Mohammed Fathallah, patron de Momo Events, société organisatrice de spectacles tunisiens à Montréal, souligne pour Kapitalis les difficultés qu’il trouve à diffuser la culture tunisienne au Canada. Sarra Guerchani, Montréal.


Momo Events, qui a présenté le one man show de Jaâfar Guesmi ‘‘Ettounsi.com’’, le vendredi 20 novembre, à l’amphithéâtre de l’université de l’Uqam, à Montréal, au Canada, avait déjà fait venir des spectacles tunisiens dans cette métropole francophone où vit une forte communauté d’origine tunisienne. Il y a fait venir notamment des one man shows de Kamel Touati, Lotfi Abdelli, Soufiane Chaâri, Lamine Ennadi et Ouajiha Jendoubi.
Ces spectacles ont cependant beaucoup mieux marché que celui de Jaâfar Guesmi. «Sur les 700 places disponibles, nous n’avons vendu que 300. C’est bien dommage», a affirmé le jeune promoteur.


Jaâfar Guesmi à l’amphithéâtre de l’université de l’Uqam quelques heures avant son spectacle.

Où sont les responsables tunisiens de Montréal?
Cependant, plus que le demi succès d’‘‘Ettounsi.com’’, ce que M. Fathallah regrette le plus c’est le manque d’intérêt des responsables tunisiens de Montréal pour la culture.
«Je ne comprends pas pourquoi ils ne veulent pas m’aider à organiser des spectacles. Je suis en train de rassembler la communauté tunisienne autour de notre culture, d’exporter notre image de marque et nos valeurs à 7.000 km de Tunis et je ne trouve aucune aide. Je ne demande même pas de financement mais au moins un soutien moral», se plaint le patron de Momo Events. Selon ses dires, le consulat de Tunisie à Montréal lui a même interdit de poser des affiches du spectacle dans ses locaux, sous prétexte que le but était purement commercial !
Le jeune promoteur, qui avoue avoir des difficultés pour joindre les deux bouts, ajoute: «Les spectacles s’autofinancent de A jusqu’à Z. Avant, c’était beaucoup plus simple. Les artistes étaient indépendants et on négociait directement avec eux. Aujourd’hui, il y a une nouvelle tendance: ils appartiennent tous à des boîtes de production. Résultat: on doit prendre en charge entre 3 ou 4 autres personnes (hébergement, transport, repas), en plus du cachet de l’artiste. Le spectacle coûte donc plus cher et devient, du coup, moins rentable!»
«C’est  mon huitième spectacle et peut être bien mon dernier…», annonce le jeune promoteur, visiblement démotivé. «Au début, c’était sympa et ça a rapporté de l’argent. Aujourd’hui ça ne rapporte pratiquement plus. Sauf, peut-être, une expérience et un bon réseau. C’est déjà bien, diriez-vous, mais ça me coûte deux mois de fatigue; je paye une partie du spectacle de ma poche et, avec les bâtons dans les roues du consulat, c’est vraiment difficile», souligne encore M. Fathallah. Il ajoute: «Je pourrais très bien arrêter d’organiser des événements culturels. J’ai un travail à côté. Pour moi, c’est juste une passion et un défi.»
M. Ben Fathallah est, en effet, professeur de finance à l’Uqam. Il a réussi à organiser le premier événement culturel tunisien de la ville de Québec il y a huit ans, en ramenant le comédien Soufiane Chaâri. Il a continué avec d’autres comédiens. Ça a relativement bien marché jusque là. Puis, il y a eu le semi-échec d’‘‘Ettounsi.com’’.
Mohamed n’en reste pas moins généreux: il donnera 10% des recettes du spectacle à l’association Tunaction qui a ouvert une branche à Montréal, en septembre 2010 dernier, après celle de Paris en 2007. «Même si je ne trouve pas mon compte, au moins j’aurais aidé quelques enfants…», lâche-t-il, un brin philanthrope.
Les membre-fondateurs de Tunaction-Montréal ont d’ailleurs profité du spectacle pour faire connaître leur association et communiquer sur ses différents projets auprès des membres de la diaspora tunisienne venus assister au one man show de Guesmi. Ils ont ainsi noté les contacts des Tunisiens intéressés par leurs activités: «Tout le monde a accepté de recevoir des informations sur Tunaction. Nous avons eu beaucoup d’encouragement ce soir», affirme la présidente de Tunaction Montréal, Abir Triki.

Des Tunisiens en action
«C’est une bonne initiative. Il faut encourager ses promoteurs. Nous sommes loin de chez nous, alors si on peut aider des gens au pays, pourquoi pas», dit Sami. «Notre objectif est de mettre en relation les Tunisiens à l’étranger avec les enfants tunisiens handicapés et/ou orphelins au pays», explique encre Abir Triki. Elle invoque un argument de taille plaidant en faveur de son association: la transparence. «Nous ne donnons aucun sous aux associations et aux centres locaux. Nous aidons les gens qui en ont besoin par des projets. Il s’agit souvent de dons matériels. Par exemple, si un centre d’aide aux handicapés a besoin d’être rénové, nous faisons appel à un entrepreneur, qui nous donne un devis. C’est seulement à partir de là que nous commençons la collecte des fonds. Une fois l’argent réuni, nous achetons le matériel demandé et nous payons les travaux. Et les donateurs peuvent toujours appeler et nous demander les devis. La transparence est très importante. Nous voulons installer un rapport de confiance avec les donateurs», précise Abir Triki.
Actuellement, Tunaction travaille sur un projet de l’Utaim Kerkennah, le centre d’éducation spécialisée, de réhabilitation et de formation. Le siège de ce centre, construit en 1989, est en train de tomber en ruine, ce qui représente un danger sanitaire pour les enfants handicapés qui y passent leur journée.
Des événements sont en préparation pour faciliter les opérations de levée de fond pour que Tunaction-Montréal puisse réaliser son premier projet. Jaâfar Guesmi, qui ne manque pas de cœur, se dit prêt, lui aussi, à donner: «Il est du devoir de chaque artiste de répondre présent à ce genre d’initiative. Notre popularité, si elle peut aider des personnes dans le besoin, je répondrais toujours présent. Ça ne peut être qu’une fierté».  

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Notre photo: Jaâfar Guesmi posant au milieu des membres de la communauté tunisienne de Montréal.