«Ils ne passeront pas à la Marsa ni partout ailleurs en Tunisie», a dit un jeune artiste sur un ton victorieux, après que la tentative, dimanche, d’éléments salafistes de faire décrocher des tableaux au palais El-Abdellia eut échouée.

Par Zohra Abid


Suite aux menaces, proférées, ce matin, par des Salafistes exigeant le décrochage des tableaux jugés indécents, le Printemps des Arts de la Marsa a connu une forte  mobilisation citoyenne de soutien des artistes et galeristes.

Attachement à la liberté d’expression

Les organisateurs de l’événement, inauguré le 1er juin, ne pouvaient rêver d’une meilleure publicité : plusieurs centaines de personnalités politiques, culturelles et médiatiques se sont donné rendez-vous en fin d’après midi au palais El-Abdellia pour exprimer leur rejet de toute forme de censure et leur attachement à la liberté d’expression. Finalement, les salafistes ayant proféré leurs menaces le matin semblent avoir mis de l’eau dans leur vin (qu’on nous excuse cette expression peu appropriée) et ont brillé par leur absence. Quatre autres ont cru devoir venir pour exprimer leur mécontentement face à quelques unes des œuvres exposées. Ils ont essuyé des huées et des «Dégage» bien sonores et ont été conduits à la sortie par des youyous de victoire.


Une forte mobilisation citoyenne.


Quelques unes des oeuvres qui dérangent.

La galeriste Yosr Ben Ammar  racontera que des policiers lui ont demandé discrètement de décrocher deux tableaux de Mohamed Ben Slama, jugés choquants par les visiteurs du matin (les salafistes accompagnés d’un huissier de justice et un avocat), mais sa réponse était catégorique : «Je ne vais rien enlever et je vous invite à être présents à partir de 17 heures pour attendre leur retour. L’Art ou eux, notre Tunisie ou eux… J’ai des principes et personne et encore moins ces personnes donneuses de leçons qui vont venir me dicter mon comportement et ce que j’ai le droit d’accrocher».


Nja Mahdaoui solidaire avec ses collègues artistes.


Qui lapide les femmes peut tuer les artistes.

La confrontation évitée de justesse

L’incident est momentanément clos. Le sentiment de soulagement qui se lisait sur les visages était empreint d’inquiétude. La liberté d’expression vraiment en danger ? Qui va arrêter ces inquisiteurs? Une conviction semble partagée: il ne faut rien lâcher. La liberté retrouvée avec la chute de la dictature ne saurait être cédée sous la pression d’une poignée d’extrémistes religieux.


Néjib Chebbi sait que l'art est une affaire éminemment politique.


Karim Ben Smaïl et Emna Belhaj Yahia, l'éditeur et l'écrivaine.

Il faut dire que les autorités n’ont pas brillé, comme souvent, par leur absence. Elles semblent avoir pris au sérieux les menaces du matin et elles se sont mobilisées autour du palais El-Abdellia et même à l’intérieur pour parer à toute éventualité et éviter une confrontation entre les artistes et les salafistes. Il n’est pas difficile d’imaginer ce qu’une telle confrontation, si elle avait eu lieu, qui plus est à la Marsa en ce début d’été, aurait alimenté comme commentaires dans les médias internationaux et comme conséquence sur une haute saison touristique qui peine déjà à démarrer.