus grandes institutions financières internationales privées et institutionnelles ont mentionné que la Tunisie ne retrouvera le chemin d’une croissance stable qu’à condition que la situation politique se stabilise et qu’une réelle démocratie soit instaurée.

Ainsi, si ces deux conditions seront effectives, nous pouvons penser que la Tunisie retrouvera d’ici deux ans une croissance entre 4 et 5%, en s’appuyant sur ses principaux atouts à savoir une économie en mutation s’orientant vers une production à plus forte valeur ajoutée et une ouverture aux capitaux étrangers parmi la plus avantageuse de la zone.

Avant la crise financière internationale, la Tunisie affichait un rythme moyen de croissance annuel de 4,8% (sur la période 1990/2008), rythme bien supérieur à celui de ses voisins marocains et algériens, respectivement de 3,7% et 2,7% sur cette même période. La Tunisie avait par ailleurs relativement bien résisté à la crise financière, en affichant un taux de croissance du Pib de 3,1% en 2009 et de 3% en 2010.

En 2011, le dernier gouvernement de Ben Ali prévoyait une croissance estimée à 5,4%. Depuis lors, la révolution du peuple tunisien a bouleversé les perspectives économiques du pays. Le taux de croissance du Pib a été atone, en avoisinant un taux de 1,1% (Source: Banque africaine de développement, Bad).

Pour l’année 2012, la dévaluation du dinar par rapport à l’euro et le dollar ne va pas assainir la situation des finances publiques. En effet, la Tunisie étant un pays importateur de pétrole et de nombreuses denrées alimentaires, il sera directement affecté par l’envolée des cours des matières premières et énergétiques. Cela affectera ipso facto le portefeuille du consommateur. L’inflation reste cependant assez modérée, autour de 3%, qu’on peut expliquer notamment par le fait que de très nombreux produits de base sont subventionnés par l’Etat.

Le panier de la ménagère souffre.

Quid des promesses populistes du gouvernement?

Dans cette période de crise, où la baisse d’activité devrait entrainer davantage une baisse mécanique des recettes fiscales, le déficit budgétaire devra s’accroître à 5% ou plus, selon une estimation du gouvernement tunisien. Ceci semble donc compromettant pour les promesses populistes du gouvernement islamiste au pouvoir, car l’un des enjeux de la Tunisie va consister, pour se maintenir économiquement, à soutenir l’économie à court terme via le budget de l’Etat tout en essayant de préserver à moyen terme la soutenabilité de ses finances publiques.

Ainsi, les promesses farfelues, voire complètement chimériques de la troïka au pouvoir, semblent donc incompatibles avec les objectifs économiques auxquels le gouvernement doit s’atteler s’il veut éviter la banqueroute du pays.

Si on table sur une stabilisation politique effective et durable, on pourrait espérer une relance économique de la Tunisie. Bien que persiste jusqu’au jour d’aujourd’hui une incertitude politique qui freine encore touristes et investisseurs étrangers.

En conclusion, selon l’évolution de la situation politique, on peut imaginer 3 types de scénarios possibles:

Scénario 1: Instauration d’une démocratie stable et ouverte sur l’extérieur: la Tunisie pourra retrouver d’ici la fin 2012 et le début du premier trimestre 2013 une croissance de long terme (entre 4 et 5%).

Scénario 2: La stabilisation politique et l’instauration de la démocratie prend plus de temps que prévu: la confiance des ménages et des entreprises s’éroderait, le tourisme sera en berne et la reprise économique serait ralentit et relativement atone durant les deux prochaines années (entre 2 et 3%).

Scénario 3: Nouvelles révoltes, voire même effondrement du gouvernement et retour de la dictature: tous les effets actuels seraient accrus et une récession aura lieu. En cas de dérapage du gouvernement islamiste vers une théocratie progressive, il serait de plus en plus possible que les promesses financières du G8 ne soient pas accordées. Ainsi, une réelle rupture de la tendance de long terme du Pib aurait alors lieu.

Tous les analystes économiques privilégient pour le moment le premier scénario, mais étant donné la recrudescence de l’insécurité, la forte poussée des  salafistes et la forte montée du chômage et de la pauvreté, le troisième scénario ne peut être écarté.