Par Jamel Heni
Fadhel Jaïbi plaide de nouveau «lumière» et affirme être une «exception» dans l’histoire de la Tunisie sur Hannibal TV. Ce sont ses mots, sans la moindre paraphrase ! Une fois à l’occasion de ‘‘Hadha Ana’’, du temps de Ala Chabbi. Une deuxième fois en commentaire à son «refuge» (aime-t-il à répéter) à la salle le Mondial, qui a accueilli pour une durée de 9 mois Familia Production.
«Que le ministère mette à notre disposition le Mondial, est bon à prendre, commente-t-il. Nous ne cracherons pas dans la soupe. Mais j’ose encore croire que les autorités culturelles ont le devoir de soutenir des artistes de notre cran… Oui nous sommes les titans de la place théâtrale… Paradoxalement nous ne sommes pas toujours à la télé… Le mérite vous en revient (Hannibal TV)…Non, nous n’avons pas arrêté la contestation. Et comment ?! Un artiste libre n’arrête pas de contester…».
La petite personne de l’excellent réalisateur et fierté nationale, ne nous occupe pas ici. Nous ne traiterons pas non plus de sa production théâtrale. Sa prose suffisante nous impose, cependant, une réflexion. Pas seulement psychologique de l’ordre du «comment peut-on parler de soi ainsi ?!». Non, pas seulement.
Par-delà, une partie de notre sociologie y est jetée, un affect collectif qui investit de toutes les compétences terrestres, de toutes les qualités révolutionnaires nos artistes les plus brillants ! Comme si nous en avions peur. Peur de s’attirer leurs foudres contestataires à tous crins, une divination a contrario, divination plus cléricale que soufie (tant elle s’applique physiquement à un homme ici-bas, à un artiste, à un concitoyen!)…
Cela tient aussi à la sociologie de nos artistes eux-mêmes qui s’en tirent à bon compte en s’affublant de compétences sociales (politiques, syndicales, voire scientifiques !) bien au-delà de leurs compétences techniques avérées et généralement appréciées !
Sous d’autres cieux, cette folie des grandeurs, parce que c’en est une, aurait au moins été commentée, discutée, retournée dans tous les sens, excusée à la fin peut-être mais jamais tue, passée sous silence, comme cela est arrivé et arrivera probablement encore chez nous !
Nous n’avons pas d’hypothèse franche sur notre part de responsabilité dans cette cruelle absence de critique vis-à-vis des intellectuels!! L’intuition d’une structure tribalo-confrérique nous séduit à ce sujet, mais passons…
Nous avançons toutefois l’hypothèse chère au sociologue français Pierre Bourdieu en ce qui concerne la sociologie de l’intellectuel, en l’occurrence et par glissement conscient l’intellectuel tunisien. Le choix de Bourdieu, s’en trouve doublement indiqué par le mépris que nos intellectuels opposent à toute opinion compatriote d’une part et en vertu d’une «docilité» délibérée au syndrome du colonisé dont souffrent beaucoup d’entre eux d’autre part !
Le mépris, oui c’en est bien un, que nos artistes tunisiens manifestent à l‘égard de la presse nationale et des contributions de certains de nos chercheurs, me rappellent la figure du contestataire incontesté, par simple disqualification de toute instance critique et par absolution de tout compte à rendre de leur contestation originelle, définitive et invariablement supérieure!
A suivre:
Fadhel Jaïbi : Le contestataire incontesté (2-3)
Fadhel Jaïbi : L’incontesté contestataire (3-3)